Michel de PRACONTAL (1955) À propos de Stephen Jay Gould
Publié le 19/10/2016
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Michel de PRACONTAL (1955)
À propos de Stephen Jay Gould
Esprit scientifique et agnostique, [Stephen Jay Gould] ne croit pas à une finalité inscrite dans l'évolution. Tout au long de sa carrière, il s'est opposé aux créationnistes, qui aux États-Unis ont tenté d'imposer le récit de la Genèse comme une théorie concurrente de celle de l'évolution. Mais aussi aux « ultra-darwiniens », qui pensent que les mécanismes de la sélection naturelle et de l'adaptation entraînent nécessairement une tendance au progrès et à l'émergence de formes de plus en plus complexes. Subtil connaisseur de Darwin, Stephen Jay Gould a montré que, si elle explique comment les espèces évoluent, la théorie du grand naturaliste britannique ne suffit pas à rendre compte de la totalité de l'histoire du vivant. Schématiquement, les mécanismes darwiniens permettent de comprendre l'adaptation des organismes : ceux-ci varient spontanément, et les individus qui se trouvent par hasard les mieux adaptés à l'environnement survivent plus fréquemment et ont en moyenne une descendance plus nombreuse. Ainsi, le long cou de la girafe peut s'interpréter comme l'aboutissement d'un processus où, dans une espèce ancestrale, la longueur du cou était un trait variable ; les individus ayant la tête la plus haut placée étant avantagés parce qu'ils pouvaient brouter dans les arbres élevés ont survécu plus nombreux, et la forme que nous connaissons a fini par s'imposer.
Ce schéma classique est cependant insuffisant pour comprendre les grandes bifurcations de l'histoire de la vie : pourquoi, par exemple, les mammifères ont-ils supplanté les dinosaures dans le rôle de la classe animale dominante ? Contrairement au cliché répandu, ce n'est pas parce qu'ils étaient mieux adaptés, ni parce que le diplodocus aurait eu le cerveau si lent qu'il se serait laissé manger la moitié de la queue avant de se rendre compte du problème. Au contraire, les dinosaures étaient parfaitement adaptés à leur monde, et c'est bien pour cela qu'ils le dominaient. « Les mammifères sont apparus à la fin du trias, en même temps que les dinosaures, ou un tout petit peu après, écrit Stephen Jay Gould dans La Vie est belle. Ils passèrent leur première centaine de millions d'années, les deux tiers de la durée totale de leur histoire, en tant que petites créatures vivant dans les coins et les recoins du monde des dinosaures. Leur réussite de 60 millions d'années est venue comme quelque chose de rajouté. »
Malheureusement pour les dinosaures, le plus imprévisible de tous les événements, la chute d'un astéroïde ou d'une comète, a réduit à néant un règne de 100 millions d'années. Mais l'extinction des dinosaures n'est pas une preuve d'incompétence : ils étaient parfaitement adaptés à un monde « normal », sans catastrophe d'origine extraterrestre. Si les mammifères ont bénéficié de la situation - ce qui a ensuite permis l'apparition des humains -, c'est sans doute parce que les petites créatures résistent mieux à une extinction catastrophique. Et si les mammifères du crétacé étaient petits, c'est d'abord parce qu'ils ne pouvaient pas concurrencer avec succès les dinosaures dans les grandes tailles. Ainsi, l'adaptation immédiate peut être sans relation avec le succès à très long terme.
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- Stephen Jay Gouldné en 1941Né à New York, Gould sortit diplômé d'Antioch College en 1963.
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