pont (structure). 1 PRÉSENTATION pont (structure), construction permettant de franchir un obstacle ou un espace vide (cours d'eau, route, voie ferrée, vallée) entre deux points. En général, un pont soutient une voie de circulation. Il peut également supporter des canaux ou des conduites d'eau : il s'agit alors d'un aqueduc. Un viaduc est un ouvrage routier ou ferroviaire de grande longueur, constitué de travées et permettant le franchissement à grande hauteur d'une brèche. Le terme passerelle désigne parfois un pont relativement petit. 2 HISTORIQUE 2.1 Premiers ponts Les premiers ponts se limitent probablement à un arbre, à des rondins placés en travers d'un cours d'eau, ou à des lianes ou des cordes tendues au travers d'une vallée étroite. De telles structures sont toujours utilisées. Le principe du pont à suspension est extrêmement ancien ; il permet de franchir des distances considérables avec une remarquable économie de moyens. Une corde unique tendue en travers d'une gorge en représente la forme la plus essentielle. On peut l'améliorer en y ajoutant des cordes supplémentaires, un tablier, des côtés pour former des mains courantes. Au VIIIe siècle, en Chine, sont construits des ponts sur ce modèle avec des chaînes en fer. Lorsque la morphologie du terrain rend difficile la création d'un pont suspendu, on édifie des ponts à travée unique ou multiple. Le pont à piles intermédiaires, amélioré en déposant des rondins pour relier les pierres, est le prototype du pont à travées multiples. Des pieux en bois, enfoncés dans le fond d'une rivière, permettent de constituer les piles. Elles supportent le pont et assurent à la structure en rondins ou en poutres des appuis au milieu du cours d'eau. De tels ponts sur chevalets sont encore très utilisés pour traverser les vallées ou les cours d'eau, à des endroits où ils ne gênent pas la circulation fluviale. L'utilisation de piliers en pierre comme supports intermédiaires marque un progrès supplémentaire dans la construction des ponts à poutres en bois. Des bateaux sont parfois utilisés au lieu de piles fixes. 2.2 Antiquité Les ponts à poutres de bois semblent être le type de pont le plus couramment utilisé dans l'Antiquité, bien qu'un pont à arches en briques a été construit vers 1800 av. J.-C. à Babylone, ainsi que d'autres formes de ponts, comme les ponts à suspension simple et les ponts à encorbellement, en Inde, en Chine et au Tibet. Les Romains construisent de nombreux ponts sur chevalets en bois, dont l'un est décrit dans les Commentaires de Jules César. Ces ponts en bois atteignent 30 m de portée. Dès le IIe siècle av. J.-C., ils construisent des ouvrages en maçonnerie dans les rivières, grâce à un ciment appelé pouzzolane (mélange de chaux, de sable, de poudre de roche volcanique de Pozzuoli et d'eau) et à la construction d'enclos provisoires appelés batardeaux. Ils bâtissent des arcs à claveaux, semi-circulaires, pour lesquels la poussée s'exerce principalement vers le bas. Après la construction des piles, ils posent un arc en bois sur lequel ils disposent les pierres taillées suivant un dessin adéquat, sans recourir au mortier. Les ponts romains encore existants sont constitués d'une ou plusieurs arches semi-circulaires en pierre. À titre d'exemple, on peut citer le pont de Martorell, près de Barcelone, en Espagne, édifié vers 219 av. J.-C., et le Ponte di Augusto de Rimini, en Italie, datant du Ier siècle av. J.-C. Le pont du Gard, à Nîmes, dont trois rangées d'arches atteignent 49 m de haut au-dessus de la rivière (le Gardon), enjambe une distance de 275 m. Parmi les grands aqueducs romains, c'est probablement le mieux conservé, malgré l'absence totale de mortier. Construit au Ier siècle av. J.