Quelles lectures les historiens font-ils des mémoires de la 2nd G Mondiale en France depuis 45 ?
Publié le 16/10/2014
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Quelles lectures les historiens font-ils des mémoires de la 2nd G Mondiale en France depuis 45 ? L'Histoire est une représentation objective du passé. Elle propose une écriture unique des faits dont toute subjectivité est retirée. Les historiens veulent écrire ou parfois réecrire les faits d'une periode passée, afin de rétablir la vérité sur l'histoire de ces faits, parfois controuvée par de faux jugements ou de fausses interprétations du public, et de la comprendre. Il s'agit d'une sorte de reconstitution des faits historiques, fondée sur des preuves sures et extrêmement fiables menant vers la vérité et la comprehension du passé. D'autre part, la mémoire est une représentation mentale, donc subjective du passé. Chacun a une interprétation différente sur des faits vécus, donc chaque acteur témoin de la Seconde Guerre Mondiale ou son descendant a une mémoire differente, et des témoignages différents pour raconter cette même periode. La mémoire est donc plurielle et subjective. Il y a tension entre mémoire et histoire, que les historiens se doivent de distinguer dans leur travail. Dans le travail de l'historien, les mémoires, c'est-à-dire les sources orales donc les témoignages d'acteurs de la Seconde Guerre Mondiale, apportent des informations supplémentaires et permettent d'expliquer des faits déjà prouvés par les sources écrites, sources sures, qui fondent ce travail de vérité. L'historien se sert donc des mémoires de la guerre pour écrire son histoire car elles sont sources d'informations, elles permettent d'expliquer le passé et de comprendre comment la société a vécu cette période. Cependant, il ne fait pas de celles-ci la base de son travail, car elles peuvent être faillibles et ne sont pas preuves de vérité. Il ne ressucitera jamais le passé tel que les acteurs l'ont vécu. Ils sont porteurs de souvenirs très forts, mais parfois faillibles et forcément partiels, que leur mémoire a triés, réagencés, déformés. Les témoins peuvent donc apporter des versions différentes sur la guerre, qu'ils ont bel et bien vecue mais qu'ils dont ils ne se remémorent pas dans la precision et avec quelques fausseté, à cause de traumatismes, de vieillesse qui rend la mémoire faillible...L'historien analyse alors ces témoignages objectivement et les confronte à d'autres sources afin d'etablir une verité historique. _On peut donc dire que les historiens font des lectures objectives des memoires de la Seconde Guerre Mondiale en France depuis 1945, ils analysent en effet objectivement ces sources orales afin de retirer toute subjectivité dans leur travail. _De plus, les lectures des historiens sur les memoires de cette guerre ne consistent qu'à apporter des données, des informations et des explications supplémentaires à d'autres déjà prouvées par des traces ecrites telles que des archives. L'objectif de ces lectures des mémoires est la vérité. _Ils font également des lectures uniques des mémoires, car les témoignages sont de plus en plus rares : les acteurs de la Seconde Guerre Mondiale disparaissent peu à peu et seront bientôt tous morts, et d'autres ont déjà perdu toute leur mémoire. Comment l'historien peut-il expliquer que l'immédiat après guerre n'ait pas permis l'emergence de toutes les mémoires ? L'historien peut expliquer que l'immédiat d'après guerre n'ait pas permis l'émergence de toutes les mémoires par divers faits : _ Certains documents de la guerre furent interdits aux historiens et à quiconque d'accès jusqu'en 1979 où fut publiée une loi permettant d'accéder à toutes les archives de la guerre. Ainsi, certaines découvertes permettant de réveiller de nouvelles mémoires ont dû attendre jusque dans les années 80. _Paxton, s'appuyant sur des archives allemandes, publie \"La France de Vichy\", il fit tomber certains tabous et permit