Quelle image de Madame de Tourvel donnent le roman de Laclos et le film de Frears?

I. Caractérisation. 

A. Jeunesse et intelligence :

- visiblement jeune : innocence, au sens étymologique : elle ne veut pas faire le mal. "céleste prude" : céleste semble renvoyer à la notion d'ange : elle est d'ailleurs dans la lettre 76 "angélique". 

- présence d'esprit de demander à Valmont de partir après la lettre 23. 

- inverse de Cécile : connaît les codes du monde aristocratique, n'est pas ignorante : n'est-ce pas ce que sous-entend Laclos avec la lettre 56, réécriture du poète latin Lucrèce ?

B. Sensibilité et vertu  :

-  monde de la subjectivité : pas de détachement comme celui de la Marquise, qui manie avec une extrême virtuosité le pastiche ( Lettre 104 ou 87 ) et le masque ( lettre 63 ). Des sentiments qui affleurent dans ses lettres : lettre 163  : caricature des traits habituels de l'écriture émotive et lyrique de la présidente.

- introspection : lecture de René Pommier de la lettre 22 : Ne cherche-t-elle pas à se rassurer elle-même de la bonté de Valmont ? 

- dans le film : malaise présumé dans l'épisode de la Clé, après l'épisode de la charité dans le salon : elle court, Valmont la suit, pour pleurer dans sa chambre. 

C. Dévotion : 

- religion : dans le film, on la voit avec Madame de Rosemonde à la messe. + " prude", "prude et dévote", ou encore Valmont dans la lettre 4 " Je serai vraiment le dieu qu'elle aura préféré". + feinte de l'onction ecclésiastique dans la lettre 120 , le père Anselme est l'intermédiaire.

- lettre 4 : "Vous connaissez la présidente de Tourvel, sa dévotion.." .

- N'est-ce pas cette religion qui l'empêche de laisser libre cours à ses sentiments pour Valmont ?

- mort dans un couvent. 

II. Intérêt dramatique. 

A. Au centre de la seconde intrigue : (- une place plus considérable dans le film )

- Présentée dès la lettre 4 par Valmont : "voilà ce que j'attaque". Au centre du pacte et des premières escarmouches des libertins : 

- la marquise ne supporte pas voir la présidente préférée à elle-même : persiflage dans la lettre 5  : "paquets de fichus ... nulle expression" 

- et à la lettre 20 : si Valmont rapporte une preuve écrite de la chute de la présidente, la marquise se livre au roué. 

B. Une séduction orchestrée en discontinue : avec nombre d'obstacle : lettre 23, lettre 100, lettre 135. En parallèle avec la séduction de Cécile. 

C. En effet, le personnage met en valeur l'épistolaire : 

- la lettre 22

- la lettre 135

- de vraies lettres : confessions, déclarations d'amour. Pas d'hypocrisie, de masque comme les lettres des libertins. Sincérité et introspection dans ses lettres

III. Une victime passionnée. 

A. Victime du roué : 

- une certaine naïveté : lettre 22. L'enclos se ressert. Elle ne voit pas la réalité, relation fondée sur l'illusion. 

- étape de la liaison dangereuses particulièrement mis en avant avec ce personnage : refus d'écrire ( lettre 56 : "cette lettre est la dernière" -> on se convainc d'écrire pour éviter un plus grand danger -> montrer de la crainte -> se laisser aller à la correspondance 

- victime de ses sens, de ses incertitudes, et de l'apparence. 

=> Incarnation de la victime des "liaisons dangereuses". 

B. Une passion dévastatrice : 

- sa passion exacerbée, et exponentielle à travers le roman, la conduit à la mort. Après la lettre 23, hésitations, refus, résistances. Des lettres mouillées de larmes : lettre 40. Deuxième partie : un combat intérieur, toujours résistance. La fuite dans la troisième partie montre sa passion. Quatrième partie : elle se livre ... juste avant la lettre de rupture ! lettre 143 : "le voile est déchiré, Madame, sur lequel était peinte l'illusion de mon bonheur".

Après la rupture : dans un couvent. Une fin dramatique : mort médicalisé ( époque des Lumières ) , présence des émotions ... 

- des sentiments qu'elle ne peut contrôler : épisodes de douleur intérieur dans le film ( passion dès le début avec les roses rouges : connotation de la douleur, du sang également )

C. Héroïne tragique :

- en proie au doute  : d'où la confidence avec Madame de Rosemonde : sensibilité d'une héroïne tragique. 

- enclos tragique

- prend part à la catastrophe finale

- est-elle innocente ? : Phèdre

=> un personnage complexe.