Mise en scène du monde par l'écriture (Maupassant)
Publié le 08/10/2010
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En bon élève de Flaubert, Maupassant ne traite pas l'écriture comme un simple moyen au service d'une vision du monde, elle constitue la vision du monde, elle invente la réalité dont elle est censée rendre compte. Jean-Louis Cabanès, un spécialiste de l'écrivain, a étudié par exemple comment la technique romanesque de Maupassant figure l'obsession de ses personnages. Il montre que l'intrigue ne se déroule pas simplement de façon linéaire, mais que le récit revient lui-même constamment sur les mêmes thèmes, en reprenant les mêmes images, en jouant sur la répétition. D'où une impression d'enlisement de l'intrigue, la sensation que les personnages, confrontés à leur idée fixe, ne peuvent évoluer et sont condamnés dès le départ.
Si ressasser implique communément répétition, redondance, voire rabâchage, ce verbe a d'abord désigné le fait de passer au sas, au tamis, puis, par extension métaphorique, l'examen obsédant d'une donnée que l'on retourne continuellement dans son esprit. En se fondant sur ces définitions, on n'aurait guère de mal à montrer que la fixation sur les souvenirs obsédants inspire à Jeanne, dans Une vie, ou à Christiane, dans Mont-Oriol, un continuel retour sur soi, concrétisé par l'expansion de longs discours intérieurs. Il n'est pas jusqu'à Georges Duroy, le très extraverti héros de Bel-Ami, qui ne s'abandonne épisodiquement au grand courant des obsessions. Toutefois, dans Pierre et Jean, cette autoanalyse se manifeste avec une force particulière. Le discours ressassant ne se présente plus, comme dans les romans antérieurs, sous la forme de séquences plus ou moins longues. Il constitue, tout au moins jusqu'au chapitre VI, la matière essentielle du récit.
Jean-Louis Cabanès, "Ressassement et progression narrative dans Pierre et Jean", in Maupassant et l'écriture, actes du colloque de Fécamp, 21-22-23 mai 1993, sous la direction de Louis Forestier, Nathan, 1993, p. 187
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