-C., il fait partie d'un aqueduc d'une longueur d'environ 50 km, destiné à l'époque à acheminer à Nîmes l'eau provenant d'une source située près d'Uzès. Il présente trois rangées d'arcs : six en bas, onze par-dessus, qui soutiennent l'étage supérieur constitué de trente-cinq arches de 3 m de largeur et de plus de 7 m de hauteur qui, à l'origine, supportent le canal dans lequel coule l'eau. En Perse, sur le Karun, est construit en 260 apr. J.-C. un pont en maçonnerie d'une longueur globale de 500 m comportant 50 arcs en plein cintre semi-circulaires. 2.3 Moyen Âge Au Moyen Âge, en Occident, l'arc brisé, plus facile à construire, car ne requérant pas une aussi grande précision dans la pose et l'ajustement des claveaux, prend le pas sur l'arc en plein cintre. Le pont d'An Ji, comportant une travée unique de 37 m avec un arc surbaissé, est construit en 605 en Chine, à Zhao Xian. La réalisation de ponts en bois prend également de l'essor. Des charpentes inclinées permettent de raidir le tablier ; on construit aussi des travées en arcs réticulés dont la portée peut atteindre 60 m. Le pont Charles, qui enjambe la Vltava à Prague, est le plus long pont médiéval (516 m). Il présente un mélange de styles particulier dû aux différentes reconstructions et rénovations dont il a fait l'objet : piles médiévales, arcs romains, tour du Renaissance, et tours hautes datant des XIVe et XVe XIIe siècle (vestige du précédent pont) rénovée en style siècles. La construction du Vieux Pont de Londres est achevée en 1209 ; il est détruit en 1831. Ses piles et ses arcs sont trop irréguliers ; le fleuve, sous le pont, ne disposant que de la moitié de la largeur de son lit en amont, rend le courant si fort qu'il creuse un bassin en aval. Le tablier de ce pont supporte des maisons, qui sont détruites en 1763. On remplace alors deux des arches centrales par une seule, permettant ainsi la navigation. Il existe d'autres exemples célèbres de ponts supportant des maisons, tels que le Ponte Vecchio à Florence (premier exemple occidental de pont à arc surbaissé), ou encore le Rialto à Venise. 2.4 Renaissance Durant la Renaissance, la forme des ponts est influencée par les études scientifiques des structures et des forces en jeu. Andrea Palladio décrit différents types de ponts à treillis en bois : cette armature exploite la rigidité du triangle, indéformable, équilibre les forces de compression et de traction, tout en nécessitant moins de matériau que les poutres ou les arcs. C'est au Japon, en Chine, mais aussi en Suisse, que sont construits des ponts en charpente, dont certains sont toujours utilisés. Le Kapellbrücke, pont en bois construit au début du XIVe siècle à Lucerne, en Suisse, ravagé en grande partie par un incendie en 1993 et reconstruit à l'identique, comporte des poutres posées sur des pieux serrés, étayés et inclinés. Il est recouvert d'une toiture, et cette idée sera reprise et déclinée au XIXe siècle aux États-Unis. En 1502, Léonard de Vinci conçoit le projet d'un pont qui doit être construit à Istanbul : un pont en arc en maçonnerie d'une seule travée de 240 m. Des projets moins ambitieux sont menés à terme au cours de ce siècle, tels que le pont Notre-Dame (1512) -- qui sera détruit et remplacé en 1853 -- et le Pont-Neuf (1578-1604) à Paris, le Rialto (1588-1591) à Venise, le pont Santa Trinità (1566-1569) à Florence, oeuvre de l'architecte Bartolomeo Ammannati, dont la forme des arcs est très particulière ; on les dit « en anse de panier «. 2.5 Création d'un corps de métier En France, la première école d'ingénieurs, l'École nationale des ponts et chaussées, est ouverte en 1747. Jean Perronet, directeur de cette école pendant plusieurs décennies, démontre qu'il est possible de construire des ponts avec des structures nettement plus légères que par le passé. On lui doit le pont de Neuilly, dont les piles sont extrêmement fines, ou encore le pont de Pont-Sainte-Maxence. 