Plan détaillé sur De l’égalité des deux sexes, François Poullain de la Barre
Publié le 30/05/2021
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Plan détaillé sur De l’égalité des deux sexes, François Poullain de la Barre
« Que ce serait une chose plaisante de voir une femme enseigner dans une chaire » écrit François Poullain de la Barre, écrivain du classicisme en 1673, à la fin du 17ème siècle. Ce prêtre converti au protestantisme est considéré comme l’un des précurseurs du féminisme par les analyses modernes qu’il propose comme notamment dans De l’égalité des deux sexes, ouvrage dont est tiré ce texte. Il expose dans ce texte sa vision moderne et marginale du rapport entre homme et femme et remet en question la façon dont sont traités les femmes en abordant plus particulièrement ici les préjugés liés au travail. Nous nous demandons donc comment l’auteur s’attaque-t-il aux préjugés de son temps sur les femmes ? Nous verrons d’abord qu’il s’agit d’un texte didactique, puis nous nous intéresserons à la pensée singulière et audacieuse de l’auteur avant d’aborder son regard moderne sur la position de la femme dans la société.
I- Un texte didactique
a) Une structure et une progression argumentatives claires
- C’est un texte argumentatif : présentation de la thèse dans le 1er paragraphe : pour lui, les femmes sont autant capables que les hommes de percevoir la société et de travailler que les hommes : « que ce serait plaisant de voir une femme enseigner dans une chaire... », justification par des arguments : selon lequel la misogynie serait une habitude rentrée dans la coutume : « ce ne serait que par la raison de la nouveauté », qui souligne bien l’habitude ancrée dans les comportements, ( 2ème paragraphe) et selon lequel la doxa exercerait une pression sur les hommes : « les choses ont toujours été comme elles sont à l’égard des femmes », (3ème paragraphe). Il y a aussi des exemples pour illustrer et renforcer les arguments : « nous ne trouverions pas plus étrange de les voir sur les fleurs de lys que dans les boutiques » forme l’exemple du 2ème paragraphe parce qu’il retourne la situation d’habitude dont parle l’auteur/ « si elles avaient été capables des sciences et des emplois, les hommes les y auraient admises avec eux » est l’exemple du second argument ( 3ème paragraphe) et montre avec ironie l’absurdité de la pensée selon laquelle la doxa serait irrémédiable, ainsi que la présence d’une conclusion :selon laquelle ces raisonnements viennent « de la raison et la prudence qui les ont faites » et que ce ne sont finalement que des idées sans fondements, des usages culturels. Cette structure claire dont on remarque la progression argumentative permet l’effet didactique du texte.
La structure de ce texte participe à son effet didactique en faisant de lui un texte facile à comprendre, ce par plusieurs procédés :
L’utilisation des pronoms personnels : le pronom « je », qui désigne l’auteur, est présent une seule fois : « j’avoue », et montre la prise de position, la présence de l’auteur dans son texte. Vient ensuite le pronom « on » qui désigne l’ensemble de la société, du groupe sans en désigner un seul, c’est le « on » de l’universalité. On remarque que ce pronom inclut l’auteur dans un tout et permet de ne pas donner l’impression d’accuser les hommes à travers ce texte. Enfin, il y a le pronom « nous », qui désigne l’auteur et les hommes, l’ensemble du groupe masculin formant la société au 17ème siècle.
Les valeurs des temps : Le temps le plus utilisé dans ce texte est le présent simple à valeur de vérité générale. Il permet de montrer le bien-fondé et la doxa et d’insister sur l’aspect évident de celle-ci. Ensuite il y a aussi beaucoup de futur simple, il exprime bien souvent la supposition et le fait soumis à une condition, ce qui montre d’hypothétiques suggestion de l’auteur (exemples) et quelquefois d’une action future par rapport au présent (exemples).
Les connecteurs logiques reliant différents arguments : Le connecteur logique « si » est très souvent utilisé pour connecter différentes idées et souligne la condition et l’hypothèse, encore une fois pour réécrire l’histoire ou proposer des changements futurs.
Cela aide à structurer le texte et à le rendre parfaitement clair donc à transmettre un message efficace.
b) Un texte concret, ancré dans son époque
- C’est également un texte concret, ancré dans son époque, qui permet une approche instructive parce qu’il se base sur des faits, parce qu’il est cartésien.
Comme nous le montre la phrase : « J’avoue que cet usage nous surprendrait », l’auteur admet que sa théorie est surprenante. Le verbe « j’avoue », implique qu’il comprend le point de vue de l’autre, du lecteur. Si l’usage surprendrait, c’est parce que sa thèse s’ancre précisément dans son époque et est relative à ses coutumes. De la même manière, dans la phrase : « de les voir sur les fleurs de lys que dans les boutiques », on perçoit le contexte historique. La « fleur de lys » est une métonymie pour désigner le pouvoir royal, donc la monarchie. Les « boutiques » sont, selon le texte un endroit où il est fréquent de voir les femmes. Ce sont donc des lieux, des remarques sur la société qui sont mentionnés et qui ancrent dans son époque ce texte, afin d’en montrer la portée didactique et actuelle au 17ème siècle.
c) Plaire et instruire
- Pour que ce texte instruise et atteigne sa portée didactique afin que son message soit compris, il faut qu’il plaise. L’auteur atteint son but grâce à l’humour, notamment l’ironie présente dans son texte comme dans l’exemple ci-dessous.
