PHEDRE (1677) Acte I, scène 3
Publié le 30/01/2011
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INTRODUCTION
Phèdre (1677) dernière tragédie inspirée de l'Antiquité - sommet de sa gloire.
• Thésée, époux de Phèdre et père d'Hyppolyte, absent du royaume. Scène 3 1ère scène ou Phèdre apparaît. Elle veut mourir et sous les questions d'Oenone, sa confidente, elle finit par avouer la source de son mal : l'amour qu'elle voue à Hyppolite (lecture).
• Tirade sous forme de récit lyrique où elle reconstitue les étapes de sa passion, c'est-à-dire la naissance de cet amour monstrueux et les tentatives pour y échapper.
Comment l'expression de l'amour fait apparaître une violence tragique ?
I - Les manifestations de l'amour
manifestations paradoxales qui témoignent du désordre amoureux né du premier regard.
A - Troubles physiques
-> marqués par l'oxymore, signe de la dépossession de soi.
• couleurs du visage qui témoignent de l'intensité de l'amour : succession de couleurs oxymoriques : \" je rougis, je palis \"-> assonance en i ; juxtaposition qui met en relief le passage d'une extrémité à l'autre, et la puissance du regard ; à la fois amour et signe de la honte (la rougeur)
• aveuglement ->vers 275) : l'acte de voir par sa violence même produit la nuit en elle
+ absence de respiration : vers 297 \" Je respirais \" -> oppression de l'amour
• mutisme : vers 275
juxtaposition de manifestations relevant de la perte des sens
vers 276 : manifestation oxymorique : à la fois corps glacé et brûlant - insistance sur le paradoxe par répétition de \" et \"
reprend l'oxymore initiale : rougis -> brûler (feu) = amour
palis -> transir (froid) = effroi
• métaphore de la maladie : \" mon mal \" + \" incurable amour\"
-> Amour qui se manifeste d'emblée par des troubles physiques opposés, ce qui montre la scission de l'être entre sa volonté et l'expression du corps : absence de maîtrise de soi.
B - Troubles moraux
• visibles déjà dans la rougeur du visage
• mais surtout absence de la raison : \" mon âme éperdue \"
= affolée -> absence de contrôle de soi : sujet \" un trouble \"
intensité croissante par \" s'éleva \"
• vers 282 : \" ma raison égarée \" -> tétramètre qui met en relief l'égarement par l'antithèse avec \" cherchais \" -> scission dans l'être
C - Idéalisation d'Hyppolyte
• paradoxe de l' \" ennemi \" qui devient une idole
vers 293 : antithèse ennemi/idolâtre (tétramètre)
• passion qui relève d'une passion religieuse pour Dieu alors même qu'il s'agit d'un amour contre nature (cf Junie, idole pour Néron, idéalisation de Titus par Bérénice)
• champ lexical de la religion qui fait fusionner l'amour pour Hyppolyte aux vœux adressés à Vénus pour y échapper : vers 285-286 : \" J'adorais Hyppolyte \" - vers 288 : \" J'offrais tout à ce Dieu que je n'osais nommer \"
-> idéalisation qui produit aussi une scission dans l'être visible dans la syntaxe : \" que ma bouche implorait …, j'adorais Hyppolyte \": absence d'unité de l'être : opposition \" ma bouche \"/ \" je \".
Amour qui se manifeste par une série de paradoxes, témoignant de son intensité mais surtout aussi du \" désordre subi par Phèdre : son amour la rend étrangère à elle-même
II - La fatalité de l'amour
Amour qui apparaît comme une force qui aliène Phèdre et qui paraît inexorable.
A - Tentatives de fuite
-> échec des diverses tentatives qui paraissent d'autant plus fatales qu'elles sont intenses
• recours à la religion pour contrer le sentiment
- hyperbole dans la peinture de ses actions pieuses : \" vœux assidus \" (v. 279), v. 281 : \" à toute heure entourée \"
+ valeur des pluriels : vœux, victimes, les autels (v. 287 et 284)
+ valeur de l'imparfait ->->aspect de répétition ici.
- multiplication des actions : bâtit un temple, l'orne, s'entoure de victimes, brûle l'encens
• Autre moyen : éviter de le voir
Vers 289 + son influence sur Thésée : persévérance visible par la succession de passé simple : \" J'excitai, j'affectai les chagrins, je pressai son exil \" + idée de durée : \" mes cris éternels \".
-> Multiplie les actions pour contrer son amour dans un récit qui, par ses hyperboles, accroît le sentiment de la fatalité car toutes sont vouées à l'échec.
B - Echecs
• Inutilité de ces tentatives qui résonne douloureusement dans l'exclamation v. 283 par répétition d'adjectif au suffixe négatif : \" in \"
• Chiasme : \" D'un incurable amour remèdes impuissants \" qui mime l'enfermement de Phèdre dans cet amour ( ?)
• Accentué par la reprise vocalique des nasales : \" En vain \" en tête de vers
• Simultanéité de l'action et de l'échec dans les vers 285-286
• Reprise de la lamentation lyrique : échec mis en valeur par la juxtaposition des deux hémistiches évoquant l'action et son inutilité
• + antithèse encore entre l'action et son échec aux vers 289-290 évitaient/retrouvaient
• Imparfait de la fin du passage qui laisse prévoir l'échec renouvelé de cette dernière action.
-> Echec des diverses tentatives qui procède de la fatalité tragique exprimée à travers une lamentation lyrique et une série d'antithèses entre l'action et son inefficacité.
C - Une hérédité fatale
Phèdre met au compte d'une filiation maudite l'échec de son appel à Vénus -> \"Je reconnus Vénus \" + \" d'un sang qu'elle poursuit \" référence à sa mère, Pasiphaë, qui s'unit à un taureau (union monstrueuse que lui évoque son amour incestueux pour le fils de son mari) + référence à Ariane, sa sœur, délaissée par Thésée (amour forcément malheureux).
Sentiment de la fatalité liée traditionnellement au ressentiment divin : rime \" feu redoutables/tourments inévitables \" qui insiste sur la fatalité qui rend toute action pour contrer la volonté divine et la malédiction vaine.
-> Expression tragique de l'amour contre lequel toute tentative d'échapper au sentiment est vouée à l'échec.
CONCLUSION
Tirade où se lit la quintessence de l'amour selon Racine : regard déterminant un coup de foudre, aliénation et dépossession de soi ; ces aspects qu'on retrouve dans Britanicus et dans Iphigénie sont portés ici à un degré de violence extrême en raison de la nature même de cet amour qui, par sa monstruosité, inscrit Phèdre dans une filiation maudite. Cette violence dans la peinture de l'amour laisse ainsi présager le bain de sang qui termine la pièce.
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