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Montaigne, Essais (extrait).

Publié le 07/05/2013

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Montaigne, Essais (extrait). Dans cet extrait des Essais, inspiré entre autres de l'Histoire générale des Indes de Lopez de Gomara, Montaigne critique la barbarie des Espagnols durant les conquêtes du Nouveau Monde. Évoquant les massacres, il souligne leur cruauté, condamne leur gratuité (ils ne répondent pas aux nécessités de la guerre) et la vénalité qui les guide (les Espagnols n'ont pas agi pour la foi catholique, mais pour voler un trésor). La critique, indignée et courageuse, rare à l'époque, prend pour cibles des soldats égarés -- justement punis par Dieu ou par les souverains de Castille --, mais épargne encore les décideurs politiques. Essais de Michel de Montaigne (livre troisième, chapitre 6) A une autrefois, ils mirent brusler pour un coup, en mesme feu, quatre cens soixante hommes tous vifs, les quatre cens du commun peuple, les soixante des principaux seigneurs d'une province, prisonniers de guerre simplement. Nous tenons d'eux-mesmes ces narrations, car ils ne les advouent pas seulement, ils s'en ventent et les preschent. Seroit-ce pour tesmoignage de leur justice ou zele envers la religion ? Certes, ce sont voyes trop diverses et ennemies d'une si saincte fin. S'ils se fussent proposés d'estendre nostre foy, ils eussent consideré que ce n'est pas en possession de terres qu'elle s'amplifie, mais en possession d'hommes, et se fussent trop contentez des meurtres que la necessité de la guerre apporte, sans y mesler indifferemment une boucherie, comme sur des bestes sauvages, universelle, autant que le fer et le feu y ont peu attaindre, n'en ayant conservé par leur dessein qu'autant qu'ils en ont voulu faire de miserables esclaves pour l'ouvrage et service de leurs minieres : si que plusieurs des chefs ont esté punis à mort, sur les lieux de leur conqueste, par ordonnance des Rois de Castille, justement offencez de l'horreur de leurs deportemens, et quasi tous desestimez et mal-voulus. Dieu a meritoirement permis que ces grands pillages se soient absorbez par la mer en les transportant, ou par les guerres intestines dequoy ils se sont entremangez entre eux, et la plus part s'enterrerent sur les lieux, sans aucun fruict de leur victoire. Source : Montaigne, Essais, 1588. Microsoft ® Encarta ® 2009. © 1993-2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés.

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