Méthode explication
Publié le 20/11/2011
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Méthode de l?explication de texte en philosophie
L?épreuve du baccalauréat dure 4 heures. Trois sujets sont proposés au choix : deux dissertations et une explication de texte. Le candidat doit traiter l?un des trois sujets et non pas deux ou trois sujets comme cela se voit parfois.
I-Description et but de l?épreuve
Pour l?explication de texte, le texte proposé pour le baccalauréat est un texte dont la longueur peut aller de 10 à 20 lignes, et est accompagné d?un intitulé, identique quel que soit le texte proposé, expliquant le sens et les attentes de l?épreuve : « Expliquez le texte suivant. La connaissance de la doctrine de l?auteur n?est pas requise. Il faut et il suffit que l?explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question «. Deux choses sont à retenir de cet intitulé.
1) les connaissances
Aucune connaissance spécifique ou détaillée de l?auteur n?est attendue. Le texte que l?on vous donne se suffit à lui-même. Le sens des concepts (les mots importants) du texte peut être trouvé en faisant jouer les concepts les uns par rapport aux autres dans le texte. Cela signifie donc que l?élève peut choisir un texte d?un auteur qu?il ne connaît pas. Cela ne change rien à ce que l?on attend de lui.
Si l?élève dispose d?éléments sur l?auteur du texte qu?il a acquis grâce à son cours, il bénéficie d?un avantage. Mais il faut prendre garde au fait que cet avantage n?est pas si grand. Bien souvent, disposer de connaissances préalables sur un auteur incite l?élève à les plaquer sur le texte, alors que l?on demande d?étudier ce texte-là précisément, et non la pensée de l?auteur en général.
Des connaissances préalables sur l?auteur sont donc à utiliser avec discernement. D?une manière générale, toute connaissance étrangère au texte (qu?elle concerne l?auteur du texte ou un autre auteur dont vous avez besoin) doit donner les apparences d?avoir été tirée du texte même, qui reste l?unique horizon à partir duquel l?explication doit être construite.
2) la notion de « problème «
Le texte vous présente un problème philosophique classique, par exemple le problème du bonheur : « comment l?homme peut-il atteindre le bonheur ? «. Le texte est l?exposé d?une thèse (c?est à dire une affirmation que l?auteur va argumenter) concernant ce problème philosophique (ex : « le bonheur s?obtient par la modération de ses désirs «).
Avant toute chose, il faut donc repérer le problème central à partir duquel le raisonnement va s?organiser, car toutes vos explications devront également s?y rapporter en permanence.
Ce problème général est, comme toute question philosophique, un problème ouvert ; ce qui implique deux choses :
-d?une part, cette question fondamentale renvoie à un débat philosophique. Il existe une pluralité de réponses possibles à cette question. Il est bon qu?à un moment ou à un autre du devoir (soit en introduction, soit dans le développement) le lecteur puisse avoir une idée des grands types de réponses à la question fondamentale.
Exemple : concernant le bonheur, trois types de réponses coexistent :
-soit le bonheur s?obtient en essayant de réaliser ses désirs,
-soit en supprimant ses désirs,
-soit en travaillant à modérer ses désirs par un travail de sélection entre les désirs.
Pour chaque grand type de position, il y a des présupposés, des thèses importantes, des conséquences. Chaque position en général s?oppose aussi implicitement aux autres positions :
Exemple : si l?on affirme que l?on doit satisfaire ses désirs pour être heureux, il va de soi que l?on doit critiquer la position selon laquelle tout désir est à supprimer, en montrant par exemple qu?il est impossible que l?homme ne désire pas.
-d?autre part, à l?intérieur de ce débat philosophique, l?auteur dont on vous propose le texte a pris position. Cerner la spécificité de la thèse de l?auteur à l?intérieur d?une tradition philosophique permettra de mettre en lumière, à l?adresse du lecteur, ce que l?on appelle son « intérêt philosophique «.
Il faut donc avoir en tête deux exigences :
-dégager nettement le problème philosophique dans sa généralité, indépendamment de la réponse de tel ou tel auteur,
-et ensuite, cerner avec précision la spécificité de la réponse que l?auteur a construite. Mais on vous demande bien de donner un éclairage sur CE texte, et non de faire une dissertation ou un commentaire thématique éloigné du texte (sur le bonheur en général par exemple).
Pour aider à comprendre cette notion de problème, il est possible, après avoir lu le texte et au cours du travail de préparation, de se poser à soi-même quelques questions simples :
-quels sont les enjeux du texte ?
-pourquoi l?auteur a-t-il écrit de ce texte ? Où voulait-il en venir ?
-pourquoi et comment l?auteur a-t-il pris position sur cette question ?
3) deux erreurs de méthode
Pour bien tenir ces deux exigences ensemble, on peut rappeler les deux erreurs majeures à proscrire :
-d?abord la paraphrase : répéter le texte avec les mots de l?auteur sans les expliquer, c?est à dire sans dire ce qu?a voulu démontrer l?auteur. La paraphrase n?est pas une démarche questionnante. Elle ne rapporte pas le texte à une question philosophique, un problème qui sous-tend la démarche de tout esprit philosophant. Elle n?explique pas les termes importants du texte.
