Quelle conception de l'homme l'hypothèse de l'inconscient remet-elle en cause ?

La principale conception de l'homme est celle d'un être qui se connait, qui est libre de ses actions et qui est libre de penser par lui-même. Mais cet homme, libre en apparence, agirait parfois contre son gré, guidé par quelque chose d'autre, n'étant plus maître de ses actions. L'hypothèse de l'inconscient doit alors être évoquée. Aussi, quelle conception de l'homme l'hypothèse de l'inconscient remet-elle en cause ?

Être conscient de soi est-ce être maître de soi ? Qu'est-ce que l'hypothèse de l'inconscient ? Et comment Freud l'explique-t-il ? Enfin, remet-elle en cause l'hypothèse d'un sujet libre, conscient et responsable ?

Être conscient de soi, est-ce être maître de soi ? La conscience de soi, c'est avoir conscience que l'on existe, que l'on pense, donc que l'on est. Dans L'imagination, Sartre dit que « la seule façon d'exister pour une conscience, c'est d'avoir conscience qu'elle existe «.

Mais la conscience de soi nécessite également le fait de pouvoir agir sur soi-même. Si quelqu'un d'autre pense à moi, je ne change pas, mais si je pense sur moi-même, la pensée a lieu dans mon esprit et me change, me modifie. Comme je suis à l'origine de cette pensée, j'agis sur moi. L'homme peut également modifier des décisions qu'il a prises, et en est dons responsable, il est capable d'être maître de ses actions. Une personne consciente doit pouvoir agir et se déclarer responsable de ses décisions pour exister.

Mais l'activité intellectuelle sans conscience de celle-ci existe aussi, elle correspond à une modification de ses propres pensées sans que le sujet ne le fasse volontairement. Alors beaucoup de parties de lui-même échappent à son contrôle comme les lapsus, les rêves, les oublis, qui sont extérieurs à la conscience et dont les causes appartiennent à l'inconscient.

L'hypothèse de l'inconscient a une grande importance dans la mesure où elle intervient comme un changement d'orientation dans la psychologie de l'époque, en remettant en cause le modèle de Descartes, où la psychologie était celle de la conscience. Suivant cette idée, comment pourrait-on s'imaginer la « pensée inconsciente « ? Cela serait contradictoire.

Avant Freud, de nombreux philosophes avaient émis l'hypothèse que certaines choses échappaient à la conscience et qui pourtant entrainent certains comportements. Mais Freud a été le premier à considérer ces phénomènes comme organisés par des désirs et des pulsions qui échappent au sujet. Médecin traitant des hystéries, il a conduit sa réflexion sur l'esprit humain et cherché à comprendre les symptômes des hystériques. On suppose alors qu'il y aurait en nous un ensemble de pulsions, de désirs, de forces dont nous n'aurions pas conscience mais qui agiraient en nous et nous feraient agir malgré nous.

Freud va, pour essayer de prouver son hypothèse, prendre comme exemple les actes manqués (lapsus, oublis), ou encore les rêves, qui seraient révélateurs des conflits entre notre inconscient et la volonté consciente. Ainsi, une personne a l'impression d'avoir le contrôle sur ses pensées et de ses actions, mais l'hypothèse de l'inconscient nous fait supposer qu'une part de nous nous échappe, que « le moi n'est pas maître dans sa propre maison «.

Mais l'hypothèse de l'inconscient ne remet-elle pas en cause l'hypothèse du sujet libre, conscient et responsable ? Plusieurs théories peuvent s'opposer sur ce sujet. Pour Freud, tous ces actes manqués, rêves, lapsus, seraient révélateurs et auraient un sens. Ils seraient l'expression d'un phénomène, réservoir des pulsions inconscientes, appelé le ça, en conflit avec le Moi, force consciente chargée de contrôler la volonté, avec le Surmoi, force inconsciente issue des règles morales et tabous. Pour lui, le sujet serait en permanence contrôlé par ses pulsions, assouvies ou non, remettant en cause sa liberté et sa conscience de lui-même. Il met néanmoins en garde contre ce qu'il appellera le « mythe de l'irresponsabilité «. Celui-ci permettrait de se cacher derrière son inconscient pour se dérober à ses responsabilités, posant alors un problème éthique.

Quelle conception de l'homme l'hypothèse de l'inconscient remet-elle en cause ? En opposition avec la théorie de Descartes, elle a permis de découvrir que des phénomènes non contrôlés par notre conscience pourraient provenir de pulsions, de désirs, qui contrôleraient certaines de nos actions et de nos pensées. Néanmoins, ils ne faut pas renoncer à attribuer une responsabilité aux hommes, leur permettant de se dérober aux conséquences que leurs actes pourraient avoir. Aussi, l'hypothèse de l'inconscient remet en cause l'ancienne conception de l'homme conscient et maître de ses actions du temps de Descartes, mais ne doit cependant pas la réfuter totalement.