révèle encore par bien d'autres traits, de sorte que le génie ne laisse pas de toucher à l'enfant par quelques côtés de son caractère.
Publié le 23/10/2012
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révèle encore par bien d'autres traits, de sorte que le génie ne laisse pas de toucher à l'enfant par quelques côtés de son caractère. Riemer, dans ses Communications sur Goethe, rapporte (vol. I, p. 184) que Herder et d'autres disaient de Goethe, par manière de reproche, qu'il était toujours un grand enfant : ils avaient certainement raison de le dire, mais tort de l'en blâmer. On a dit aussi de Mozart que durant toute sa vie il était demeuré un enfant. (Cf. Nissen, Biographie de Mozart, p. 2 et 529.) Schichtegroll, dans son Nécrologe (1791, vol. II, p. 109), s'exprime ainsi à son sujet : « Il devint de bonne heure un homme dans son art ; mais pour tout le reste il demeura toujours un enfant. « Tout homme de génie est déjà un grand enfant par là même qu'il regarde le monde comme une chose étrangère, comme un spectacle, c'est-à-dire avec un intérêt purement objectif. Aussi n'a-t-il pas plus que l'enfant cette gravité sèche des hommes du commun, qui, incapables de sentir d'autre intérêt que le leur propre, ne voient jamais dans les choses que des motifs pour leurs actions. Celui qui ne demeure pas, durant sa vie, en quelque mesure un grand enfant, mais devient un homme sérieux, froid, toujours posé et raisonnable, celui-là peut être en ce monde un citoyen très utile et capable, mais jamais il ne sera un génie. Ce qui constitue en effet le génie, c'est que chez lui cette prédominance, naturelle à l'enfant, du système sensible et de l'activité intellectuelle, se maintient, par anomalie, toute sa vie durant, et devient ainsi continue. Sans doute, chez quelques individus ordinaires, il s'en transmet encore quelques vestiges jusque dans la jeunesse ; de là viennent, par exemple, chez plus d'un étudiant une aspiration purement intellectuelle et une excentricité géniale qu'on ne peut méconnaître. Mais la nature rentre bientôt dans son ornière : ils se métamorphosent et sortent de leur chrysalide, à l'âge d'homme, sous la forme de philistins incarnés, devant lesquels on recule avec effroi, si on les rencontre dans les années suivantes. — C'est sur le phénomène ici exposé que repose cette belle remarque de Goethe : « Les enfants ne tiennent pas ce qu'ils promettent ; les jeunes gens, très rarement, et s'ils tiennent parole, c'est le monde qui ne le leur tient pas. « (Affinités électives, part. I, chap. X.) C'est le monde, en effet, qui, après avoir proclamé bien haut les couronnes réservées au mérite, les pose sur le front de ceux qui se font les instruments de ses vues les plus basses ou qui s'entendent à le tromper. — De même donc qu'il y a une simple beauté de jeunesse, possédée un moment par chacun, la « beauté du diable « (sic), de même il y a aussi une pure intellectualité de jeunesse, une certaine nature spirituelle, désireuse et capable de saisir, de comprendre, d'apprendre, possédée par tous pendant l'enfance, par quelques-uns encore pendant la jeunesse, et qui se perd ensuite comme cette beauté. C'est seulement chez quelques exceptions des plus rares, chez quelques élus, que l'une, comme l'autre, peut persévérer durant toute la vie, de manière que quelques traces en restent encore visibles même dans l'âge le plus avancé : ces exceptions, ce sont les hommes vraiment beaux, ce sont les vrais génies. (Monde, III, 205-8.) B) ART ET PHILOSOPHIE I. LA PARENTÉ DE LA PHILOSOPHIE ET DES BEAUX-ARTS Ce n'est pas seulement la philosophie, ce sont encore les beaux-arts qui travaillent au fond à résoudre le problème de l'existence. Car dans tout esprit, une fois adonné à la contemplation véritable, purement objective du monde, il s'est éveillé une tendance, quelque cachée et inconsciente qu'elle puisse être, à saisir l'essence vraie des choses, de la vie, de l'existence. C'est en effet l'essence seule qui intéresse l'intellect en tant que tel, c'est-à-dire le pur sujet de la connaissance affranchi des fins de la volonté ; de même que, pour le sujet connaissant en qualité de simple individu, ce sont les fins de la volonté qui présentent seules quelque intérêt. — Aussi le résultat de toute conception purement objective, c'est-à-dire aussi de toute conception artistique des choses, est-il une nouvelle expression de la nature de la vie et de l'existence, une réponse de plus à cette question : Qu'est-ce que la vie ? — A cette question toute oeuvre d'art véritable et réussie répond à sa manière et toujours bien. Mais les arts ne parlent jamais que la langue naïve et enfantine de l'intuition, et non le langage abstrait et sérieux de la réflexion : la réponse qu'ils donnent est toujours ainsi une image passagère, et non une idée générale et durable. C'est donc pour l'intuition que toute oeuvre d'art, tableau ou statue, poème ou scène dramatique, répond à cette question ; la musique fournit aussi sa réponse, et plus profonde même que toutes les autres, car, dans une langue immédiatement intelligible, quoique intraduisible dans le langage de la raison, elle exprime l'essence intime de toute vie et toute existence. Les autres arts présentent tous ainsi, à qui les interroge, une image visible, et disent : Regarde, voilà la vie ! Leur réponse, si juste qu'elle puisse être, ne pourra cependant procurer toujours qu'une satisfaction provisoire, et non complète et définitive. Car ils ne nous donnent jamais qu'un fragment, un exemple au lieu de la règle ; ce n'est jamais cette réponse entière qui n'est fournie que par l'universalité du concept. Répondre en ce sens, c'est-à-dire pour la réflexion et in abstracto, apporter une solution durable et à jamais satisfaisante de la question posée, tel est le devoir de la philosophie. En attendant, nous voyons ici sur quoi repose la parenté de la philosophie et des beaux-arts, et nous pouvons en inférer jusqu'à quel point les deux aptitudes se rejoignent à leur racine, si éloignées qu'elles soient par la suite dans leur direction et leurs éléments secondaires. Toute oeuvre d'art tend donc, à vrai dire, à nous montrer la vie et les choses telles qu'elles sont dans leur réalité, mais telles aussi que chacun ne peut les saisir immédiatement à travers le voile des accidents objectifs et subjectifs. C'est ce voile que l'art déchire. Les oeuvres de la poésie, de la sculpture et des arts plastiques en général, contiennent, chacun le sait, des trésors de profonde sagesse ; c'est qu'en elles justement parle la sagesse de la nature même des choses, dont elles ne font que traduire les arrêts sous une forme plus précise et plus pure. Mais aussi faut-il sans doute que tout lecteur d'un poème, ou tout spectateur qui contemple une oeuvre d'art, contribue par ses propres ressources à mettre au jour cette sagesse : il ne peut donc jamais la saisir que dans la mesure de ses capacités et de son instruction, de même que la sonde du navigateur ne descend dans la mer qu'aussi bas que sa longueur le lui permet. On doit se placer en face d'un tableau comme en face d'un prince, attendre qu'il veuille bien vous
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