aux mémoires d'avancer, mais qu'en 1973. _Après la guerre, défaites, déportations et collaborations de la France ont été occultées, la France a voulu restaurer la cohésion nationale mais aussi l'autorité de l'Etat, et panser les traumatismes de la guerre. Aussi, la France a voulu cacher et tirer un trait sur son passé honteux. D'autres mémoires ont ainsi été occultées. _La population d'après guerre, encore sous le choc, a voulu tirer un trait, passer sous silence les traumatismes vécus. _Ces traumatismes concernent surtout la population juive qui ne se \"réveilla\" que dans les années 70, grâce à l'arrivée à l'âge adulte de nouvelles générations n'ayant pas vécu la guerre, à la renaissance de l'extrême droite, au développement du négationisme qui poussa ces populations à parler de ce qu'ils ont vécus, à la guerre des Six-jours qui fit craindre une possible destruction d'Israel, au procès d'Eichmann en 1961 en Israel. Aussi, après la guerre, les déportés juifs ne se sentent pas ecoutés par les Francais, qui refusent d'admettre la vérité sur le passé de la France. _La sortie de certains films tardant marquant un tournant dans les mémoires tels que le Chargin et la Pitié qui fit changer le point de vue des Francais sur la guerre en 1971, ou mettant en lumière certains aspects de la guerre permettant de les comprendre tels que La Rafle en 2010, décrivant la Rafle du Vel' d'Hiv, la défaite francaise, l'occupation allemande, le rôle de Vichy et les divisions de la France. _La République Gaulienne et le parti communiste empêchèrent l'émergence de toutes les mémoires après la guerre, et c'est d'ailleurs grâce notamment à la fin de La République Gaulienne en 1969 et au déclin du parti communiste que la mémoire s'est renouvelée dans les esprits francais. Comment les mémoires de la 2nd Guerre Mondiale ont-elles évolué depuis 1945 ? Les historiens ont identifié 3 mémoires (la mémoire de la Résistance, mémoire de l'Etat et mémoire de la Shoah) et 3 grandes périodes correspondant à 3 grands régimes mémoriels : _ le 1er régime mémoriel de 1945 à 1970 *Les mémoires de la Résistance : C'est le comportement héroïque des Francais qui est mis en avant, avec une image de la France majoritairement résistante : c'est le mythe du Resistencialisme. Il existe 2 mémoires concurrentes de la Résistance : le Resistencialisme gaulliste et communiste. Il y a une héroïsation de la Résistance, qui est vue comme libératrice de la France. Le résistencialisme connait son apogée pendant la présidence de De Gaulle de 1958 à 1969. De nombreux lieux de mémoire sont créés comme le Mont Valérien, ou des commémorations comme le transfert de cendres de Jean Moulin au Panthéon. *Les mémoires de l'Etat francais : Le régime de Vichy dirigé par Pétain est tabou et est considéré comme une parenthèse dans l'histoire de France. La collaboration est tue. Une mémoire maréchaliste se réveille : elle défend Pétain et Vichy qui sont présentés comme ayant protégé les Francais. Le \"myhte du bouclier\", défendu par l'historien R.Aron dans l'Histoire de Vichy, se développe : il fait référence à \"l'honneur qu'allègue le maréchal Pétain, l'honneur civique d'avoir su protéger les populations\". *Les mémoires de la Shoah : La déportation des Juifs est tabou, occultée de la mémoire officielle. Les survivants sont peu entendus. Personne ne veut reconnaître les souffrances endurées lors des déportations des Juifs. D'autre part, la mémoire officielle de la déportation évoque uniquement celle des Résistants. Le 2nd régime de 1970 à 1990 *Les mémoires de la Résistance : Le Résistencialisme est remis en cause. L'abscence d'une Résistance de masse est reconnue. Dans cette évolution, il y a l'importance du film Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophuls en 1971 qui donne l'image d'une France majoritairement attentiste et maréchaliste. *Les mémoires de l'Etat francais : En 1973, l'ouvrage de Paxton La France de Vichy marque un tournant : il