-ensuite, ne pas commettre l?erreur de faire un devoir trop général, qui s?éloigne du texte pour disserter sur la notion importante du texte au lieu de travailler sur le raisonnement de l?auteur. Il est possible d?utiliser des connaissances extérieures au texte, mais uniquement si le texte les appelle, et jamais pour quitter définitivement le texte.
Le recours à une connaissance ne doit viser qu?à éclairer le texte et non à l?oublier. On ne peut même pas partir d?une idée importante du texte et s?en abstraire pour parler de loin du texte. La règle est bien de coller au maximum au texte.
Ainsi, expliquer, ce n?est pas redire, mais refaire. Il sera lourdement sanctionné que le texte soit transformé en un vague prétexte à réciter ses connaissances qui n?ont qu?un lointain rapport avec le texte. Pour éviter de sortir du texte, il est donc fortement recommandé de faire une explication LINEAIRE du texte, qui suit le déroulement du raisonnement de l?auteur sans modifier l?ordre des arguments.
II-Les règles formelles du devoir : comment présenter son explication ?
1) l?introduction
L?introduction est un moment important du devoir, celui où il faut accrocher le lecteur en lui donnant envie de lire l?explication. Un devoir qui commence d?emblée par une mauvaise introduction donne une mauvaise impression au lecteur. Pour cette raison, l?introduction doit obéir à des règles de construction précises, en trois temps :
a-mise en situation
D?abord, faire une situation générale du texte qui permette d?approcher le problème philosophique du texte :
-par rapport à l?auteur (uniquement si vous disposez sur lui d?informations utiles qui permettent d?éclairer le texte)
-par rapport à une référence littéraire ou historique,
-ou bien par rapport à une référence tirée de l?actualité ou de la vie quotidienne.
Attention : il est rare qu?une mise en situation par la narration de la vie de l?auteur ou la liste de ses publications soit pertinente. Bien que des informations biographiques sur l?auteur soient pertinentes en soi (la philosophie étant un « mode de vie «, la vie d?un philosophe devrait pouvoir montrer la conformité de l?existence et de la pensée), tout élément du devoir doit pouvoir fournir un éclairage direct sur le sens du texte : savoir que l?auteur est né à Brest ou à Trouville n?est d?aucune utilité pour comprendre sa pensée, à moins qu?un détail particulier de sa vie ne soit significatif de son orientation philosophique.
Par exemple le fait que Platon ait décidé de devenir philosophe après la mort de son maître, Socrate, parce qu?il voulait comprendre comment la société athénienne (qui avait inventée une certaine forme de démocratie) avait pu s?égarer jusqu?au point où elle avait condamné le meilleur de ses citoyens à mort, est un fait significatif.
b-problématisation
Ensuite, il faut expliquer les éléments du problème philosophique dont s?occupe l?auteur (en général le cours vous le permet), et formuler ensuite nettement, par rapport à ce problème, la proposition de solution de l?auteur (sa thèse) par laquelle il décide de prendre parti dans ce débat.
Ce deuxième moment est essentiel (rapport : débat général/thèse particulière de l?auteur), car c?est là que l?on fait comprendre pourquoi votre lecteur doit vous lire : si l?on ne montre pas les enjeux du texte, si l?on ne dégage pas l?idée-force du texte qui en polarise les idées, on ne voit pas pourquoi on l?étudierait.
c-plan
Il faut enfin faire le plan du texte, qui est aussi le plan de la copie, puisque l?explication sera linéaire.
Attention au fait qu?un plan est plus difficile à restituer qu?il n?y paraît. Il faut d?abord commencer par repérer les deux ou trois parties du texte, qui correspondent en général aux deux ou trois idées principales du raisonnement de l?auteur. Mais cela ne suffit pas.
Il faut également relier ces deux ou trois idées importantes à la thèse centrale du texte : par rapport à ce que l?auteur veut démontrer, quelle est la valeur de chaque idée importante de la partie ?
Surtout, il ne faut pas simplement juxtaposer ces idées, en les mettant les unes à la suite des autres. Car mettre des idées bout à bout ne fait pas un raisonnement. Il faut également montrer comment on passe d?une idée à l?autre, c?est-à-dire restituer les articulations logiques du raisonnement et sa progression conceptuelle. La première idée importante étant donnée, comme celle-ci va-t-elle rendre possible la seconde ?
Cette exigence vaut pour l?énoncé du plan en introduction, mais vaut aussi pour l?ensemble du devoir, ainsi que pour la dissertation. Une idée doit pouvoir s?expliquer et être reliée à ce qui précède, et introduire à ce qui suit. Ainsi, on ne peut pas dire par exemple à la fin de l?introduction :
Exemple : « dans une premier partie, nous verrons que la satisfaction de tous les désirs ne procure pas le bonheur, puis dans une deuxième partie, nous verrons que l?imagination (le rêve) ne rend pas plus heureux «.
On voit bien le problème central qui est celui du bonheur, ainsi que le contenu de chaque partie.
