Pour Anne Ubersfeld, le texte théâtral est incomplet
Publié le 27/04/2013
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Anne Ubersfeld adopte une position provocatrice en affirmant que le texte théâtral est « incomplet «, ce qui suggère une véritable dépendance entre le texte et la mise en scène. C'est ce terme d' « incomplétude « qui doit être interrogé : on doit se demander dans quelle mesure le texte théâtral exige une mise en scène pour pouvoir être considéré comme complet, quelle est la valeur du texte « nu « qui est pourtant ce que nous avons le plus souvent à disposition ? Et autrement, comment un texte pourrait-il avoir une valeur littéraire à la fois sans et avec une mise en scène ? Quelle est la nature de ce texte ? Le texte dramatique est destiné à la mise en scène -Dans lire le théâtre, Anne Ubersfeld souligne l'importance de la mise en scène pour révéler les potentialités du texte théâtral : la représentation est la somme du texte avec la mise en scène ; elle précise que le texte au théâtre est troué, laisse des vides ; et c'est à la représentation de combler ces vides. Elle souligne aussi le danger qu'il y aurait à figer le texte, à le sacraliser en le mettant au centre de la mise en scène : il faut au contrairel'écarter, le rendre « mineur «, « minime « pour augmenter la part de théâtralité. Plusieurs auteurs de théâtre se caractérisent par une écriture dépourvue de recherche : par exemple dans Dom Juan, de Molière, la scène entre Dom Juan et les paysannes est écrite dans un style clair, simple à comprendre : la richesse du texte vient du jeu scénique très drôle qu'elle permet de créer dans le va-et-vient du personnage principal entre les deux femmes à qui il fait la cour. -Anne Ubersfeld rappelle la distinction entre une lecture syntagmatique du texte et une lecture paradigmatique décolle du texte, et examine les connotations, les allusions cachées derrière ces mots. Au théâtre, la lecture paradigmatique est particulièrement riche, elle s'exprime dans la mise en scène : Ubersfeld donne comme exemple une mise en scène de Phèdre par Antoine Vitez en 1975, dans laquelle une bassine d'eau figure les larmes ; les personnages vont s'y laver le visage pour figurer les pleurs. Cet exemple enrichit le texte en alliant aux larmes l'idée de purification, en sous-entendant que la révélation de Phèdre possède le caractère d'une expiation. Le théâtre peut aussi se lire -Dans certaines pièces, le texte présente une valeur littéraire en lui-même : ces pièces de théâtre ont en effet une tonalité poétique très importante, elles sont écrites dans la forme particulière du « verset «, elles possèdent des genres de vers libres et les dialogues donnent lieu parfois à de longs développements poétiques, comme par exemple souvent ces développements donnent lieu à des hymnes envers la gloire de Dieu dans L'annonce faite à Marie. Loin d'être « incomplet «, le théâtre de Paul Claudel pose plutôt le problème inverse : il est si riche que la représentation semble impossible. Le représentation de sa pièce Le soulier de satin devrait durer toute une journée entière. -Alfred de Musset adopte une position provocatrice, en créant le genre du « théâtre dans un fauteuil « : il affirme en effet que le genre dramatique est limité par la représentation, qui ne peut accueillir un nombre suffisant d'intrigues, de spectateurs, et qui doit être limitée dans le temps, ce qui limite ainsi la longueur du texte. Il écrit alors la pièce Lorenzaccio, qui, par sa longueur, le nombre de ses personnages et de ses intrigues, la complexité du cadre qui implique de reconstituer une ville italienne dans les moindres détails et enfin l'extême longueur de certains monologues, possède un niveau de difficulté assez élevé pour permettre de la représenter. L'ambivalence du texte théâtral -La double nature du texte théâtral en fait la richesse : on peut choisir de l'aborder de deux manières différentes. Soit en l'accompagnant d'une mise en scène qui enrichit l'interprétation scénique, soit en examinant le texte nu par l'intermédiaire des lectures analytiques. L'existence d'un texte écrit, distinct d'une mise en scène, permet justement la pluralité des mises en scènes au contraire d'une pièce pour laquelle on aurait très peu de liberté de mise en scène : cette ambiguïté est rendue avec excellence par la pièce Cette fois de Beckett qui peut se réduire à un simple monologue dépourvu de toute action. Ce dernier commente : « A l'objection que la composante visuelle est trop petite, hors de proportion avec l'auditive, réponse : la réduire encore en vertu du principe que qui peut le moins peut le plus. « D'une part, l'absence de « composante visuelle « permet d'aborder le texte littéraire en se passant de mise en scène ; d'autre part ce manque d'indications scéniques donne d'autant plus de liberté au metteur en scène qui voudrait s'y attaquer. -C'est l'ambivalence du texte théâtral qui en fait la spécificité par rapport au roman ou à la poésie : il oscille entre deux pôles, qui sont la littéralité pure (monologues, lyrisme, poésie) et la théâtralité pure (dialogues, mime, comédie...). Tout texte de théâtre doit pouvoir être abordé selon ces deux angles : d'une part, dans le texte même et dans sa signification ; d'autre part, dans la manière dont on peut rendre de manière visible et éclatante aux yeux du spectateur cette signification. Comme nous l'avons vu, le texte théâtral possède divers rôle pouvant être exprimé de différentes manière suivant le lecteur. Pour moi, l'oeuvre théâtrale n'est en aucun cas « incomplète comme l'affirme si bien Anne Ubersfeld et le metteur en scène n'a nullement besoin de donner de réponses. En conclusion le texte du théâtre possède une réelle valeur, très importante si une mise en scène en est tirée de l'oeuvre par la suite.
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- Anne Ubersfeld écrit « La part de création et de recréation du metteur en scène est très considérable. Il est lui-même producteur d'un nouveau texte didascalique, complément et précision, voire contradiction du texte littéraire. » En vous appuyant sur le corpus, sur vos lectures, vous direz pourquoi l'on peut parler de « recréation » du texte de théâtre par le metteur en scène.
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