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Pierre manent

Publié le 01/10/2012

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Gallois Geoffroy Etude complète du livre de Pierre Manent La cité de l'Homme Pierre Manent part de deux constats : d'une part, tous les hommes sont conscients d'être des hommes, mais aucun ne sait vraiment ce qu'est être un homme ; d'autre part, les hommes depuis le 18ème siècle ont le sentiment d'être modernes. Mais qu'est-ce que la modernité ? Pierre Manent cherche à définir ce qu'est est un homme, et plus exactement ce qu'est une homme moderne. La connaissance de l'homme est-elle rendue plus aisée par l'ajout de l'épithète « moderne « ? Ainsi, il adopte une démarche quasi épistémologique : il réalise l'inventaire des connaissances que nous possédons aujourd'hui sur l'homme, en partant de la Grèce antique pour arriver jusqu'à nos jours. Il examine les différentes thèses qui se sont succédées, donnant chacune une définition particulière de l'homme, puis éventuellement les critique, en dévoile les limites, afin de poursuivre sa réflexion vers une autre définition, plus rigoureuse ou plus exacte de la notion d'homme moderne. Sa pensée s'articule en deux phases : la première s'intéresse à la manière dont l'homme moderne a conscience de lui-même, la seconde aux obstacles que l'homme rencontre lorsqu'il cherche à comprendre le phénomène humain comme un tout cohérent et unifié et à trouver un cadre adapté à l'exercice de sa modernité ; chacune de ces parties est subdivisée en trois chapitres qui épousent le mouvement général de sa réflexion.Naturellement, afin de rendre ce travail plus complet, la totalité de l'oeuvre est prise en compte. Dans un premier temps, Pierre Manent étudie la conscience que l'homme moderne a de lui-même, en suivant trois axes : « l'autorité de l'histoire «, « le point de vue sociologique « et « le système de l'économie «. La conscience que l'homme a d'être moderne est tout d'abord inséparable de sa conscience de vivre dans l'histoire. Une série de questionnements permet d'aboutir à cette conclusion. En quoi la notion d'histoire change-t-elle de sens avec l'avènement de la modernité ? Quel est ce sens nouveau et en quoi est-il lié à la politique ? Quel éclairage nous apporte la nouvelle conception de l'histoire sur les notions de modernité et de démocratie ? Pierre Manent débute son parcours aux côtés de Montesquieu, par une analyse d'un passage de L'Esprit des Lois, ce qui donne dès le commencement une dimension politique à la nouvelle conception de l'histoire. Au terme de son examen de la réflexion du philosophe, il oppose deux démarches antagonistes concernant le fondement d'un régime politique : la démarche ancienne, c'est-à-dire la démarche suivie jusqu'au 18ème siècle, consiste à rechercher dans la nature les principes fondateurs d'un régime idéal mais donc impossible à construire effectivement. La démarche moderne, au contraire, consiste à trouver la liberté politique dans le régime tel qu'il est. En faisant déborder cette évolution du seul champ de la politique, Pierre Manent aboutit à la conception moderne de l'histoire : substituer à la quête de l'idéal « l'autorité du moment présent «, c'est-à-dire la reconnaissance de la liberté dans les faits présents. L'introduction de cette démarche nouvelle dans le champ de la réflexion entraîne un enchaînement de remarques. La première concerne la notion de vertu. Dans la vision ancienne du monde, tout ordre politique doit être fondé sur la vertu, c'est-à-dire sur la volonté de chaque individu de se perfectionner, de chercher à être meilleur. Cette définition de la vertu est incompatible avec le point de vue moderne, puisqu'elle est quête de mieux et aspire à la perfection. Il s'agit donc pour Montesquieu de lui retirer sa crédibilité et sa légitimité, afin de mieux asseoir la nouvelle « autorité du moment présent «. Pour ce faire, il rapproche la vertu civique des Grecs à la vertu religieuse des Chrétiens. La comparaison de ces deux notions radicalement différentes permet au philosophe d'aboutir à la conclusion suivante : aussi dissemblables soient-elles, les deux conceptions de la vertu ont pour point commun d'assujettir l'homme, de lui dérober sa liberté. Dans la première, l'homme est l'esclave de sa nature ; dans la seconde, il est le serviteur d'une force supérieure qui a le pouvoir de commander ses actions. Dans les deux, la vertu n'est rien d'autre que l'amour de la règle. Elle « afflige « donc plus qu'elle n'« élève «. Pris en étau entre les « valeurs païennes « et les « valeurs chrétiennes «, l'homme moderne est prisonnier et se doit de rechercher un nouveau cadre pour exercer sa liberté : c'est la naissance de l'Etat moderne. L'Etat moderne est donc la conséquence directe de la nécessité pour l'homme de s'extraire du rapport conflictuel entre la cité et l'Eglise, nécessité elle-même appelée par la conception moderne de l'histoire. En