1 L'opinion n'est pas nécessairement
génératrice d'erreurs.
« Et nous devons, comme dans les autres
matières, poser devant nous les faits tels qu'ils apparaissent, et après
avoir exploré les problèmes, arriver ainsi à prouver le mieux possible la
vérité de toutes les opinions communes concernant ces affections de l'âme,
ou tout au moins des opinions qui sont les plus répandues et les plus
importantes, car si les objections soulevées sont résolues pour ne laisser
subsister que les opinions communes, notre preuve aura suffisamment rempli
son objet. » ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, VII 1.
2.2 Limitation de la validité de l'opinion à
un domaine d'objets particulier, à savoir le domaine empirique.
« L'opinion ou l'assentiment fondé sur une
connaissance qui n'est suffisante ni subjectivement ni objectivement
peut-être considérée comme un jugement provisionnel dont il n'est pas
facile de se passer. Il faut commencer par l'opinion avant d'admettre et
d'affirmer ; pourvu qu'on se garde de voir dans une opinion plus qu'une
simple opinion.- C'est par l'opinion que nous commençons la plupart du temps
dans toutes nos connaissances. Parfois nous avons un obscur pressentiment de
la vérité ; une chose nous paraît comporter des caractères de la vérité ;-
nous pressentons déjà sa vérité avant de la connaître avec une
certitude déterminée [...] Il n'y a donc jamais que les objets d'une
connaissance empirique qui puissent être choses d'opinions.
L’opinion se rapproche du sentiment, du point de vue, elle peut être commune, c’est-à-dire partagée par une groupe d’individus, ou personnelle exprimant ce que pense singulièrement l’individu. L’opinion est généralement distinguée de la science en tant qu’elle n’est pas certaine mais peut être génératrice de fausseté. L’opinion est une assertion qui, même si elle est convaincante, est insuffisante pour établir la vérité sur quelque chose. Cette insuffisance provient de la subjectivité qu’elle contient et du fait qu’une opinion contraire pourrait être aussi valide qu’elle. En ce sens qu’elle ait un rôle dans le travail de la pensée ou réflexion ne va pas de soi car au regard de son manque de rigueur, le fait qu’elle n’est pas certaine et peut donc être fausse, elle devrait bien plutôt être fuie que suivie. Pour penser, en tant que dans cette activité ce qui est recherché est la vérité et l’objectivité, l’individu doit entrer dans une lutte contre ses préjugés. Cette lutte semble donc exclure toute valorisation de l’opinion, tout intérêt qu’elle pourrait avoir. Loin de servir la pensée l’opinion la fourvoie. Cependant il semble bien que l’individu opine, c’est-à-dire juge les choses autour de lui sans en avoir une connaissance pleine et entière. Dans la mesure où la connaissance des choses n’est pas immédiate l’individu bien souvent parle des choses sans les connaître. Ce discours est appelé opinion. En ce sens l’opinion est utile à la pensée en tant qu’elle est un premier pas vers la connaissance des choses, même si elle reste insuffisante et incertaine. Nous sommes donc face à une contradiction, l’opinion à la fois dessert la pensée, parce qu’elle peut être fausse, et la sert, dans la mesure où elle en constitue les prémices. Trois solutions se présentent à nous : soit la pensée doit s’efforcer d’exclure toutes les opinions. Soit l’opinion est valorisée dans un certain domaine et combattu dans un autre. Soit enfin l’opinion est considérée comme un point de départ de la pensée qui doit être nécessairement dépassé.