3 TYPES DE PONTS 3.1 Classification selon les matériaux 3.1.1 Pont en bois C'est principalement grâce au chemin de fer que la construction de ponts en bois prend un nouvel essor. En effet, il s'agit de construire ces ponts rapidement, ce que les techniques de maçonnerie ne permettent pas. L'ingénieur Isambard Kingdom Brunel est à l'origine de 64 viaducs en bois pour le chemin de fer. Le premier, conçu couvert à l'origine, est celui que Timoty Palmer (l'un des premiers constructeurs professionnels d'Amérique) construit en 1805 à Philadelphie sur la rivière Schuylkill. Le pont de Colossus, toujours sur la Schuylkill, comporte une travée de 104 m, et est probablement le plus connu des ponts construits par Lewis Wernwag, pionnier de l'encorbellement. Le brevet de l'architecte William Howe, qui préconise l'usage du fer pour les membres verticaux de la structure du pont, marque une évolution fondamentale. 3.1.2 Ponts en fer, en acier et en béton Le premier pont en fonte (alliage de fer et de carbone, dont la quantité de carbone varie de 2 à 5 p. 100 en poids, alors que le fer forgé n'en contient pratiquement pas) est réalisé en Angleterre, par Thomas Pritchard. C'est un arc semi-circulaire d'une portée de 30 m, enjambant la Severn à Coalbrookdale. En 1788, Thomas Paine dépose un brevet pour un type de pont en fer à arche en acier (dans lequel une faible quantité de carbone est réintroduite, ainsi que d'autres éléments comme le chrome, le nickel ou le manganèse) de profil surbaissé, comportant cinq nervures en fonte et une ouverture de 34 m. Les ingénieurs Thomas Telford et John Rennie apportent de nombreux perfectionnements à la conception des ponts : le premier conçoit 42 ponts en Grande-Bretagne ; le second construit la plus grande arche en fonte du pays et réalise un pont en fer forgé (grâce à l'invention du procédé de puddlage), ce qui permet une économie en matière et en poids considérable, car le fer forgé est plus souple et plus malléable que la fonte. Le pont sur la rivière Tweed à Kelso, en Écosse, construit en 1803, est un grand pont à arche semi-elliptique conçu par Rennie. Sur le Mississippi à Saint Louis, dans le Missouri, un pont à double tablier (une voie routière au-dessus d'une voie ferrée) en acier au chrome est construit par l'architecte James Buchanan Eads. Il est ouvert en 1874. Les trois arches ont une portée de 153, 158 et 153 m. Pour construire les fondations, il faut faire des caissons -- des sortes de cloches --, dans lesquels les ouvriers doivent travailler sous air comprimé, à 30 m de profondeur. Le premier pont entièrement réalisé en acier est le pont de Glasgow, dans le Missouri. Terminé en 1879, il est constitué de 5 treillis de 95 m chacun. 3.2 Classification selon la structure 3.2.1 Ponts en arches modernes Les arches modernes ont souvent une forme segmentaire ou semi-elliptique, qui autorise une grande portée et de larges voies navigables sans pour autant être très hautes. Achevé en 1917, le pont ferroviaire du Hell Gate, avec sa travée de 297 m, qui traverse l'East River à New York, devient le plus long pont à arche en acier du monde. Cette portée a ensuite été dépassée par le pont de Bayonne (1931) qui va de Bayonne, dans le New Jersey, jusqu'à Staten Island, dans l'État de New York (avec une travée de 503 m et une longueur totale de 2 470 m), puis par le pont ferroviaire du port de Sydney (1932), en Australie, dont la travée mesure également 503 m. Le pont qui traverse la rivière du Niagara entre Queenston, en Ontario, et Lewiston, dans l'État de New York, ouvert en 1965, utilise une arche en acier de 305 m de long. C'est la plus longue arche fixe à nervures en acier du monde. 