effet, d'après celle-ci, l'homme ne doit pas avoir à rechercher l'excellence ou la sainteté ; il doit trouver dans les conditions extérieures la garantie de l'exercice de sa liberté. L'ère moderne s'oppose donc radicalement à l'ère ancienne, et c'est cette opposition qui définit la modernité. Projeté au coeur de ce contraste, l'homme moderne se perçoit donc tout d'abord comme appartenant à ce qui recouvre ce mouvement d'évolution : l'histoire. La conscience qu'a l'homme moderne d'appartenir à l'histoire débouche sur l'invention de deux nouveaux moyens de compréhension du monde : la sociologie et l'économie. Chez les Anciens, l'entendement de la nature se faisait au sein de la sphère de la cité. Chez les modernes, la connaissance de l'histoire appelle ces deux outils nouveaux. D'une part, fidèlement à la démarche moderne, la compréhension de l'homme ne se fait plus en cherchant à instaurer un régime politique qui soit « selon sa nature «, mais en observant les mécanismes du « déterminisme social «. Les Modernes partent du principe que le champ de la politique n'est pas celui qui permet d'appréhender le monde de l'homme. Pour autant, le champ social ne permet pas de saisir l'essence de l'homme, ou sa nature. En effet, le but que se donne la sociologie est tout autre : elle se revendique comme une science, et pour cela doit cesser d'étudier les comportements individuels pour se consacrer à la preuve de la nécessité des phénomènes humains. La sociologie est la « science de l'homme «, mais elle possède une contradiction interne : elle ne peut définir son objet sous peine ne n'être plus une science. La question de la définition de l'homme est laissée sans réponse. Afin que la sociologie soit fondée sur des « lois générales et nécessaires «, l'homme ne peut être considéré que comme un effet : ce sont les éléments extérieurs qui déterminent les phénomènes humains, plutôt que ce soit la nature humaine qui détermine les phénomènes sociaux. D'autre part, le deuxième outil utilisé pour comprendre l'homme est l'économie. Pierre Manent donne ici la parole à Adam Smith, qui explique que les comportements humains sont motivés par le désir d'améliorer sa condition. Ce désir ouvre la voie à une société d'échange, la « commercial society «. Partant des remarques de l'économiste, Pierre Manent explicite « le plan du dispositif selon lequel le régime moderne se constitue comme Economie ou comme Système économique. « (p 155) Ainsi, l'homme moderne a donc conscience de lui-même comme faisant partie de l'histoire, et, pour se comprendre, a recours aux outils que sont la sociologie et l'économie. Cependant, il ressort de l'analyse menée que l'expérience humaine peut être appréhendée selon trois points de vue distincts : le point de vue historique, le point de vue sociologique et le point de vue économique. N'y a-t-il aucun principe qui permette d'harmoniser notre compréhension de l'homme ? En outre, au terme de cette première partie, deux questions restent en suspens : qu'est-ce que l'essence de l'homme, et où réside sa liberté si les phénomènes humains sont nécessaires, comme l'affirme la sociologie ? C'est à ces interrogations que la seconde partie de l'oeuvre se propose d'apporter des éléments de réponse. La deuxième partie du raisonnement de Pierre Manent étudie les différents obstacles soulevés par la première partie autour de trois thèmes : « l'homme caché «, « le triomphe de la volonté « et « la fin de la nature. « Le titre du premier chapitre est d'abord énigmatique : après toute une première partie consacrée à la modernité de l'homme, pourquoi semblons-nous plus loin encore de pouvoir définir l'homme moderne qu'au début de l'ouvrage ? Pourquoi la connaissance de l'homme se dérobe-t-elle, à travers la notion d'« homme caché « ? Parce que justement, aucun des trois domaines grâce auxquels l'homme moderne prend conscience de lui-même ne définit la nature de cet homme moderne, ni ne permet une conscience du monde unifiée. S'en suit alors une recherche de la définition de l'homme, principalement à travers l'analyse de la thèse de Locke. D'après ce dernier, puisque toute tentative de définition de la nature de l'homme aboutit à une abstraction infructueuse - car une définition suffisamment générale pour englober l'ensemble des motifs des actions humaines implique nécessairement une simplification radicale - c'est que la substance de l'homme, le « propre de l'homme « est nécessairement inconnaissable. On peut supposer l'existence de cette substance mais tenter de la définir est vain. Qu'est-ce alors que l'homme selon Locke ? L'homme est celui qui « produit des effets « : il est un « processus de production «. Or, Locke inclut dans ce processus la production des valeurs, plongeant le monde dans le plus total relativisme. Selon quels principes, alors, la société et l'Etat peuvent-ils se fonder ? Locke introduit ici la notion de droit. Comme il ne peut bâtir cette notion sur une reconnaissance