Pavese, le Bel Été (extrait).
Publié le 07/05/2013
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Pavese, le Bel Été (extrait). Ce recueil de nouvelles reprend et développe les thèmes chers à l'univers romanesque de Pavese, « l'écrivain désespéré «. En chacun des personnages centraux s'incarne, en effet, la difficulté d'être en accord avec les autres et le monde, sans souffrance et compromission. Qu'ils soient à peine sortis de l'enfance, animés par l'ambition ou la soif de vivre, les héros, malgré les douceurs passagères que leur réserve l'existence, demeurent acculés à leur solitude amère, ce fruit de l'ennui et de l'incompréhension qui, parfois même, mène à la perdition. L'extrait présenté ici est tiré de la nouvelle qui donne son nom au recueil. Le Bel Été de Cesare Pavese (chapitre 7) « Tu me plais, Ginetta, dit Guido après un long silence. Tu comprends, tu me plais parce que tu ne fumes pas. Les filles qui fument ont toutes quelque chose. -- Ici, ça ne sent pas le vernis comme chez les autres peintres «, dit alors Ginia. Guido se leva et commença à mettre sa veste. « C'est la térébenthine. C'est une bonne odeur... « Sans savoir comment, Ginia le vit devant elle et sentit qu'une main lui effleurait la nuque, cependant qu'elle écarquillait les yeux comme une idiote et heurtait la table de la hanche. Rouge comme une pivoine, elle sentit contre elle Guido qui disait : « L'odeur que tu as sous les aisselles est plus agréable que celle de la térébenthine. « Ginia lui donna une bourrade, trouva la porte et s'enfuit. Elle ne s'arrêta que pour prendre le tram. Après le dîner, elle alla au cinéma pour essayer de ne plus penser à cet après-midi. Mais plus elle y pensait, plus elle comprenait qu'elle retournerait là-haut. C'était à cause de cela, qu'elle se désespérait : parce qu'elle savait qu'elle avait fait une chose ridicule qu'une femme de son âge ne devait plus faire. Elle espérait seulement que Guido était fâché contre elle et qu'il n'essaierait plus de l'embrasser. Elle se serait volontiers battue parce que, lorsque Guido lui avait crié quelque chose dans l'escalier, elle n'avait pas écouté pour savoir s'il lui disait de revenir. Toute la soirée, dans l'obscurité du cinéma, elle pensa douloureusement, que, quoi qu'elle décidât maintenant, elle retournerait chez lui. Elle savait que cette envie de le revoir, de lui demander pardon et de lui dire qu'elle avait été idiote, allait lui faire perdre la tête. Le lendemain, Ginia n'alla pas chez Guido, mais elle se lava sous les aisselles et se parfuma toute. Elle se convainquit que ç'avait été sa faute si elle l'avait excité ainsi, mais à certains moments, elle était contente d'avoir eu ce courage parce qu'elle savait maintenant ce qui rend les hommes amoureux. « Ce sont là des choses qu'Amelia sait bien, pensait-elle, mais elle, pour les apprendre, elle a été forcée de se perdre. « Elle trouva Amelia et Rodrigues ensemble, au café. Dès qu'elle entra, elle eut peur qu'ils sachent tout, car Amelia la regarda d'un drôle d'air, mais au bout d'un instant, Ginia, déjà rassurée, faisait semblant d'être fatiguée et ennuyée, pendant que, pensant à la voix de Guido, elle écoutait Rodrigues dire ses habituelles bêtises. À présent, elle comprenait tant de choses : pourquoi Rodrigues, en parlant, se penchait sur Amelia, pourquoi il fermait les yeux comme un chat, pourquoi Amelia s'entendait si bien avec lui. « Elle a des goûts d'homme, pensait-elle. Elle est pire que Guido, Amelia. « Et elle avait envie de rire, comme on rit quand on est seul. Le jour suivant, elle retourna chez Guido. Le matin, à l'atelier, la signora Bice avait dit sèchement que cet après-midi-là elles pouvaient rester chez elles parce que c'était fête. À la maison, elle avait trouvé Severino qui changeait de chemise pour aller à l'adunata. C'était une fête patriotique, dehors, il y avait des drapeaux, et Ginia lui ayant demandé : « Qui sait s'ils vont donner quartier libre aux soldats ? -- Ils feraient mieux de me laisser dormir «, dit Severino. Mais Ginia, joyeuse, n'avait pas attendu qu'Amelia ou Rosa viennent la prendre, et elle s'était enfuie. Ensuite, sous la porte de la maison de Guido, elle avait regretté de ne pas être venue avec Amelia. Elle se dit : « Je vais entrer un instant pour voir Amelia «, et elle monta lentement l'escalier. Elle ne pensait pas vraiment qu'Amelia serait là, car à cette heure-là, elle la savait sous les arcades. Mais arrivée devant la porte, comme elle s'arrêtait pour reprendre son souffle, elle entendit la voix de Rodrigues. Source : Pavese (Cesare), le Bel Été, trad. par Michel Arnaud, Paris, Gallimard, coll. « Folio Bilingue «, 1993. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.
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