rhétorique, figures de - littérature. 1 PRÉSENTATION rhétorique, figures de, procédés du langage permettant d'exprimer de manière non littérale, c'est-à-dire détournée, un signifié (ou sens). La notion même de « figure « suppose qu'il existe une différence entre un emploi non figuré (ou littéral) du langage et un emploi figuré (non littéral, détourné). La figure est donc le moyen de ne pas appeler un chat un chat, tout en faisant pourtant comprendre à un auditeur ou à un lecteur que l'on parle d'un chat. Le fait que les figures soient couramment associées aux considérations sur le style n'implique pas qu'elles n'existent que dans les écrits littéraires : le discours ordinaire fait également un grand usage d'expressions et de locutions figurées. Ainsi une expression courante comme C'est du joli relève-t-elle d'une figure rhétorique appelée antiphrase, par laquelle on utilise une expression en lui donnant un sens contraire à son sens ordinaire (ici, l'expression signifie que la chose dont on parle n'est pas jolie). De même, parler des bras ou des pieds d'un fauteuil, ou encore d'une feuille de papier relève d'une figure -- en l'occurrence la catachrèse -- qui consiste à suppléer l'absence d'un mot propre dans la langue en utilisant un mot figuré, qui se trouve être le seul disponible. 2 HISTOIRE DES FIGURES DE RHÉTORIQUE Parmi les figures inventoriées par les divers traités depuis le XVIIe siècle, certaines, comme la métaphore ou la comparaison, ont davantage été décrites, dans la mesure où elles semblaient être au coeur de la théorie rhétorique de la figure. À l'origine, l'essence de la rhétorique était d'être un art de l'argumentation, prenant en compte aussi bien la recherche des arguments que l'art de les ordonner et l'art d'orner le discours (à l'aide des figures de style). Si les traités de rhétorique du XVIIe siècle s'intéressent encore à tous ces aspects, à partir du XVIIIe siècle, l'attention des auteurs de traités s'est portée sur la question des figures. Les récents travaux réexhumant la rhétorique antique et classique ont souligné ce passage d'une rhétorique comme théorie de l'argumentation à une « rhétorique restreinte «, qui est en fait un traité des figures. La théorisation de la notion de figure et de l'opposition entre sens littéral et sens figuré est caractéristique aussi bien des traités datant du XVIIIe siècle (Dumarsais, Des tropes, 1730) que de ceux du XIXe siècle (Fontanier, les Figures du discours, 1821). Les classifications les plus convaincantes des figures de style s'inspirent de celle de Fontanier, qui distingue des figures de mot (ou tropes), des figures de construction et des figures de pensée. Nous ne recensons ici que quelques figures de rhétorique, parmi les plus courantes. 3 LES FIGURES DE MOT Elles consistent en la désignation d'une chose par le nom d'une autre chose, en vertu d'un lien de ressemblance (métaphore), de contiguïté (métonymie) ou d'inclusion (synecdoque) : J'ignore le destin d'une tête si chère (Racine) (le mot « tête « est employé ici pour désigner la personne chère). 3.1 Métaphore La métaphore consiste à désigner une chose par le nom d'une autre chose avec laquelle elle entretient un rapport de ressemblance. Le lien analogique peut être fondé sur une ressemblance objective ou non : L'or du soir qui tombe (Hugo) La fée au chapeau de clarté (Mallarmé) Le pâtre promontoire au chapeau de nuée (Hugo). La métaphore peut porter sur plus d'un mot : Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige (Baudelaire) Blessé de plus de feux que je n'en allumai (Racine). Certaines métaphores, du fait de la fréquence de leur emploi, se sont banalisées, et ne sont plus considérées comme des métaphores d'invention : le cristal des eaux, le printemps de la vie, l'émail des prairies, l'or de ses cheveux, etc. 3.2 Métonymie La métonymie consiste à désigner une chose par le nom d'une autre chose avec laquelle elle entretient un rapport de contiguïté. On distingue ainsi des métonymies : o de la cause pour l'effet : Vos bontés(employé pour désigner les actes dont votre bonté est la cause) o de l'effet pour la cause : Je l'ai vu cette nuit, ce malheureux Sévère La vengeance à la main, l'oeil ardent de colère (Corneille) (vengeance désigne ici l'arme qui sert à la vengeance) o du contenant pour le contenu : Boire un verre o de la matière pour l'objet : En brandissant l'acier qui vibre et luit (Leconte de Lisle) o de l'instrument pour celui qui le manie : Une fine lame Les violons entrèrent o du lieu pour l'entité qui y siège : Le Quai d'Orsay n'a pas répondu. 