Quelle sorte de plaisir éprouve-t-on devant une oeuvre d'art?
Publié le 08/03/2005
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Lorsque nous parlons d’art, nous désignons en vérité deux réalités distinctes. Jusqu’au dix-huitième siècle, le terme « art « désignait l’ensemble des techniques de production d’artefacts : tel était encore le cas dans le Discours sur les sciences et les arts (1750) de Jean-Jacques Rousseau. Ainsi, l’activité de l’artiste et celle de l’artisan étaient recouvertes par le même terme. Or, il semble que ces deux activités ne soient pas entièrement réductibles l’une à l’autre, qu’elles possèdent chacune une spécificité à élucider. Par conséquent, il nous faudra au cours de ce travail préciser d’une part ce qui distingue l’art de l’horloger de celui du poète, l’activité du coutelier de celle du plasticien ; et toujours préciser à laquelle de ces deux activités singulières nous pensons lorsque nous employons le signifiant « art «. Par plaisir, nous entendons une émotion agréable que nous éprouvons à la contemplation, à l’idée ou au contact d’une chose. Allant plus loin, le plaisir peut nous apparaître comme le signal que la chose qui le suscite chez nous participe à la perpétuation de notre vie. Alors que la douleur est le signal d’alarme qui nous avertit qu’il est dangereux de faire durer ce qui la cause, le plaisir manifeste au contraire que notre vie est servie par la cause qui le suscite. Dans un sens plus négatif, nous pouvons également dire que le plaisir est synonyme de privation de la douleur. En posant la question « Quelle sorte de plaisir éprouve-t-on devant une œuvre d’art ? « nous pénétrons sur un terrain miné de la philosophie, où deux grands penseurs ont eu l’occasion de s’affronter : Kant et Nietzsche. Nous verrons en effet que le plaisir esthétique est pensé par Kant comme un plaisir « désintéressé «, c'est-à-dire comme un plaisir distinct de celui que l’on éprouve lors d’une émotion agréable. A l’inverse, Nietzsche voit dans le plaisir esthétique un plaisir parfaitement « intéressé « puisqu’il fait de l’art un « remède contre nous-mêmes « et de la production artistique la satisfaction d’une impérieuse nécessité intime. L’un des problèmes au cœur de cette controverse est sans doute le point de vue à partir duquel l’œuvre d’art est envisagée : parlons-nous de l’œuvre d’art regardée par un spectateur étranger à sa réalisation, ou de l’œuvre d’art contemplée par celui qui est à son origine ? Nous nous demanderons donc si le plaisir que l’on éprouve devant une œuvre d’art varie selon l’identité du regardant (spectateur ou artiste) et s’il s’agit d’un plaisir intéressé ou non.
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