3.2.2 Ponts à poutres, consoles, cantilever et treillis Un pont à poutres est limité en portée par la résistance de ses poutres. Pour pallier ce défaut, on peut assembler, suivant un schéma triangulaire, des armatures de soutien entre une poutre basse et une poutre haute. L'utilisation de poutres en bois assemblées par des tiges en fer donne naissance, vers la fin du XIXe siècle, à la construction utilisant des combinaisons de pièces en fer moulées et forgées puis, plus tard, des treillis en acier. Afin de ne pas entraver la circulation fluviale dans le détroit de Menai, le pont Britannia doit comporter deux travées de 140 m de portée ; pour ce faire, on utilise des tubes en fer forgé de section rectangulaire. Par précaution, on construit des tours auxquelles accrocher des chaînes au cas où la structure ne serait pas suffisamment solide. Le pont à consoles se caractérise par des poutres qui prennent appui, non pas à leurs extrémités, mais en leur milieu. Le pont de Forth, qui traverse le golfe de Forth à Queensferry, en Écosse, est un pont de chemin de fer en acier avec deux travées principales de 521 m chacune. Il est érigé entre 1882 et 1890 par les ingénieurs John Fowler et Benjamin Baker. Sa longueur totale est de 2,5 km. La portée maximale d'un cantilever en acier fortement résistant à la traction est théoriquement de 760 m. En France, le viaduc de Viaur, premier grand pont en acier comportant un cantilever central d'une portée de 220 m, est terminé en 1898. En 1907, un arc d'acier d'une portée de 152 m enjambe la gorge du Zambèze, sous les chutes Victoria en Afrique. Le pont du Québec, au-dessus du Saint-Laurent, terminé en 1917, a une travée principale de 548 m. Il supporte deux voies de chemin de fer et une route ; c'est l'un des plus longs ponts cantilever du monde. Le pont à poutres cantilever du détroit de Carquinez, près de San Francisco, est achevé en 1927. Il se compose de deux travées de 335 m et de deux travées d'ancrage de 132 m ; il est conçu pour résister aux tremblements de terre -- fréquents dans cette région du globe. Le pont de Howrah sur la rivière Hooghly à Calcutta, avec une travée principale de 457 m, est inauguré en 1943. Le grand pont de la Nouvelle-Orléans (1958) sur le Mississippi a une travée de 480 m. En France, le pont de l'île de Ré est un exemple récent de pont à consoles. Il est constitué de 27 travées dont la portée varie entre 37 et 110 m. Construit très rapidement et ouvert à la circulation en 1988, ce pont a une longueur totale de 2 926 m. Les treillis en acier sont très utilisés à cause de leur faible coût. Les développements modernes ont augmenté la longueur des travées qu'il est possible de réaliser, et on utilise de plus en plus des treillis continus. Un exemple remarquable de ce type de construction est le pont de Lindenthal's Sciotoville (1917), au-dessus de l'Ohio, avec un treillis de 472 m de long en deux travées de 236 m chacune. Le pont Astoria (1966) sur la Columbia en Oregon est le plus long pont continu en treillis, avec une travée de 375 m. On a également construit des ponts à treillis en béton armé, comme celui de la rue La Fayette à Paris, conçu par Albert Caquot. Un développement récent dans la construction des ponts à poutres métalliques est ce que l'on appelle la structure orthotrope : des plaques en acier, rigidifiées, agissent à la fois comme tablier routier et comme rebords supérieurs des poutres de plancher et des poutres métalliques longitudinales de soutien. Le plus grand pont de ce type construit aux États-Unis, le pont San Mateo-Hayward à San Francisco, est ouvert en 1967. Avec une longueur de presque 11 km et une travée principale de 228 m, le pont a une partie supérieure en acier de 2 941 m de long et une structure orthotrope sur une longueur de 167 m. 3.2.3 Ponts suspendus et à haubans Les ponts suspendus peuvent avoir une portée nettement supérieure à celle des autres types de ponts, car les câbles en acier ont un rapport résistance / poids plus important que l'acier structurel. Les premiers ponts suspendus de dimensions importantes sont construits vers 1800 aux États-Unis et environ dix ans plus tard en Grande-Bretagne. Ils supportent un tablier grâce à des tiges d'attache placées au bout de chaînes, elles-mêmes fixées à des tours situées sur les berges. Les ponts suspendus, parce qu'ils autorisent