\"Leurs plus fortes raisons se réduisent à dire que les choses ont toujours été comme elles sont.\" On a ici une antithèse entre l'adjectif \"fortes\" et le verbe conjugué \"réduisent\" qui crée une opposition et qui ironise le propos de l'auteur. Poullain de la Barre, finalement, se moque des hommes qui pour plus fort argument, pour plus forte idée n'auront qu'une justification minime. Cette antithèse montre l'aspect ridicule qu'il trouve à cet argument et il s'en moque ouvertement. Dans le même paragraphe, l’auteur écrit : « si elles avaient été capables des sciences et des emplois, les hommes les y auraient admises avec eux », il montre ici avec ironie le fait qu’il est absurde de se « réduire » (ligne 27) à penser que la doxa serait inchangeable En rajoutant de l'humour et de l’ironie dans son texte, il plaît et donc contribue à instruire.
II- Une pensée singulière et audacieuse*
a) La remise en cause de la doxa
- Au 17ème siècle, la pensée de Poulain de la Barre détonne du reste de l’époque et celui-ci démontre, par une remise en question de la doxa (les croyances, opinions admises sans discussion, évidemment), une pensée audacieuse.
Cette remise en cause de la doxa passe par l’explication, qui donne aussi une impression de dédouanement du comportement de l’homme, car ce sont des idées, des opinions acquises et répétées depuis toujours. On le voit dans le troisième paragraphe : « « les choses ont toujours été comme elles sont » où la comparaison grâce à la conjonction de subordination « comme » montre que les choses n’ont pas évolué, l’auteur présente son argument de façon ironique. Mais aussi dans le quatrième où vient l’explication : « Ces raisonnements viennent de l’opinion qu’on a de l’équité de notre sexe et d’une fausse idée qu’on s’est forgée de la coutume. ». Il y a une forme d’assonance en « é » dans cette phrase avec les mots « équité » et « fausse idée » qui se retrouvent mis en valeur et qui soulignent donc la remise en question de la doxa qu’explique Poullain de la Barre.
b) Usage, coutume et préjugés
- En montrant les préjugés de son époque, en expliquant qu’ils ne sont que culturels et sont liés aux us et coutumes, Poulain de la Barre justifie sa pensée singulière.
Il mentionne ici le préjugé de son temps selon lequel les femmes sont incapables d’accéder au savoir ou au travail.« ce qui est une marque qu’elles doivent être de la sorte [les choses : la coutume] et que si elles avaient été capables des sciences et des emplois, les hommes les y auraient admises avec eux ». Les verbes employés sont au présent de vérité générale pour affirmer ce propos, lui donner un air incontestable et on note l’emploi du verbe « devoir » où l’on retrouve l’idée de l’ordre. Ces mots sont employés ironiquement, tournant cet argument au ridicule et rendant ce préjugé complètement infondé.
c) Une position marginale
- C’est aussi une position marginale, complètement inhabituelle et décadente par rapport à la pensée du 17ème siècle qu’il affirme ouvertement dans ce texte.
La phrase « J’avoue que cet usage nous surprendrait » nous le montre car par sa forme déclarative et directe, elle exprime la compréhension (avec le verbe « avouer ») de la surprise causée par des propos inhabituels (mention d’un « usage surprenant »). Parce qu’il montre qu’il comprend le point de vue du lecteur, l’auteur affirme un peu plus sa pensée mais montre aussi qu’il se justifie parce qu’il sait qu’il se situe à la marge des conventions de par ses pensées.
De plus, dans le dernier paragraphe, l'auteur utilise un champ lexical relatif à la supposition et au doute : \"opinion\", \"fausse idée\", \"s'est forgée\", \"croire\", \"juge\", \"se figure\", \"les a faites\"… En parlant ainsi \"d'opinion\" et en utilisant la forme pronominale de certains verbes (\"s'est formée\", \"se figure\", \"les a faites\"), Poullain de la Barre rend les fondements des préjugés sur l'égalité des sexes moins solides et montre qu'ils sont relatifs à l'Homme, donc simplement culturels. Il les remet en cause et les trouve en fait sans fondement, c'est pourquoi le vocabulaire du doute et les verbes pronominaux éloignant le caractère volontaire de ces préjugés et créant une responsabilité involontaire (comme si l'homme n'était pas responsable de leur existence mais que par la force de l'usage, ceux-ci étaient devenus réels) permettent de prendre du recul sur son point de vue, de faire réfléchir et de montrer sa position marginale, complètement contraire à la pensée du 17ème siècle, parce qu’il remet en cause toute la doxa établie.
