Molière, le Malade imaginaire (extrait).
Publié le 07/05/2013
Extrait du document
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TOINETTE : Ignorant.
ARGAN : De la volaille.
TOINETTE : Ignorant.
ARGAN : Du veau.
TOINETTE : Ignorant.
ARGAN : Des bouillons.
TOINETTE : Ignorant.
ARGAN : Des œufs frais.
TOINETTE : Ignorant.
ARGAN : Et le soir de petits pruneaux pour lâcher le ventre.
TOINETTE : Ignorant.
ARGAN : Et surtout de boire mon vin fort trempé.
TOINETTE : Ignorantus, ignoranta, ignorantum. Il faut boire votre vin pur ; et pour épaissir votre sang qui est trop subtil, il faut manger de bon gros bœuf, de bon gros porc, de bon fromage de Hollande, du gruau et du riz, et des marrons
et des oublies, pour coller et conglutiner.
Votre médecin est une bête.
Je veux vous en envoyer un de ma main, et je viendrai vous voir de temps en temps, tandis que je serai en cette ville.
ARGAN : Vous m’obligez beaucoup.
TOINETTE : Que diantre faites-vous de ce bras-là ?
ARGAN : Comment ?
TOINETTE : Voilà un bras que je me ferais couper tout à l’heure, si j’étais que de vous.
ARGAN : Et pourquoi ?
TOINETTE : Ne voyez-vous pas qu’il tire à soi toute la nourriture, et qu’il empêche ce côté-là de profiter ?
ARGAN : Oui ; mais j’ai besoin de mon bras.
TOINETTE : Vous avez là aussi un œil droit que je me ferais crever, si j’étais en votre place.
ARGAN : Crever un œil ?
TOINETTE : Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt, vous en verrez plus clair de l’œil gauche.
ARGAN : Cela n’est pas pressé.
TOINETTE : Adieu.
Je suis fâché de vous quitter si tôt ; mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui se doit faire pour un homme qui mourut hier.
ARGAN : Pour un homme qui mourut hier ?
TOINETTE : Oui, pour aviser, et voir ce qu’il aurait fallu lui faire pour le guérir.
Jusqu’au revoir.
ARGAN : Vous savez que les malades ne reconduisent point.
BÉRALDE : Voilà un médecin vraiment qui paraît fort habile.
ARGAN : Oui, mais il va un peu bien vite.
BÉRALDE : Tous les grands médecins sont comme cela.
ARGAN : Me couper un bras, et me crever un œil, afin que l’autre se porte mieux ? J'aime bien mieux qu’il ne se porte pas si bien.
La belle opération, de me rendre borgne et manchot !
Source : Molière, le Malade imaginaire, 1673.
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