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Selon un psychanalyste contemporain, il y a un « éclat » de la passion, un « éclat » du personnage tragique, qui fait une partie essentielle de sa séduction. Vous essaierez de réfléchir au sens que peut avoir une telle affirmation pour Les Histoires tragiques de François de Rosset et La Mariane de Tristan, en prenant en compte la pluralité des sens du mot « éclat ».

Publié le 18/09/2010

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          Il y aurait selon un psychanalyste contemporain, un « éclat de la passion, un « éclat « du personnage tragique, qui fait une partie essentielle de sa séduction. Le terme « éclat « est d’abord associé à la passion puis au personnage tragique, ce qui fait penser que passion et personnage tragique 

se confondent. Nous remarquerons ensuite que pour ce psychanalyste, l’«éclat « ferait une partie essentielle de la séduction. Ce qui plairait donc particulièrement à l’auditoire serait cet « éclat « qui serait  donc une condition de succès d’une pièce de théâtre ou d’un livre. Dès lors il est important de s’interroger sur les sens possibles du terme « éclat « et de s’appuyer sur des exemples tirés des Histoires Tragiques de François de Rosset et de La Mariane de Tristan pour éclairer cette affirmation.

Une première étape nous incitera à considérer  l’« éclat « au sens de magnificence, splendeur et rayonnement  dans la passion et les valeurs qui font les personnages tragiques. Une seconde étape nous amènera à donner au sens « éclat « un aspect plus noir de rumeur et scandale, qui font exploser les équilibres. Une dernière étape nous fera réfléchir au rapport  de séduction existant entre le personnage tragique  et l’auditeur/lecteur qui serait en partie conditionné par cet état « d’éclat «.          

 

           Si l’on considère l’idée d’Aristote que le « héros tragique doit inspirer terreur et  pitié « et « qu’ils sont des hommes meilleurs que nous «, alors on comprend que ceux-ci soient hissés au rang de personnages de référence, exemplaires. Doté de qualités exceptionnelles, le personnage  tragique apparaît alors comme étant hors-norme. Nous pouvons le vérifier en regardant comment François de Rosset qualifie les personnages de ses Histoires Tragiques. Ces histoires basées sur des faits divers des canards de cette époque présentent le sort tragique, barbare et funeste de personnages aux qualités excessivement positives. L’auteur au début de chaque  histoire les encense véritablement et les façonne à l’image de l’excellence. Ainsi dans l’histoire I, le personnage de Cléandre « est accompli en toutes les plus rares perfections qu’on puisse imaginer …riche vaillant et sage; jeune, savant et libéral ; si beau et si courtois qu’il était impossible de le voir sans l’aimer «et ces qualités seront par ailleurs transmises à son fils. Les enfants Doralice  et Lizaran de l’histoire V eux,«étaient beaux, qu’on eut dit que la Nature avait pris plaisir à les former, pour faire voir un de ces miracles «.  La société du XVIIe siècle  met l’accent sur une qualité indispensable : l’honnêteté. Il est incontestable que le personnage de Rosset est sublimé. L’ « éclat « en tant que rayonnement est d’autant plus avéré, que ces personnages  sont présentés dans un environnement souvent perturbé tel« l’Empire de Perse accablé de misères publiques «, ou le « siècle qui est l’égout de toutes les vilénies des autres «. Ce contexte apparaît alors comme un mauvais présage de ce qui peut advenir et porter atteinte à l’aura de ces personnages. Les qualités les plus exceptionnelles  ne suffisent pas à maintenir l’état de grâce. La société du XVIIe siècle est dictée par les apparences et  les Histoires Tragiques permettent  peut-être, une ouverture sur les êtres cachés derrière ces obligations mondaines. Ainsi  nous pouvons  lire dans l’histoire VII « les chrétiens sont entachés de vices exécrables «. Le vice, la faute fait partie intégrante du personnage tragique et  attend de pouvoir éclore.

Avec la Marianne de Tristan, nous sommes au cœur de ce qui caractérise la tragédie au XVIIe siècle. La passion du Prince fixe les normes qui veulent que l’historique et le politique soient garants  de valeur et de vérité dans la fiction. Il en découle un paradoxe qui fait coïncider la soif de démesure du public  avec une nécessaire vraisemblance. Les protagonistes de La Mariane de Tristan n’échappent pas à l’habit de la splendeur. Marianne discrète, déférente, respectueuse et patiente incarne « l’innocence indignement trahie « par Hérode le tétrarque, homme fin et rusé et d’ailleurs assez bon politique, tirant beaucoup d’orgueil de ses victoires, par exemple. Mais la démesure se marque surtout dans la passion mal payée de retour par son épouse. La perfection côtoie la monstruosité. Un élément extérieur va faire basculer l’équilibre fragile dans lequel évoluent nos personnages. Que ce soit par leur propre faute ou par celle des autres, victimes ou coupables ces personnages dépassés par leurs passions basculent dans le pécher ou le malheur. Les Histoires Tragiques notamment, se succèdent dans une surenchère de l’ignominie de meurtres, parricides, incestes et autres. 

Dans les exemples étudiés, la Parque précipite les évènements de manière irréversible. La transgression,  inévitable dans le modèle tragique, donne à l’« éclat « le sens de scandale.

