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mise en scene de Marcymota rhinoceros

Publié le 28/06/2013

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rhinoceros
Un parallélépipède posé à même la scène. Des portes-fenêtres s'ouvrent et se ferment sur une place, une terrasse de café, l'air affairé d'une ville. L'objet forme un espace, marque la limite des échoppes, fait vibrer la vie dedans, dehors. Ca et là, les gens se resserrent, s'abandonnent, autour d'une table, sur le seuil d'un bistrot... Soudain, la scène est balayée par un souffle invisible, les chaises volent, les gens roulent comme des quilles. Un rhinocéros vient de passer. La mise en scène signée Emmanuel Demarcy-Mota scelle son originalité par le biais esthétisant d'un décor. Bâtiments contorsionnistes, monstres d'aluminium qui se forment, se déplient. Ils sont les vrais personnages de la pièce, sujets et acteurs à la fois. Incarnations de la peur, figures de l'enfermement. Car le thème de Rhinocéros au-delà d'une culture inégalée de l'absurde, aborde les rivages serrés du conventionnel et de la difficulté d'être soi. Visées, les hordes d'ovidés parés des mêmes toisons de pensée, en route vers un destin commun... triste bout de chemin sur une route sans écart. Le troupeau de rhinos est une déclinaison non équivoque de la marée de moutons. Aussi, Demarcy-Mota a-t-il choisi de refléter cette menace aux murs d'un décor multiforme, multifonction... et castrateur en diable. Le monde de Big brother Dès l'ouverture, les portes coulissantes et les vitres sans teint figurent le règne de "big brother", dressent le portrait d'une société où le secret est à tout le monde et le ragot, citoyen. Là, les personnages évoluent dans l'arène d'un espace livré aux regards malveillants de tous. Sur le ring de la bonne conduite, un personnage fait figure de bouc émissaire, condamné outsider. C'est Béranger l'alcoolique, Béranger toujours en retard au pointage ouvrier, Béranger le rêveur et Béranger l'insolite. L'homme trébuche dans le décor, se prend les pieds dans le fil du protocole, renverse le vélo de Jean son meilleur ami, gagné, lui, au régime de la norme. Deuxième scène, deuxième modulation. La surface du pavé sert de plateau à un bureau d'entreprise. Plans de travail alignés, machines à écrire, chaises droites. Avant qu'un nouveau passage de rhinocéros emporte dans son sillage cette mise en scène parfaitement orchestrée. Là, le plateau se soulève à ses deux extrémités, se referme sur ses occupants comme une mâchoire avide. Ici plus que jamais, la machinerie se mue en un monstre castrateur de liberté, recruteur de consciences, forçant les employés à rejoindre l'espace plan du milieu, le sillon d'une pensée similaire, le flux des rhinocéros qui grandit dans la rue. Avec succès. Ceux-là cèdent les uns après les autres. Seul Béranger résiste. Et du même coup s'isole, retranché entre ses murs. Au-delà, le troupeau de rhinocéros se rapproche, l'enferme dans sa conscience rebelle. Tant qu'il regrette, rêve de céder à son tour, de devenir rhino. Jusqu'à ce sursaut de conscience qui le hisse hors de sa retraite, le tire au sommet de sa tour d'ivoire. Là, il jure de ne jamais céder, s'époumone. "Je ne capitule pas", lance-t-il, véritable défi lancé au décor qui l'entoure. Mais à peine a-t-il lancé les hostilités, qu'il reçoit sa réponse en un écho belliqueux. Alors qu'il allonge le pas, cherchant du pied une marche pour redescendre, un claquement sonore retentit. La marche s'est dérobée, l'isolant à jamais au bord suicidaire de son piédestal. Fin de la pièce. Mauvaise note Ainsi, la mise en scène de Demarcy-Mota se révèle comme l'affirmation d'un règne, celui d'un dieu espace tout-puissant. Il en est de même du son, décisif lui aussi. A l'instar du décor, l'ambiance sonore édifie la peur, fait vrombir le sol au passage des troupeaux, figure les métamorphoses. L'architecture sonore comme visuelle se teinte d'une précision sensuelle étonnante. Comme le bruit du couteau de boucher battant la mesure d'une angoisse palpable aux préludes de la pièce. Dommage qu'il n'en soit pas de même du reste. Car, à trop vouloir régler l'environnement de Rhinocéros, Demarcy-Mota en a oublié l'essentiel, s'est affranchi de son essence même : le jeu. Ainsi, ce Rhinocéros-là nourrit-il l'impression d'acteurs engoncés dans un ballet trop réglé... dont ils ne savent comment se dépêtrer pour laisser filtrer le sens, l'émotion. Ainsi la scène de la métamorphose de Jean tourne-t-elle au plus grotesque. L'acteur s'y roule par terre, s'y tortille comme un ver de terre et sombre au coeur du pathétique. Seul Serge Maggiani, incarnation fantaisiste de Béranger se joue assez bien de la mécanique, s'en inspire pour ouvrir son petit bal personnel, loin des autres. Personnage fidèle à son auteur rebelle, figure parachevée d'un Ionesco auréolé de contrastes, comme il se doit de l'être. Maud Téolle
rhinoceros