alors des portées allant de 100 à 200 m, connaissent un succès considérable au XIXe siècle. En France, vers 1850, on en a déjà construit plus de quatre cents. Dans ce type de pont, le tablier est stabilisé et soutenu par des haubans attachés à un pylône. Le premier pont suspendu à utiliser des câbles est construit en 1834 sur la Sarine, à Fribourg, en Suisse ; il comporte une travée principale de 273 m. Un pont suspendu de 307 m de travée principale est conçu et construit en 1846 par l'ingénieur John Roebling sur l'Ohio, à Wheeling, en Virginie-Occidentale. Au XIXe siècle, des haubans en éventail avec des câbles de suspension parabolique sont combinés, comme pour le pont François-Joseph à Prague, inauguré en 1868. Le pont de Brooklyn, à New York, également conçu par Roebling, est inauguré en 1883 avec une travée centrale de 486 m. Le pont George Washington, terminé en 1931, présente une travée suspendue de 1 067 m de long. Le pont du Golden Gate à San Francisco, ouvert en 1957, a une travée centrale de 1 280 m, suspendue à des tours de 227 m de haut. En 1962, on construit au Venezuela le pont du Maracaibo, en béton armé précontraint, avec une travée centrale à haubans de 235 m, et deux ans plus tard le pont de Verrazano-Narrows, à New York de 1 341 m de long, comportant une travée suspendue de 298 m. Le premier pont suspendu de conception moderne est le pont de la Severn, en Angleterre : son tablier, au lieu d'être raidi par des armatures, est conçu selon des principes empruntés à l'industrie aéronautique, et construit à l'exemple d'une poutre-caisson profilée comme une aile d'avion. Un pont suspendu de 1 079 m de long traversant le Bosphore à Istanbul, en Turquie, est ouvert en 1973. Ce pont est devenu la première grande voie de communication routière permanente entre l'Europe et l'Asie. Le pont de Humber est, jusqu'en 1995, l'un des plus longs ponts suspendus du monde. Il est inauguré en 1981, et sa travée de 1 409 m traverse l'estuaire de Humber en Angleterre. Le premier pont à haubans comportant un mince tablier en béton précontraint et des poutres en acier est le pont Alex-Fraser près de Vancouver, dont la travée principale atteint 465 m ; cette longueur est dépassée lors de la construction du pont Skarsundet en Norvège, dont la travée principale mesure 530 m. Les haubans sont attachés à des pylônes qui surplombent l'eau de 152 m ; le tablier est creux, de section triangulaire, pour garantir la rigidité de l'ouvrage. Le pont de Normandie, pont à haubans long d'environ 2 200 m, ouvert en 1995, traverse l'estuaire de la Seine du Havre à Honfleur. Avec une travée centrale de 856 m de long, il est deux fois plus long que le pont Ikuchi au Japon, qui était auparavant le plus grand pont à haubans. Le pont de Normandie est conçu pour supporter des vents de 120 km/h. La structure à haubans permet la réalisation de ponts de longueurs très importantes, tellement importantes que, pour le pont de Humber, en Angleterre, long de 1 409 m, les pylônes principaux, d'une hauteur de 162 m, s'écartent du parallélisme de 3,6 cm afin de tenir compte de la courbure de la Terre. Il est également intéressant de mentionner le projet non réalisé de l'« Europont «, proposé en 1986 pour traverser la Manche de Calais à Folkestone. D'une longueur de 35 km, il aurait été constitué d'une succession de ponts suspendus de 4,5 km de long. Les suspentes en Kevlar auraient été accrochées à des pylônes de 400 m de haut. Ce projet a été abandonné au profit du tunnel sous la Manche. Lors de son inauguration en 1988, le pont Akashi-Kaikyo est devenu le plus long pont suspendu du monde (3 911 m), avec sa travée centrale record de 1 911 m. Ce pont, qui relie la ville japonaise de Kobe sur l'île de Honshu à l'île d'Awaji, est conçu pour résister à des vents de 80 m/s, à des secousses sismiques d'une magnitude de 8,5 sur l'échelle de Richter, ainsi qu'à des courants marins de 4,5 m/s. Un autre ouvrage hors normes voit le jour à la fin de l'année 2004 : le viaduc de Millau. Ce viaduc autoroutier de 2 460 m de long, reliant Clermont-Ferrand et Béziers, est le plus haut pont suspendu à haubans du monde. Avec une pile haute de 245 m et un pylône de plus de 90 m, le point culminant de cet ouvrage atteint 343 m (plus haut que la tour Eiffel). Le viaduc de Millau détrône ainsi le Royal Gorge Bridge, pont suspendu culminant à 321 m au-dessus de la rivière Arkansas, au Colorado (États-Unis). 