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Mme Bovary : partie I, chapitre 3

Publié le 21/10/2012

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Madame BOVARY première partie, chapitre 3 Charles se rend à la ferme des Bertaux, chez le père Rouault, père d'Emma. Il arriva un jour vers trois heures; tout le monde était aux champs; il entra dans la cuisine, mais « Il «, c'est Charles Bovary. Le père Rouault est venu lui payer la réparation de sa jambe et lui offrir une dinde. Il en a profité pour l'inviter à la ferme, le voyant déprimé, à tirer quelque lapin dans la garenne, mais surtout à rendre visite à Emma, qui se plaint d'être « oubliée « par Charles. « Vers trois heures «, c'est l'heure la plus chaude, une heure également, où « tout le monde [est] aux champs «, c'est-à-dire où Emma se trouve seule, circonstance propice à une rencontre intéressante. n'aperçut point d'abord Emma; Charles n'aperçoit pas tout de suite Emma, parce qu'il est ébloui par la lumière du dehors, et parce que les auvents étaient fermés. c'est à dire que la pièce est plongée dans la pénombre, mais aussi, parce que Flaubert, en bon réaliste (bien qu'il ne se reconnaisse pas dans cette appellation) veut planter le décor avant d'opérer la rencontrer des deux personnages, un décor qui n'est pas neutre, qui nous évoque le cadre de vie d'Emma, qui vit dans la pénombre de la ferme, qui aspire à se retrouver dans les lumières de la ville (« à Rouen ? « demandera-t-elle pleine d'espoir à Charles au moment où il lui propose de déménager de Tostes. Par les fentes du bois, le soleil allongeait sur les pavés de grandes raies minces, qui se brisaient à l'angle des meubles et tremblaient au plafond. Du réalisme, on a ici l'observation minutieuse des détails importants, ici c'est le parcours de la lumière de l'extérieur à travers la pièce, on pourrait même dire l'intrusion de ce soleil de l'extérieur dans la pièce sombre, et même songer que cette lumière peut-être symbolique de l'entrée de Charles dans la vie d'Emma, une lumière qui tremble, parce que Charles est timide. Des mouches, sur la table, montaient le long des verres qui avaient servi, et bourdonnaient en se noyant au fond, dans le cidre resté. Le réalisme est aussi dans la laideur et le caractère morbide du parcours des mouches le long des verres, leur ascension, et leur mort au fond du verre, sorte de prémonition de la vie, du destin, des destins, peut-être même plus précisément du destin d'Emma. Le cidre, c'est aussi le rappel du cadre géographique, la Normandie pays de pommes et de cidre, pays de grandes fermes riches. Le jour qui descendait par la cheminée, veloutant la suie de la plaque, bleuissait un peu les cendres froides. Ici, si l'on veut prolonger le symbolisme de l'entrée de Charles dans la pièce comme un rayon de jour, il est possible d'interpréter les deux termes « veloutant « et « bleuissant « comme deux douces caresses du jour entrant dans la pièce sombre ou vit Emma. Le jour qui descendait par la cheminée : paradoxalement, cette description de l'entrée de la lumière par la cheminée, et non par les fenêtres comme on pourrait l'attendre, renforce l'impression de pénombre, d'obscurité même. la suie de la plaque : il s'agit de la plaque de fonte qui décore et protège le fond de la cheminée, la suie renforce l'impression de salissure et de noir, les cendres froides : nous donne une nuance gris-blanchâtre, en même temps qu'elle rappellent l'inutilité du chauffage en cette saison chaude, mais en même temps, comme « les verres qui avaient servi «, que nous sommes dans la maison d'un fermier veuf, que la mère est absente de ce foyer, pour veiller au ménage et pour tenir compagnie à sa fille. C'est donc le statut d'orpheline d'Emma qui nous apparaît ici. Ce qui semble présenter l'arrivée de Charles comme un bonheur attendu. Et c'est dans cette nécessité, dans cette évocation d'une probable attente (déjà signalée par le père Rouault), que l'autre veuf (Charles) aperçoit l'orpheline, Emma : Entre la fenêtre et le foyer, Emma cousait; elle n'avait point de fichu, on voyait sur ses épaules nues de petites gouttes de sueur. Emma cousait : elle n'attend pas le prince charmant comme la châtelaine qui brode dans une pièce du château désert, mais l'image est proche et marquée d'une touche d'humour et d'ironie de la part de l'auteur : Emma se rêve en châtelaine, mais Flaubert ramène le lecteur à la réalité : ce n'est qu'une provinciale du XIXème siècle, fille de fermier. elle n'avait point de fichu : commençons par noter que nous somme ici dans le regard de Charles, mais