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Nouvelle fantastique

Publié le 18/04/2011

Extrait du document

J’avais acheté non loin de Versailles, une vaste propriété. L’entrée se faisait par un portail à demi rouillé et qui grinçait de façon abominable. Il était néanmoins finement ciselé tout comme la grille qui entourait le domaine. « Les herbes avaient fait irruption dans l’allée, à peine reconnaissable tant il y avait longtemps que le râteau ne s’y était pas promené ». Il en était de même pour les arbustes qui croissaient négligemment de part et d’autre de l’allée. Quelques pauvres fleurs tentaient courageusement d’émerger de cet océan de broussailles qui menaçait de les engloutir, tandis que d’autres y avaient renoncé depuis fort longtemps.

Voilà ce que le notaire appelait le jardin.

« Outre toutes les jolies choses que nous venons de décrire », il y avait au bout de l’allée une grande bâtisse en pierres apparentes. La porte d’entrée menaçait de sortir de ses gonds à chaque bourrasque de vent qui faisait trembler la sombre demeure. Les volets pendouillaient lamentablement au-dessus des fenêtres dont certaines avaient des carreaux cassés.

L’aspect délabré de la vieille bâtisse et son jardin abandonné ne parvinrent pas à me dissuader d’acheter le domaine. Car, l’intérieur de la maison était un véritable paradis de meubles anciens recouverts d’une épaisse couche de poussière. Des portraits de d’ancêtres me regardaient gravement tandis que je déambulais à travers des pièces toutes plus immenses et plus belles les unes que les autres. A l’étage, dans l’une des nombreuses chambres à coucher se trouvait une magnifique coiffeuse de marbre blanc. Le miroir qui la surplombait était d’une beauté incomparable avec sa bordure dorée aux multiples arabesques  qui s’enroulaient gracieusement autour de celui-ci créant un décor d’une rare finesse. Contrairement aux autres objets de la maison, le miroir semblait avoir échappé à l’usure du temps. Pas une pellicule de poussière ne maculait la glace qu’aucune rayure ne venait zébrer. Toutes ces merveilles que j’avais découvert m’avaient ébloui et j’avais acheté le vaste domaine malgré la mise en garde du notaire sur le passé de cette mystérieuse demeure. L’ancienne propriétaire avait été retrouvé morte dans sa chambre. Cette mort inexplicable avait suffi pour que la propriété ne trouve pas d’acquéreur jusqu’à ce jour, le fantôme de la jeune femme hantant son ancienne maison selon les dires de certaines personnes du voisinage. La maison était restée en l’état et s’était endormie doucement sous la poussière. Tous ces mystères n’étaient pas parvenus à me faire changer d’avis, et, ravie d’être enfin chez moi, je m’accoutumais rapidement au silence qui régnait dans l’imposante bâtisse. Parmi les nombreuses chambres, j’avais choisi celle où reposait le miroir, la trouvant la plus magnifique de toutes de par cet objet précieux qui l’habitait. Très coquette depuis toujours, il me sembla qu’il conviendrait parfaitement à l’usage que je lui réservais désormais. Chaque matin, je m’y contemplerais, admirant la beauté de mon visage fin et délicat. Quand, pour la première fois, je m’y regardai, je sursautai. Le reflet que me renvoya le miroir, me troubla car la femme qui me scrutait, même si elle suivait mes mouvements, n’était pas moi. Son visage lugubre et pâle comme la mort gardait les vestiges d’une beauté qui avait du faire chavirer de nombreux cœurs d’hommes. Elle avait une longue chevelure brune et de grands yeux saphir. Je me surpris à déceler une vague ressemblance entre nous, mais celle-ci n’était pas flagrante : un petit air crâne reproché maintes et maintes fois par ma mère qui détestait l’arrogance qu’elle croyait parfois voir briller dans mes yeux et que je retrouvais dans ceux de l’inconnue du miroir. Cela me plut et détournant mes yeux de la glace je m’apprêtai à aller me coucher. Je fermai les fenêtres, tirai les rideaux, et m’allongeai sur mon lit. Quelques secondes plus tard, je dormais. Je fis, cette nuit là, un rêve singulier, si toute fois c’était un rêve. Le léger tintement d’un objet en cristal que l’on pose délicatement sur une table en marbre, m’éveilla. Du moins, dans mon rêve, il me sembla que je m’éveillai. La lune perçait les fins rideaux de dentelles blanches et projetait sa lueur blafarde dans la pièce. Des ombres mouvantes semblaient murmurer entre elles et courraient sur le parquet. La pendule sonna un quart. Un furieux cout de vent fit claquer le volet et je tressaillis. Me débarrassant des ms couvertures, je posai mes pieds sur le parquet glacé et frissonnai. Mes yeux commençaient  s’habituer à l’obscurité quand, regardant du côté du miroir, je m’immobilisai. Un femme, me tournant le dos, était assise et peignait ses longs cheveux qui étincelaient dans « la faible pénombre lumineuse de la bougie ». Soudain, elle se leva et sa robe de satin bruissa légèrement. Elle se retourna et son regard croisa le mien. Aussitôt je la reconnus. C’était la mystérieuse dame du miroir qui me ressemblait vaguement.