3.2.4 Ponts à arches en béton Peu de temps après le tournant du XXe siècle, le développement du béton armé entraîne de grands progrès dans la construction des ponts à arches en béton. Le pont Esla sur l'Esla, en Espagne, avec une travée de 196 m, est achevé en 1940. En France, le pont Caquot, en Haute-Savoie, est construit en 1928 ; il présente un arc en béton armé de 140 m de portée. Après quelques réalisations qui lui ont fait expérimenter le fluage du béton (en effet, après la solidification, le béton se rétracte légèrement), l'ingénieur français Eugène Freyssinet construit le pont de Veurdre en laissant un peu de place à la clé des arcs, pour les colmater avec du béton après le séchage définitif. Puis, en 1930, Freyssinet construit le pont de Plougastel (ou pont Albert Louppe), près de Brest, muni de trois arcs surbaissés de 188 m de portée. Les arches sont des caissons creux en béton, larges d'environ 9,5 m et d'une épaisseur à la clé de 4,5 m. Elles se trouvent à 27,5 m au-dessus du niveau de l'eau. À cette occasion, l'ingénieur initie le développement du béton précontraint, qui se réalise avec de l'acier très résistant tendu longitudinalement dans le béton, puis encastré aux extrémités des poutres, ce qui rend le matériau beaucoup plus résistant aux compressions. Le pont de Gladesville, édifié en 1964 à Sydney, en Australie, est un très bel exemple d'utilisation de cette technologie. Constitué d'une arche en béton précontraint d'une portée de 305 m, il monte à 46 m au-dessus de la rivière Parramatta. 3.2.5 Ponts à arches en maçonnerie Le développement du chemin de fer a engendré le renouveau de la construction d'arches en maçonnerie semi-circulaires ; toutefois, la pierre de taille reste utilisée dans certaines localités quand elle est plus économique. Le viaduc en pierre de Ballochmyle, qui traverse l'Ayr près de Mauchline, en Écosse, a une arche semi-circulaire de 55 m de long. Le plus long viaduc ferroviaire à arche en pierre se trouve à Rockville, en Pennsylvanie, où quatre voies de l'ancien chemin de fer Penn Central Railroad (aujourd'hui Amtrak) traversent le Susquehanna. Le viaduc de Rockville, mis en service en 1902, comprend 48 arches de 21 m de long pour une longueur totale de 1 161 m. Un viaduc long de 3 657 m et comportant 222 arches traverse le lagon de Venise et relie la ville à l'Italie continentale. La plus grande arche en maçonnerie du monde, d'une longueur de 89 m, forme le pont de Syra, à Plauen, en Allemagne. Ce dernier a été terminé en 1903. En France, le pont de La Mure, construit entre 1912 et 1916, est long de 80 m. Le pont de La Balme, long de 64 m, construit de 1942 à 1944, est l'un des rares exemples d'ouvrage moderne à arcs maçonnés en pierre de taille. Les arcs en maçonnerie constituent cependant un procédé de construction peu utilisé aujourd'hui, en raison de leur coût élevé. 3.2.6 Ponts à bateaux Les ponts flottants permanents, à distinguer des structures militaires temporaires, sont utilisés lorsque des conditions très particulières l'exigent. Le pont flottant sur la rivière Hooghly, à Calcutta, mesure 466 m de long. La route est maintenue à 8 m au-dessus de l'eau en prenant appui sur 14 paires de bateaux en fer, chacun faisant 49 m de long et 3 m de large. Un pont à bateaux en béton de plus de 1,6 km de long supporte une autoroute et traverse le lac Washington, près de Seattle, aux États-Unis. Il comprend 25 sections flottantes boulonnées ensemble et ancrées ; il est doté d'une travée flottante télescopique qui peut donc être ouverte. 