III- Un point de vue moderne
Enfin, le caractère si original et si frappant de ce texte se caractérise parce qu’il incarne un point de vue moderne, une conception égalitaire entre les deux sexes, une ouverture au changement et surtout des résonances contemporaines importantes qui aujourd’hui, apportent un regard neuf sur la pensée de François Poullain de la Barre.
a) Une conception égalitaire
- Comme l’indique le titre, « De l’égalité des deux sexes », l’auteur nous montre qu’il tient et qu’il croit à l’égalité entre hommes et femmes, et le montre par ailleurs dans son texte. On le voit notamment grâce aux phrases déclaratives longues comme celle de la ligne 7 à la ligne 16 : « que ce serait plaisant de voir une femme enseigner dans une chaire, l’éloquence ou la médecine en qualité de professeur... » s’en suit une suite d'énumérations produisant un effet d'exagération et d'insistance. Il veut montrer, à travers cette énumération que tous les métiers sont exercés par des hommes et il insiste sur sa volonté d'une société dans laquelle les femmes auraient les mêmes responsabilités que les hommes, il cherche la parité dans le travail. Cette énumération nous montre donc sa conception égalitaire de la société.
b) Une ouverture à la nouveauté, au changement
- Argumentatif, ce texte a aussi pour but d’inciter au changement, de pousser à la réflexion pour suggérer une ouverture à la nouveauté. La philosophie cartésienne se base d’ailleurs sur l’idée que la connaissance universelle peut être apportée à tous par la raison, et c’est en renversant les principes de la raison de l’époque que Poullain de la Barre veut nous convaincre. Pour l’époque, la raison est de penser que la place d’une femme est « d’élever les enfants […] et de prendre soin du ménage » (ligne 5/6), l’auteur renverse cette raison en expliquant que ce n’est qu’une question d’usage comme dans le second paragraphe :
La conjonction de subordination \"comme\" (ligne 22) introduit la proposition subordonnée conjonctive circonstancielle de comparaison \"elles le sont à notre égard\" qui en fait le complément circonstanciel de cette phrase. Cette comparaison entre le fait que les hommes s'habitueraient à voir une femme exercer leurs métiers et le fait que celles-ci sont déjà habituées à voir les hommes exercer certains métiers souligne l'inégalité existante entre les hommes et les femmes dans le milieu du travail. Celles-ci, de par la coutume sont forcément habituées à voir des hommes travailler tandis que des hommes seraient surpris par le contraire.
Cette inégalité est renforcée plus bas : \"les voir sur les fleurs de lys, que dans les boutiques\", ici la conjonction de coordination \"que\" introduit une proposition subordonnée complétive \"dans les boutiques\", COD du verbe. Elle participe à montrer l'inégalité du travail entre hommes et femmes en rajoutant à l'argument et provoque un effet d'insistance. En pointant du doigt cette inégalité, Poullain de la Barre montre sa conception égalitaire des rapports masculin féminin et suggère une ouverture au changement.
c) Résonances contemporaines
- Évidemment, ce texte a, aujourd’hui, de fortes résonances contemporaines car bien qu’écrit au 17ème siècle, il reste incroyablement moderne et actuel et on le lit aujourd’hui avec un regard neuf, un recul par rapport à son époque d’origine. On l’observe ici :
\"Les hommes ne doivent rien faire que par raison\" (ligne 36)
\"On se figure que c'est la raison et la prudence qui les ont faites [les pratiques misogynes]\" (ligne 41)
On remarque dans ces deux phrases que la raison et la prudence occupent une place importante dans le raisonnement de Poullain de la Barre. Il affirme que les préjugés envers les femmes ne sont que culturels et liés à la raison et à la prudence qui les auraient causés. En invoquant la raison (un principe très important dans la philosophie cartésienne parce que grâce à la raison, l'on peut accéder à la connaissance universelle), l'auteur dédouane l'homme et montre la coutume de son temps. Les préjugés liés aux femmes s'expliquent par l'usage, l'habitude et les conventions nées de ces principes admis sans discussion au fil des siècles. En insistant sur la raison et la prudence, Poullain de la Barre introduit la notion d'usage et de coutume et rend l'homme moins responsable des discriminations qu'il peut causer inconsciemment envers les femmes. Ceci contribue d'ailleurs à lui donner une résonance contemporaine très forte aujourd'hui, quand on se demande où commence et où s'arrête la responsabilité des hommes dans les stéréotypes misogynes existant depuis toujours.
Ainsi, François Poullain de la Barre, en partageant sa pensée marginale, son point de vue singulier tout en précisant qu’il comprend comme l’on pense au 17ème siècle mais en insistant sur le fait que ce n’est pas sa pensée et en remettant en cause la doxa pour questionner les préjugés sur les femmes.
En réfutant la pensée « traditionnelle » et en instruisant mais aussi en faisant preuve d’humour, en expliquant les faits, écrivant un texte concret, tout en montrant une position incroyablement moderne et précurseure du féminisme parce qu’il affirme sa conception égalitaire de la société. Ce texte, lu aujourd’hui, ne peut manquer de faire écho à des résonances contemporaines et d’ouvrir l’esprit au changement et à la nouveauté.
Par cet écrit, l’auteur s’attaque incroyablement bien aux préjugés de son temps sur les femmes pour un homme de son époque et s’inscrit en précurseur du féminisme.
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