remet en cause le mythe du bouclier de R.Aron et la collaboration de Vichy avec l'Allemagne nazie n'est plus tue, elle est même présentée comme active, volontaire et zélée. Certains procès se multiplient dans les années 1980-90 à l'encontre d'anciens collaborateurs, comme Maurice Papon en 1983, qui fait l objet d'une inculpation pour crime contre l'humanité. *Les mémoires de la Shoah : les tabous sur les déportations et le génocide des Juifs tombent pour plusieurs raisons : l'arrivée à l'âge adulte de nouvelles générations juives n'ayant pas connu la guerre qui se mobilisent, le procès Eichmann en Israël, la montée du négationisme qui pousse les déportés à se faire entendre, la crainte de la disparition d'Israël avec la guerre des Six jours. Plusieurs procès de fonctionnaires de Vichy ayant participé à la déportation des Juifs se tiennent en France comme celui de l'ancien SS Klaus Barbie en 1987. Le 3e régime de 1990 à nos jours *Les mémoires de la Résistance : Ce 3e régime reconnait que la Résistance a été minoritaire mais bien réelle et présente. La figure du résistant évolue : les Justes ( Résistants ayant sauvé des Juifs ) sont mis en avant, et on reconnait que la population n'était pas seulement divisée en Résistants et fonctionnaires de Vichy, mais qu'il y avait aussi des Vichysto-Resistants. *Les mémoires de l'Etat francais : les mémoires reconnaissent que Vichy n'est plus une parenthèse et qu'il a bien été l'Etat francais de 1940 à 1944. En 1995, Jacques Chirac reconnait officiellement la responsabilité de l'Etat francais dans la collaboration avec l'Allemagne nazie et les rafles, c'est le temps de la repentance. *Les mémoires de la Shoah : La mémoire de la Shoah devient centrale dans la mémoire officielle ( c'est le temps de la repentance ). Chirac reconnait la responsabilité de l'Etat dans le génocide et les déportations des Juifs. Il y a un devoir de mémoire. De nombreuses commémorations de la Shoah sont célébrées, comme le Mémorial de la Shoah à Paris en 2005. Cependant, certaines mémoires sont encore reléguées dans la mémoire nationale comme le génocide des Tziganes qui n'ont toujours pas en France d'hommage officiel. Une écriture plus sereine de l'histoire du conflit est-elle aujourd'hui possible ? On peut dire qu'une écriture plus sereine de l'histoire du conflit est aujourd'hui possible. En effet, à travers les différents régimes mémoriaux, on voit bien que de 1945 à 1970 était le temps des tabous sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale en France au niveau de la responsabilité de cette derniere dans la Shoah, dans la collaboration avec l'Allemagne et dans son comportement attentiste et non majoritairement résistant. Puis, on voit que durant le 2nd régime mémoriel, les tabous sont tombés et les déportations et misères des Juifs sont reconnues et dénoncées, les Résistants de la France sont considérés comme carrément absents pendant la guerre et cette derniere majoritairement attentiste, et Vichy n'est plus tu et est présenté comme active, volontaire et zélée. On voit donc que les deux premiers régimes mémoriaux sont totalement opposés et ce sont deux extrêmes. Aujourd'hui, une écriture plus sereine de l'histoire du conflit est possible car les mémoires de la Shoah, de la Résistance, et de l'Etat sont plus nuancées et objectives. Effectivement, la Shoah est inclue dans la mémoire officielle avec de nombreuses commémorations, Vichy n'est plus une parenthèse et a bien été l'Etat francais, et la Résistance n'a été ni majoritaire ni absente mais minotaire mais tout de même bien réelle. C'est le temps de la repentance et du pardon, les Francais tentent de se rattraper après avoir réalisé la vérité sur l'histoire de la Shoah. Aujourd'hui, ces mémoires sont donc plus sereines et plus nuancées, moins accusatrices ou trop laxistes. Cependant, ces mémoires sont encore sources de débats et de recherches historiques.
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