3.3 Synecdoque La synecdoque consiste dans la désignation d'une chose par le nom d'une autre chose avec laquelle elle entretient un rapport d'inclusion. On distingue ainsi des synecdoques : o de la partie pour le tout : les voiles au loin descendant vers Harfleur (Hugo) o de l'abstrait pour le concret : Laisse aux pleurs d'une épouse attendrir sa victoire (Racine) o de l'espèce pour le genre : La saison des roses (pour la saison des fleurs). 4 LES FIGURES DE CONSTRUCTION Il s'agit des figures dans lesquelles les mots conservent leur signification propre. L'effet rhétorique résulte par exemple d'une répétition : Oui je le lui rendrai, mais mourant, mais puni Mais versant à ses yeux le sang qui m'a trahi. L'anaphore, qui consiste en une répétition du même mot en tête d'une phrase ou d'un vers relève de cette catégorie de figures : Rome l'unique objet de mon ressentiment, Rome à qui vient ton bras d'immoler mon amant Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore [...] (Corneille, Horace). Une autre catégorie de figures de construction est constituée par les ellipses et les pléonasmes : Je t'aimais inconstant : qu'aurais-je fait, fidèle ? (Racine, Phèdre) (la construction non elliptique aurait été ici : qu'aurais-je fait si tu avais été fidèle ?) 5 LES FIGURES DE PENSÉE Portant sur plus d'un mot, ces figures n'entrent pas dans la catégorie des tropes. 5.1 La personnification La personnification est une figure consistant à décrire une entité abstraite, un sentiment par exemple, comme s'il s'agissait d'une personne : Là gît la sombre Envie, à l'oeil timide et louche, Versant sur des lauriers le poison de sa bouche. Le jour blesse ses yeux dans l'ombre étincelants : Triste amante des morts, elle hait les vivants (Voltaire, la Henriade). 5.2 La comparaison La comparaison consiste en un rapprochement de deux choses à l'aide d'un outil (mot ou locution) servant à la comparaison : Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal Fatigués de porter leur misère hautaine (José Maria de Heredia) Le bonheur des méchants comme un torrent s'écoule (Racine). Un certain nombre de comparaisons, banalisées par leur fréquence, sont dites figées ; elles ont perdu leur efficacité de figure : Rouge comme une pivoine Blanc comme un linge Pâle comme la mort. 5.3 L'antithèse Figure consistant à rapprocher deux expressions de sens contraire : Tout lui plaît et déplaît, tout le choque et l'oblige (Boileau). 5.4 L'hyperbole Figure consistant à exagérer la réalité d'une chose : Les flots couverts de morts interrompent leur course, et le fleuve sanglant remonte vers sa source (Voltaire, la Henriade). 5.5 La litote Figure consistant à atténuer la réalité d'une chose afin de l'exprimer d'une manière détournée : Va, je ne te hais point (Corneille). Dans le langage ordinaire, certaines litotes sont entièrement lexicalisées (elles sont entrées dans le langage commun et ne sont plus perçues comme des figures de rhétorique), comme n'avoir rien contre, ne pas détester. 5.6 L'ironie Figure consistant à dire le contraire de ce que l'on pense. La compréhension de l'ironie d'un énoncé dépend de l'interprétation que l'on fait de cet énoncé, et, par conséquent, d'éléments contextuels extérieurs à l'énoncé lui-même. L'éloge de l'esclavage fait par Montesquieu dans un passage fameux de De l'esprit des lois ne peut être perçu comme étant ironique qu'à condition que le contexte soit connu. C'est cette connaissance qui permet et impose l'interprétation de ce fragment comme étant ironique. Fontanier cite comme exemple d'ironie un passage d'une des Satires de Boileau, dans lesquelles celui-ci feint de louer exagérément les auteurs qu'il raille d'autant plus qu'il les accable d'éloges : Puisque vous le voulez, je vais changer de style. Je le déclare donc : Quinault est un Virgile, Pradon comme un soleil en nos ans a paru [...] 5.7 Le paradoxe Déclaration qui va à l'encontre de la conception courante que l'on peut avoir d'une chose : Ce qu'il y a de plus profond dans l'homme, c'est la peau (Valéry). 5.8 La chute Formule sur laquelle se termine une phase, et qui est étudiée pour frapper : Et plus ou moins la femme est toujours Dalila. Elle rit et triomphe en sa froideur savante. Au milieu de ses soeurs elle attend et se vante de ne rien éprouver des atteintes du feu. À sa plus belle amie elle en a fait l'aveu. Elle se fait aimer sans aimer elle-même. Un maître lui fait peur, c'est le plaisir qu'elle aime. (Vigny, la Colère de Samson). Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.