Scène 8 L'ile des esclaves Marivaux éléments de commentaires
Publié le 25/03/2011
Extrait du document
I. Situation du passage La scène 8 est la dernière scène de la troisième partie. C'est la seule scène où Arlequin et Euphrosine sont seuls. Les anciens valets devenus maîtres ont décidé, dans la scène 6, qu'Euphrosine serait promise à Arlequin; à la scène 7 Cléanthis a ordonné à son ancienne maîtresse d'accepter l'amour d'Arlequin. II. Projet de lecture La scène 8 marque la véritable \"bascule\" de la pièce. Le registre comique rencontre brutalement le registre pathétique, voire tragique. L'œuvre quitte le domaine du simple divertissement et peut alors prendre toute sa portée morale. III. Composition au passage 1. Arlequin s'approche d'Euphrosine :intimidé, il ne sait comment débuter. 2. Arlequin déclare sa flamme à Euphrosine et lui baise les mains. 3. Euphrosine se défend maladroitement: Arlequin lance quelques bouffonneries tout aussi maladroites. 4. Euphrosine en appelle au bon coeur d'Arlequin et lui demande de l'écouter. 5.Longue tirade d'Euphrosine. Arlequin reste muet. IV. Analyse détaillée 1er temps l'entrée d'Arlequin (du début jusqu'à \"obligeant pour vous\") : Euphrosine est déjà en scène: elle vient d'être admonestée par Cléanthis et rêve. Les didascalie sont importantes : Arlequin vient la > après avoir sans doute manifesté sa présence par des cabrioles et des lazzi. Mais en refusant la convention du jeu de rôles, Euphrosine déstabilise Arlequin qui ne s'exprime que par phrases courtes entrecoupées d'exclamations. Il s'efforce ensuite de ressembler au personnage de maître; Il tente donc une tirade plus conquérante en marquant la différence de condition (>) 2ème temps : la déclaration (de à >) Un véritable précieux se lancerait dans une déclaration alambiquée; Arlequin, fidèle à sa nature, exprime le sentiment immédiat sans arrière pensée: > Il est conscient qu'il paraît \"nigaud\", mais pour Arlequin seule compte la sincérité en amour. Il ne peut donc imaginer blesser Euphrosine par cette déclaration Arlequin ne s'embarrasse pas non plus de compliments ; s'il aime la jeune femme, c'est uniquement parce qu'elle est belle. Le sens du toucher - rare et important chez Marivaux - est au coeur de la scène. Arlequin est face à cette beauté comme un enfant devant une sucrerie ou un jouet rêvé. 3ème temps : Euphrosine tergiverse (De > à >) Quelques échanges assez brefs, pour une rupture de ton comme les affectionne MArivaux. Les deux répliques, courtes, d'Euphrosine, repositionnent le couple tel qu'il doit être: à Arlequin (qu'elle tutoit), la folie, de prétendre obtenir ce qu'il ne peut avoir; pour elle-même, la pitié et la dignité. Arlequin sans le savoir, entre dans une relation qui commence à s'inverser. Fort solide dans son sens, Arlequin tente de réinterpréter la situation, en la commentant avec sees mots balourds: >. Le contraste est fort entre la franchise d'Arlequin et son inconséquence: Arlequin décrivant lui-même comme un \"rien\", Arlequin abandonne son statut de maître. 4ème temps: deux répliques pour se faire écouter (De < à ) Euphrosine nomme Arlequin par son nom, pour la première fois; or, il est censé s'appeler Iphicrate: l'échange de noms relève clairement du passé. La jeune femme lui lance deux répliques, deux affirmations qui sont comme des ordres. Elle en appelle à son \"coeur\", point faible d'Arlequin: ce n'est pas ici le coeur d'un amoureux qui vient de se déclarer, sa bonne nature. Le valet ne peut que s'incliner et écouter. 5ème temps: La déclaration d'Euphrosine C'est de loin la plus longue tirade d'Euphrosine. C'est également la première fois qu'un personnage s'exprime sur un registre aussi pathétique. Les portraits de Cléanthis, mêmes très acides, contenaient une dose d'humour Nulle trace de comique ici. La comédie glisse brutalement vers un autre registre, un térritoire proprement inconnu. Arlequin ne peut que se taire: nous ne sommes plus dans son domaine. Cette tirade n'est pas une déclaration tragique, avec un plan, Marivaux conçue pour convaincre. Elle est au fond assez répétitive. Marivaux cherche ici à émouvoir; il parsème la tirade de formules choc, comme le célèbre > L'abondance des pronoms \"je\" et \"tu\" fait de la scène un affrontement, tandis qu'Arlequin croyait poursuivre le jeu de rôles. On note que la jeune femme sort de scène, sans adieu, sans didascalie non plus. Elle croise probablement Iphicrate. Cette fin est décidément très déstabilisante. V. Conclusion La scène 8 marque un tournant dans l'île des esclaves. L'apparition brutale du registre pathétique dans la bouche d'un personnage jusque-là effacé transforme la comédie légère, sinon en drame, du moins en comédie sérieuse. Marivaux donne au personnage archétypal Arlequin une profondeur inattendue. Il termine la scène métamorphosé, touché par la grâce. La scène est d'autant plus étonnante que le personnage d'Euphrosine, jusque-là ridiculisé, acquiert une dimension soudainement tragique : ce qui n'était qu'un \"jeu\" est une réalité violente. Pourtant Euphrosine n'a absolument pas conscience de ce qui se passe dans la tête d'Arlequin. Nous le découvrirons dans la scène quivante, lorsque Arlequin débute par un aparté : >
Liens utiles
- L'Ile des Esclaves, Scène 6 de Marivaux
- L'Ile des Esclaves, Scène 3 de Marivaux
- LECTURE MÉTHODIQUE DE LA SCÈNE 1 - L'ILE AUX ESCLAVES DE MARIVAUX
- Lecture analytique d'un extrait de la scène 2 de l'Ile des esclaves de Marivaux
- Commentaire: extrait acte 1, scène 1, L'ile aux esclaves de Marivaux