Je murmurai en tachant de garder mon sang froid :

- Qui êtes-vous ?

Sans répondre, elle vînt s’asseoir négligemment sur la bergère dans la ruelle de mon lit. Je m’y assis et je répétai maladroitement ma question.

- Je suis la duchesse de ***

 Elle avait une voix mélodieuse et chantante qui me mit en confiance. Elle continua :

- Que faites-vous chez moi ? J’habite ici, voyez-vous. Et cette pièce est ma chambre. Vous êtes donc dans mon lit.

Son ton restait courtois même si je distinguai une certaine sécheresse dans sa voix qu’il n’y avait pas auparavant.

Je balbutiais :

- Je…Je viens d’acheter cette maison. On m’avait dit qu’elle était inhabitée depuis longtemps. L’ancienne propriétaire, une jeune femme, étant morte de façon étrange.

Elle éclata d’un rire cynique et je sursautai.

- C’est moi cette jeune femme qui est morte. Vous voyez, là. Elle désignait des marques violacées sur son coup que je n’avais pas vue précédemment.

La surprise m’avait rendu muette. Je ne savais que répondre. Heureusement, la pendule sonna sept coups. Ma visiteuse se leva précipitamment et se dirigea vers le miroir. Le temps que je cligne des yeux ; elle avait disparu.

Malgré l’heure matinale, je n’avais plus sommeil et me levant à mon tour, j’ouvris les rideaux. La fenêtre état ouverte. J’en fus toute étonnée car j’étais persuadée de l’avoir fermée la veille.

J’attendis la nuit avec une impatience mêlée de la crainte d’avoir rêvé ou d’être en train de devenir folle.

La dame du miroir ne se fit pas attendre. Je n’eus même pas le temps de fermer les paupières qu’elle était là. Cette fois-ci, elle fut plus aimable que la veille et nous bavardâmes presque gaiement jusqu’à ce que la pendule donne le signal du départ. Elle revînt chaque nuit me rendre visite et je me surpris à trouver nos discussions passionnantes. Je découvris en Angélique, une compagne charmante que j’admirais pour son élégance et sa beauté. Je ne lui posais aucune question, la laissant babiller à son aise pendant que je l’écoutais. Une nuit, je ne sais pourquoi, elle commença à me conter une histoire horrible, celle de sa mort :

- Comme chaque matin, j’étais assisse à la coiffeuse et je peignais mes longs cheveux. Elle soupira. Peut-être que sans cette fascination que je leur portais, je ne serais pas morte ce jour-là. Ah ! Quel défaut que la coquetterie…

Je l’encourageai à continuer son récit. Elle s’exécuta :

- J’ai soudain vu une ombre dans le miroir. Croyant  que c’était un malfaiteur, je me suis retournée mais il n’y avait personne. Comme hypnotisée, j’ai suivi les mouvements de l’ombre dans la glace. Elle se rapprochait de plus en plus mais je suis restée impassible. Une force mystérieuse semblait me retenir à la place que j’occupais et je ne pouvais pas faire un geste. Je voyais l’ombre qui se découpait nettement derrière moi mais mes yeux restaient fixés sur le miroir. La silhouette a pris mon coup entre ses… Je ne sais si je peux appeler cela des mains, et elle a serré, serré. J’avais envie de hurler, de me débattre mais je ne pouvais rien faire. Seulement regarder dans le miroir mon visage devenir de plus en plus violet de seconde en seconde…

Elle frissonna. Se rappeler ce jour funeste avait du être difficile pour elle. Angélique termina son récit par l’interrogation qu’elle se posait depuis qu’elle était prisonnière du miroir. Avait-elle été tuée par l’ombre, le miroir, ou les deux ?

Au petit matin, elle me laissa perplexe. Je me levai, songeuse, et allai m’asseoir à la coiffeuse devant le miroir que j’avais trouvé si beau le premier jour mais qui maintenant me paraissait dangereux. Je posai mes coudes nus sur le marbre glacé et je frissonnai. Je fixai le miroir, cherchant à remettre de l’ordre dans mes idées. Le reflet d’Angélique me regardait intensément. Elle semblait sonder mon esprit, assistant à la bataille qui s’y déroulait entre la part de moi-même encore raisonnable et celle qui croyait à ce meurtre ahurissant. Comme pour prouver que cette dernière avait raison, je vis une ombre s’approcher. Je me retournai. Il n’y avait personne. Comme hypnotisée, je suivis les mouvements de l’ombre dans la glace. Elle se rapprochait…

 

Le lendemain, tous les journaux du pays portaient pour titre :

Nouvelle mort inexplicable au château de Langbourg !!!

 

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