Quelles Images Le Roman De Laclos, Les Liaisons Dangereuses, Donne-T-Il De L'éducation Des Femmes Au XVIIIe Siècle ?
Publié le 05/12/2010
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En 1782, Laclos publie son roman épistolaire Les Liaisons dangereuses. En plein siècle des Lumières et peu avant la Révolution, il aborde dans son roman la question de l'éducation des femmes. Quelles images critiques en donne-t-il ? Nous verrons qu'après avoir écarté l'éducation religieuse et l'éducation libertine, Laclos propose l'éducation par la littérature.
Tout d'abord, à travers les personnages de Cécile de Volanges et de Madame de Tourvel, l'auteur expose l'éducation religieuse des femmes du XVIII° siècle.
En effet, la jeune Cécile sort du couvent à l'âge de quinze ans où elle a passé plusieurs années, comme il était d'usage dans l'aristocratie. Mais elle n'a pas reçu de véritable éducation : elle n'a aucun savoir scientifique ou littéraire, sa formation s'est limitée à son futur rôle d'épouse et à la prière. La jeune Volanges est donc restée naïve et puérile, telle une très jeune enfant. Sa candeur est flagrante dans les premières lettres du roman qu'elle adresse à Sophie Carnay, son amie restée au couvent, ponctuées d'expressions maladroites et enfantines : elle exprime ses émotions primaires grâce à l'interjection « oh ! « ou « ah « et n'utilise qu'un seul adverbe pour renforcer ou exagérer, « bien «. Cécile découvre subitement un monde inconnu dans lequel elle n'a aucun repère ; le mileu mondain. Elle ignore même ce qu'est un homme, d'où le quiproquo avec le cordonnier dans la première partie. De plus, elle n'a aucune intimité avec sa mère, ce qui la rend plus vulnérable encore : Madame de Merteuil se substituera à son rôle, précipitant la jeune ingénue dans son piège.
Madame de Tourvel est également un exemple des lacunes de cette éducation. Dévote et très vertueuse, elle est rongée de remords lorsqu'elle succombe à Valmont et pèche par l'infidélité. Sa bonté naturelle, entretenue par la religion, la rend cependant vulnérable et naïve : elle ne doute pas de la franchise des gens qui l'entourent, et surtout pas de celle du Vicomte, ce qui la poussera dans ses bras. Son retour au couvent à la fin du roman, comme celui de Cécile de Volanges, est éloquent : toutes deux préfèrent se retirer du monde pour lequel elles n'étaient pas préparées.
Ensuite, Laclos montre dans son roman le modèle de l'éducation libertine, antithèse de l'éducation religieuse, à travers la Marquise de Merteuil.
Ce personnage raconte les étapes de son éducation, qu'elle a réalisé seule, dans la lettre 81 qui prend la forme d'un récit autobiographique. Cette lettre, adressée à Valmont, a une place centrale dans l'oeuvre. C'est un des rares moments de sincérité pendant lequel elle écrit sans artifices ni mensonges. « A peine entrée dans ce monde «, elle apprend immédiatement à maîtriser le paraître et développe une grande faculté d'observation. D'une intelligence supérieure et précoce, elle se forme également à travers la lecture des philosophes, moralistes et écrivains. Elle montre en effet son érudition tout au long du roman, au travers de nombreuses citations de Montaigne à Piron. « Je suis mon ouvrage «, revendique-t-elle. De plus, éprise de liberté, elle refuse de se remarier alors qu'elle est encore jeune veuve. A maintes reprises, le lecteur remarque son habileté, mais c'est surtout lors de sa ruse qui piège Prévan que la Marquise affirme sa suprématie sur les hommes.
Cependant, Laclos ne fait pas l'apologie de cette éducation. Au contraire : Merteuil répond à son projet féministe de faire subir aux hommes ce qu'ils font habituellement aux femmes en alliant à son intelligence le mal poussé au paroxysme. Elle effraie autant qu'elle fascine.
Quelle est donc la réponse de Laclos à la question de l'éducation des femmes ? Puisque ni l'éducation religieuse, ni l'éducation libertine ne sont valables, la seule éducation véritable est finalement la littérature. Laclos l'applique en mettant en garde les femmes du danger des liaisons car, malgré le scandale provoqué, par cette oeuvre accusée de nuire aux bonnes moeurs, c'est bel et bien un roman d'éducation que Laclos a signé. Son projet n'est d'ailleurs pas implicite : le titre complet est « Lettres recueillies dans une société et publiées pour l'instruction de quelques autres «.
Après avoir démontré l'inefficacité de la première image qu'il donne de l'éducation des femmes et la perversité de la deuxième, Choderlos de Laclos exalte donc la littérature en montrant ses bienfaits et son utilité pour les jeunes filles et, plus largement, pour chaque personne de la société, puisque Danceny est également victime des roués.
Bibliographie :
Les Liaisons dangereuses, Laclos, éd. FolioPlus classiques
Profil d'une oeuvre : Les Liaisons dangereuses, Jean-Luc Faivre
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