 

          Le sang le plus noble qui soit n’empêche pas le basculement d’un extrême à l’autre. L’éclat opère alors comme une explosion des passions. Les passions négatives comme la  jalousie, la haine, la perversion ou la cupidité sont conduites à leur paroxysme. L’histoire VII de François de Rosset illustre parfaitement cet emballement des sentiments. Un jeune homme du nom d’Iracond, « fils d’un personnage vénérable « pour son mérite, qui « étudiait à 

l’université du Royaume «va sombrer dans un tourbillon de haine meurtrière. Vivement éconduit par l’amie de sa sœur,  liée par les liens du mariage et qui entend les respecter. Son insistance à harceler l’élue de sa passion maladive, conduit sa sœur à le dénoncer à leur père. Fou de rage et dans un état second, le frère, se sentant trahi va commettre un double meurtre épouvantable sur la personne de sa sœur et de son enfant à naître. Il se condamne ainsi lui-même à une double peine : un repentir sans limite et une mise à mort à la hauteur du crime commis.

La Mariane de Tristan va connaître la même fin tragique et funeste mais pour une faute qu’elle n’a pas commise. Soupçonnée d’adultère et accusée à tord par Salomé la manipulatrice,  d’avoir voulu attenter à la vie de son époux le Prince Hérode, celle-ci voit prononcer la sentence de sa mort. Le paradoxe est que par cette condamnation sans appel,  le Roi se condamne lui-même à une folie délirante et passionnelle. Hérode qui est un Roi émérite aux nombreuses victoires, va être anéanti par sa passion extrême pour  Mariane.

 

          La passion qui habite le personnage tragique le pousse à agir en dépit de la Raison ou de la Foi, les plonge dans l’égarement. Quand les coupables prennent conscience de leur  faute, ils deviennent alors victimes des passions qui les ont débordés. Le public/lecteur ne peut-il être séduit par le personnage tragique que dans un état d’excès ? Le côté  extraordinaire  des personnages de tragédie peut  en effet susciter un intérêt particulier. Lire des histoires basées sur des faits divers sanglants peut permettre de calmer « la bête qui est tapie chez les meilleurs «.Cette idée est défendu par Aristote qui nomme « catharsis «le phénomène de libération des passions qui se produit chez les spectateurs lors de la représentation  d’une tragédie. La tragédie aurait alors une fonction libératrice et symbolique des passions. François de Rosset,  par ses histoires qui se veulent exemplaires, moralisantes, tente de répondre  à ce besoin.  Ses personnages suivent un processus qui les amène de l’excellence à la perdition par l’action de passions exacerbées. Ils sont défigurés par elles jusqu’à en faire des monstres capables du pire à l’image de ce pauvre Iracond. Dès lors une passion destructrice fait place à une passion de la repentance et la rédemption,  passe par la mort. La pitié ressentie par le lecteur est à la hauteur de la tragédie qui frappe le personnage. L’excès dans la tragédie induirait une modération des pulsions dans la réalité. L’homme aurait plaisir à voir en représentation des vices qu’il s’interdirait dans la réalité.

Mais la question que l’on peut se poser à ce stade est n’est-on  séduit que  par l’excès chez le personnage ou aussi  par le retour au calme. Comme le disait Racine dans sa Poétique « La tragédie excitant la terreur et la pitié purge et tempère ces sortes de passions, c’est à dire qu’en émouvant ces passions, elle leur ôte ce qu’elles ont d’excessif et de vicieux, et les ramène à un état de modération conforme à la raison «. 

La séduction opèrerait-elle sans ce retour à la modération ? Ce voyage vers un inconnu plaît, à condition que ce voyage détienne un retour vers la Raison. Il faut que cette escapade ait un sens bien défini, et qu’un accord de 

vraisemblance soit  assurée par l’auteur. Georges de Scudéry disait à propos du Cid : « Le poète qui se propose pour fin d’émouvoir les passions de l’auditeur par celles des personnages, quelques vives, fortes et bien poussées qu’elles puissent être, n’en peut jamais venir à bout (s’il est judicieux) lors que ce qu’il veut imprimer en l’âme n’est pas vraisemblable «.

A cette condition, le lecteur ou le spectateur sera séduit.  Même si par des artifices de la plume,  l’auteur peut faire illusion, l’esthétique de la tragédie passe forcément par la morale. Il doit y avoir comme un réajustement de l’excès. Cette idée se retrouve dans la tirade finale de la Mariane quand  le gentilhomme  Narbal s’adresse au roi en ces termes : « O Prince pitoyable en tes grandes douleurs ! Toi-même est l’Artisan de tes propres malheurs (…) Tu sais donner des lois à tant de Nations, et ne sais pas régner dessus tes passions «.  La séduction ne peut se faire qu’au prix d’une morale.

 

          Le propre de la tragédie est d’allier une démesure qui fait l’éclat de la passion et  l’éclat du personnage tragique à un indispensable code de valeurs.

La séduction peut alors opérer et l’on comprend mieux le succès rencontré par les Histoires Tragiques de Nostre Temps qui  sur fond de société de la bienséance du XVIIe siècle, conjugue des destins individuels et tragiques en les chargeant d’une morale. Ce type de lecture a la double fonction d’exciter une curiosité parfois malsaine en se déculpabilisant à coup de préceptes moraux.  La Mariane de Tristan amène à réfléchir sur l’aptitude à conserver un discernement lorsque la passion est trop forte. Démesure dans l’amour non partagé de la part du Prince, démesure dans la haine de Mariane envers son époux et peut-être aussi démesure dans l’influence exercée par les proches…Les seuls vainqueurs de ce combat sont  les passions. 

Conformément à l’usage au  XVIIe siècle, L’ouvrage des Histoires Tragiques est adressé à Monseigneur le Chevalier de Guise et celui de la Mariane de Tristan au Duc d’Orléans. Ceci sonne comme une caution de valeur qui témoigne de l’influence du pouvoir pour la littérature et dans la littérature.

 

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