de valeurs bonnes, puisque celles-ci sont le produit de l'arbitraire individuel, il la fonde sur une nécessité naturelle et incontestable : celle de survivre. Si l'homme veut survivre, il doit pour cela se nourrir. Or, s'il travaille pour obtenir sa nourriture, il en devient propriétaire car, étant propriétaire de soi, il est propriétaire de son travail donc du fruit de son travail. Voilà fondé le droit de propriété, qui appelle à son tour tous les autres droits. L'homme est donc, selon Locke, celui qui a des droits. Cette proposition permet à l'homme de se connaître, tout en ignorant quelle est sa substance. Elle permet de sortir de l'impasse créée par l'impossibilité de percer le mystère de la substance de l'homme. Pierre Manent en conclut que « toute l'humanité de l'homme est contenue dans ses droits et dans le fait qu'il a des droits. « (p 198) A l'issue de ce chapitre, l'homme reste « caché « puisque son essence est inconnue, mais il peut être défini rigoureusement. A présent, Pierre Manent pose le problème de la liberté. La première partie de l'ouvrage établit les actes humains comme nécessaires. Pourtant, toute la démarche moderne consiste à trouver et affirmer la liberté de l'homme dans le cadre nouveau de l'Etat moderne et de la société. Comment s'explique cette contradiction ? La réponse réside dans la différenciation entre la liberté comme libre arbitre et la liberté comme volonté, séparation qui permet de sortir d'un autre paradoxe. Penser la liberté comme libre arbitre, c'est poser que la nature de l'homme est d'être libre. Or, dans ce cas, l'homme est en quelque sorte soumis par sa nature, donc il n'est pas vraiment libre. A l'inverse, dire que les actes humains sont nécessaires, c'est affirmer qu'il n'y a pas de libre arbitre, donc pas de sujétion de l'homme par sa nature : cette proposition « libère la liberté. « Contrairement à la liberté comme libre arbitre, la liberté comme volonté domine la nature, plutôt qu'elle n'est dominée par elle. Cette nouvelle définition de la liberté amène Pierre Manent à des réflexions d'ordre politique. En effet, la liberté comme volonté marque l'avènement de l'Etat moderne, en tant qu'il n'est que « le cadre et l'effet de l'activité de la volonté. «. Dès lors que l'Etat est conçu comme institutionnalisation de la volonté humaine, il devient nécessairement « satisfaisant « : c'est la force de la démocratie. Néanmoins, l'affirmation de la souveraineté de la volonté comme fondement de la démocratie ne se fait pas sans poser de problèmes. Selon la conception hobbesienne, l'homme est désir de pouvoir. Or, comment garantir que les « ambitions « humaines n'interfèrent pas avec la pratique politique ? La réponse réside dans la séparation entre l'Etat et la société, la sphère publique et la sphère privée. Seule cette séparation permet l'exercice de la démocratie. Parce que la démocratie trouve son fondement dans la souveraineté de la volonté humaine, le citoyen de l'Etat moderne se définit par son refus d'obéir à toute loi qu'il ne s'est pas donnée. En utilisant sa Raison, comme l'explique Kant, l'homme moderne est celui qui se donne sa propre loi. Mais se pose alors la question de savoir dans quel cadre peut avoir lieu l'exercice de la Raison humaine comme source de la loi. En effet, cette nouvelle source de loi ne puise sa justification ni dans la nature, comme dans la cité grecque, ni dans des commandements divins, comme dans la religion chrétienne. La découverte de Kant exige la création d'un troisième lieu, adapté à l'exercice de la souveraineté de l'homme moderne : la cité de l'homme. Ainsi, l'homme moderne est fondamentalement celui qui refuse l'obéissance à une volonté extérieure, et qui se donne sa propre loi en faisant usage de sa liberté comme volonté et de sa raison. Il n'a conscience de lui-même qu'en s'observant à travers les prismes de l'histoire, de la sociologie et de l'économie, n'accédant jamais à un entendement unifié de sa propre expérience. Face à l'impossibilité de découvrir sa substance, il se présente comme celui qui a des droits. L'homme moderne se définit par son rejet de la nature, d'un côté, et des valeurs religieuses, de l'autre. En menant de front ces deux combats contre toute forme d'assujettissement, l'homme moderne se détourne de la cité purement politique des Grecs, et du monde de l'au-delà des religieux : il doit chercher une troisième cité, qui lui soit propre et qui lui corresponde : la cité de l'homme. On peut remarquer que Pierre Manent n'inclut pas de conclusion à son oeuvre. S'il définit longuement dans son introduction l'objet de son étude, le cheminement de sa pensée l'amène plutôt au départ d'une nouvelle réflexion qu'à la réponse aux questionnements de l'introduction. Il invite ainsi le lecteur à poursuivre le mouvement du raisonnement, et sous-entend que le problème de la connaissance de l'homme ne peut prendre fin.

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