que l'auteur n'est pas loin derrière, pour y ajouter sa touche personnelle. C'est Flaubert regardant Charles regarder Emma, et c'est à présent le lecteur regardant Flaubert regardant Charles regarder Emma. le fichu, c'est le foulard, obligatoire pour les femmes qui pénètrent dans une église, rappel de la faute d'Éve qui a fait commettre le péché originel à Adam, cachant les cheveux, cet infernal instrument de sédiction (voir Baudelaire, la Chevelure, et bien d'autres poèmes des Fleurs du Mal), c'est aussi le foulard des paysannes. C'est nous montrer, qu'Emma ne s'affiche pas comme paysanne, mais également que Charles l'aperçoit dans son intimité, sans foulard, mais aussi sans chapeau, puisqu'on est dans la maison, dans sa maison. C'est déjà évoquer l'émotion sensuelle de Charles, qui ne va cesser de se renforcer au cours de cette rencontre. on voyait sur ses épaules nues de petites gouttes de sueur : à noter ici le « on «, qui ne peut-être que Charles, mais encore aussi l'auteur, et le lecteur, qui sont impliqués dans cette rencontre. Les « épaules nues « renforce la vision déjà sensuelle des cheveux, et les « petites gouttes de sueur «, tout en nous rappelant la chaleur du moment, complètent sinon l'animalité, tout du moins le réalisme physique de l'apparition d'Emma. Selon la mode de la campagne, Cette fois, c'est Flaubert qui nous rappelle le sous-titre du roman : « M?urs de province «, et donc même ici : m?urs de la campagne. elle lui proposa de boire quelque chose. Emma joue ici son rôle d'hôtesse, en l'absence de sa mère, et de son père. On voit aussi nettement qu'elle prend les événements en main et cela dans l'abondance des verbes au passé simple : « proposa, insista, offrit, atteignit, emplit, le porta à sa bouche «. Dans cette torpeur dans début du passage, nous sommes pris soudain dans un vertige d'action et d'émotion. Il refusa, elle insista, et enfin lui offrit, en riant, de prendre un verre de liqueur avec elle. Elle alla donc chercher dans l'armoire une bouteille de curaçao, atteignit deux petits verres, emplit l'un jusqu'au bord, versa à peine dans l'autre, et, après avoir trinqué, le porta à sa bouche. Le retour de l'imparfait nous ramène à l'observation, triple comme je le disais auparavant : le lecteur observant Flaubert observant Charles observant Emma. Comme il était presque vide, elle se renversait pour boire; et, la tête en arrière, les lèvres avancées, le cou tendu, elle riait de ne rien sentir, tandis que le bout de sa langue, passant entre ses dents fines, léchait à petits coups le fond du verre. Cette scène nous fait passer de la sensualité qui précède à quelque chose qui relève à présent dans sa symbolique, d'un réel érotisme et « l'animalité « d'Emma dans cette scène, dans la vision de Charles, nous évoque l'intense émotion de notre médecin timide. Elle se rassit et elle reprit son ouvrage, Cette scène intense s'achève par un moment d'apaisement, qui plonge les deux jeunes gens dans une sorte d'expérimentation du calme et du silence complice de la vie conjugale. elle ne parlait pas, Charles non plus. qui était un bas de coton blanc où elle faisait des reprises; voilà Emma passée du rôle de la châtelaine attendant le prince charmant à celui de la fidèle épouse, économe, faisant des reprises (c'est-à-dire raccommodant les bas, « de coton «, c'est-à-dire d'une matière modeste, qui sied aux paysannes) elle travaillait le front baissé; soumise, modeste, attentive à son ouvrage elle ne parlait pas, Charles non plus. L'air, passant par le dessous de la porte, poussait un peu de poussière sur les dalles; il la regardait se traîner, C'est ici, chez Charles, le retour de la torpeur, mais aussi l'arrivée d'une satisfaction calme, paisible, le regard quittant l'observation d'Emma pour observer un détail anodin, le trajet de la poussière sous la porte qui se traîne lentement comme le temps ralenti dans ce moment de précieux bonheur. et il entendait seulement le battement intérieur de sa tête, marque ici à la fois des effets physiques de la chaleur sur Charles, mais aussi de l'intense émotion de l'instant vécu avec le cri d'une poule, au loin, qui pondait dans les cours. rappel de Flaubert à la réalité triviale de la ferme qui détache le lecteur d'un dangereux sentimentalisme Emma, de temps à autre, se rafraîchissait les joues en y appliquant la paume de ses mains; qu'elle refroidissait après cela sur la pomme de fer des grands chenets. Et pour conclure, retour du regard de Charles sur Emmma qui vit la même chaleur et la même émotion.

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