3.2.7 Ponts mobiles Il existe également des travées mobiles, qui peuvent être basculées, pivotées ou relevées. Les premiers ponts basculants sont les ponts-levis, panneaux à cadre en bois qui permettent de traverser les douves d'un château. Ils sont redressés au moyen de chaînes depuis l'intérieur du château. Ce type de pont, avec une ou deux travées montées sur des gonds et contrebalancées, convient parfaitement aux voies navigables étroites lorsque le trafic est important. Le Tower Bridge (1894) qui traverse la Tamise à Londres, en est le plus célèbre exemple. D'apparence gothique (un aspect qui tient compte de la proximité de la Tour de Londres), il dispose de deux poutres basculantes et de deux travées latérales suspendues. Le pont pivotant est muni d'une travée mobile montée sur un pivot placé en son centre. La plus longue travée de ce type, qui mesure 166 m, est celle d'un pont routier et ferroviaire, qui traverse le Mississippi, à Fort Madison, dans l'Iowa. Les ponts à ascension verticale sont utilisés pour les longues travées, lorsqu'il est nécessaire de disposer, entre deux piles, de toute la largeur de la voie navigable, ainsi que d'une hauteur libre importante. La plus longue travée à ascension verticale supporte une voie de chemin de fer, qui traverse Arthur Kill, entre Staten Island et Elizabeth, dans le New Jersey. Elle a été terminée en 1959. La travée a une longueur de 170 m. Sa hauteur libre est de 9 m lorsqu'elle est fermée, et de 41 m lorsqu'elle est surélevée. Un autre pont remarquable à ascension verticale traverse la rivière Arkansas à Pine Bluff, dans l'Arkansas. Il a six travées, chacune faisant 73 m de long. Le lit principal de la rivière ayant tendance à se déplacer, chacune des travées peut être relevée indépendamment. 3.2.8 Ponts combines De nombreux ponts, notamment aux États-Unis, combinent plusieurs procédés de construction. Le pont Transbay à San Francisco, avec ses rampes d'accès, mesure environ 12 km de long. Il traverse l'East Bay avec une travée cantilever de 426 m de long, puis la West Bay avec deux travées suspendues de 704 m de long. Les deux traversées sont reliées sur l'île de Yerba Buena par un tunnel de 152 m et un viaduc de 244 m de long. Le pont Triborough, à New York, comprend des ponts venant des districts du Queens et du Bronx. Ces ponts se rencontrent sur l'île de Randall : ils comportent des travées à treillis métalliques, un pont à ascension verticale, un viaduc et un pont suspendu. Le pont-tunnel Chesapeake Bay, en Virginie, supporte une autoroute de 28,2 km de long qui relie Norfolk à Cape Charles. L'ensemble comprend deux tunnels (qui passent au-dessous de voies navigables importantes entre deux îles artificielles), deux ponts fixes en acier, et plus de 16 km de pont sur piles. Le plus long pont du monde, avec une longueur totale proche de 39 km, est celui du lac Pontchartrain. Il relie les villes de la Nouvelle-Orléans et de Covington, en Louisiane. Il est constitué de travées reposant sur des piles peu espacées et de faible hauteur. 4 PERSPECTIVES Depuis le début des années 1990, on commence à utiliser de nouveaux matériaux très résistants. Pour un club de golf écossais, la société Maunsell Structural Plastics a construit en 1992 la première passerelle (appelée passerelle d'Aberfeldy) entièrement réalisée en matériaux composites (plastique renforcé par du verre, câbles en Kevlar -- fibre aramide -- sous une enveloppe de polyéthylène), de 63 m de portée. La résistance de ces matériaux laisse présager une portée supérieure à celle obtenue avec les composés actuellement employés. Par exemple, une travée suspendue en carbone ou en Kevlar pourrait, d'après les simulations, avoir jusqu'à 12 km de portée. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.