« referme sur ses occupants comme une mâchoire avide.

Ici plus que jamais, la machinerie se mue en un monstre castrateur de liberté, recruteur de consciences, forçant les employés à rejoindre l'espace plan du milieu, le sillon d'une pensée similaire, le flux des rhinocéros qui grandit dans la rue.

Avec succès.

Ceux-là cèdent les uns après les autres.

Seul Béranger résiste.

Et du même coup s'isole, retranché entre ses murs. Au-delà, le troupeau de rhinocéros se rapproche, l'enferme dans sa conscience rebelle.

Tant qu'il regrette, rêve de céder à son tour, de devenir rhino.

Jusqu'à ce sursaut de conscience qui le hisse hors de sa retraite, le tire au sommet de sa tour d'ivoire.

Là, il jure de ne jamais céder, s'époumone.

"Je ne capitule pas", lance-t-il, véritable défi lancé au décor qui l'entoure.

Mais à peine a-t-il lancé les hostilités, qu'il reçoit sa réponse en un écho belliqueux.

Alors qu'il allonge le pas, cherchant du pied une marche pour redescendre, un claquement sonore retentit.

La marche s'est dérobée, l'isolant à jamais au bord suicidaire de son piédestal.

Fin de la pièce. Mauvaise note Ainsi, la mise en scène de Demarcy-Mota se révèle comme l'affirmation d'un règne, celui d'un dieu espace tout-puissant.

Il en est de même du son, décisif lui aussi.

A l'instar du décor, l'ambiance sonore édifie la peur, fait vrombir le sol au passage des troupeaux, figure les métamorphoses.

L'architecture sonore comme visuelle se teinte d'une précision sensuelle étonnante.

Comme le bruit du couteau de boucher battant la mesure d'une angoisse palpable aux préludes de la pièce.

Dommage qu'il n'en soit pas de même du reste.

Car, à trop vouloir régler l'environnement de Rhinocéros, Demarcy-Mota en a oublié l'essentiel, s'est affranchi de son essence même : le jeu.

Ainsi, ce Rhinocéros-là nourrit-il l'impression d'acteurs engoncés dans un ballet trop réglé...

dont ils ne savent comment se dépêtrer pour laisser filtrer le sens, l'émotion.

Ainsi la scène de la métamorphose de Jean tourne-t-elle au plus grotesque.

L'acteur s'y roule par terre, s'y tortille comme un ver de terre et sombre au coeur du pathétique.

Seul Serge Maggiani, incarnation fantaisiste de Béranger se joue assez bien de la mécanique, s'en inspire pour ouvrir son petit bal personnel, loin des autres.

Personnage fidèle à son auteur rebelle, figure parachevée d'un Ionesco auréolé de contrastes, comme il se doit de l'être. Maud Téolle. »

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