Mais on ne voit pas le rapport entre la thèse de la première partie (qui porte sur le désir) et celle de la seconde partie (qui porte sur l?imagination). Il manque quelque chose, on sent bien qu?il y a une rupture de continuité dans le raisonnement, parce qu?on ne comprend pas pourquoi tout d?un coup il est question de l?imagination.
Dernière précision concernant le plan : il serait bon, afin d?accroître au maximum la précision de votre introduction pour faciliter la lecture du texte, que le découpage du texte en 2 ou 3 parties soit accompagné des lignes qui délimitent chaque partie.
d-longueur
Malgré la longueur apparente de l?introduction, celle-ci doit être en réalité succincte. L?introduction doit faire au minimum une demi-page et ne doit pas excéder trois quarts de page.
Toute introduction de plus d?une page est proscrite. Une telle longueur signifie que l?élève donne déjà des éléments de réponses aux questions qu?il pose, qu?il commence à expliquer le texte, alors que c?est au développement de construire la solution : l?introduction ne doit être que problématique, c?est à dire qu?elle vise à mettre en évidence ce qui fait problème, et non à la traiter.
2) le développement
Il se compose de trois éléments (des parties, des paragraphes, des transitions).
a-les parties et les paragraphes
A chaque idée générale du texte correspond une partie. A l?intérieur de chaque partie, il faut expliquer un argument (utilisé par l?auteur pour justifier son idée générale) dans chaque paragraphe. Attention toutefois : le nombre de parties et de paragraphes ne peut être illimité, il est compris généralement entre 2 et 4, cela dépend du texte.
Si l?on ne fait qu?une seule partie, c?est que l?on a vu la thèse globale de l?auteur, mais que l?on n?a pas saisi les deux ou trois idées fondamentales par lesquelles il construit la justification de sa thèse. Il faut alors se demander si l?on a suffisamment repéré les articulations importantes du raisonnement de l?auteur.
Mais à l?inverse, si le plan comporte 5 ou 6 parties, ou si une partie comporte 5 ou 6 paragraphes (comme cela est parfois le cas pour certains élèves qui reviennent à la ligne toutes les 2 ou 3 lignes !), le raisonnement est trop éclaté pour être cohérent.
Cette fois-ci c?est l?unité du raisonnement de l?auteur qui est manquée. Les différents arguments sont repérés, mais ils ne sont pas rapportés à une thèse centrale de l?auteur qui les unifie. L?explication ne ressemble plus qu?à un catalogue désordonné, qui ne va nulle part parce qu?il n?est plus vectorisé par la référence convergente à une thèse unifiante.
En général, un texte n?a pas plus de 3 parties, la plupart du temps 2. Et à l?intérieur de chaque partie, on trouve, de même, rarement plus de trois arguments.
b-expliquer les mots importants
Expliquer un texte consiste à le prendre phrase par phrase, sauf si, bien sûr, il est possible de regrouper certaines phrases dont le sens est commun. Il n?y a pas de règles fixes en la matière, il faut adapter son mode d?explication à la spécificité du texte. En tout cas, il ne faut pas chercher à expliquer un texte en prenant en même temps tout un paragraphe : l?angle de vue du texte est trop éloigné, et l?on perd trop de détails.
Chaque phrase a un sens philosophique qu?il s?agit de dégager, puis de rapporter à ce qui a été dit précédemment ou à ce qui est dit à un autre endroit du texte. Dans chaque phrase apparaissent un ou plusieurs mots importants, qui renvoient souvent à des concepts. Trouver le sens d?une phrase, c?est d?abord avoir analysé, notamment au brouillon, le sens de ces concepts.
Un concept (ou n?importe quel mot) a nécessairement plusieurs sens, il suffit d?ouvrir un dictionnaire pour s?apercevoir qu?un mot a toujours 4 ou 5 sens généraux. Il faut donc analyser le concept pour en découvrir le sens le plus commun, puis tirer de cette analyse ou de cette définition, le sens qui s?applique exactement à la phrase du texte (et au contexte) dans laquelle le mot a été employé.
Au brouillon, ou au cours de l?explication, il est ainsi possible de prendre un mot important, de l?analyser, c?est à dire de faire, abstraitement, une liste des propriétés qui le définissent, et de regarder ensuite si ces propriétés ne fournissent pas des pistes d?interprétations de la phrase dans laquelle il est employé.
Exemple : dans le texte de x, je vois le mot ?prisonnier?, je peux alors faire une liste des trois ou quatre éléments qui définissent un prisonnier ou ses conditions de vie (enfermement entre des murs, privation de liberté, délit, etc?), et ensuite regarder si cela ne me permet pas de comprendre ce que x dit du préjugé et des croyances.
Autre exemple : je vois le mot « croyance «, je peux alors définir ce qu?est une croyance. En quoi ?croire? se distinguerait-il de ?savoir? ?, en quoi croit-on généralement ?, etc?.
Attention toutefois : on ne peut définir un concept par un exemple, mais bien en donnant les propriétés essentielles.
Le raisonnement doit ainsi aller de phrase en phrase, il faut tirer progressivement une ficelle après l?autre : poser un élément (« le désir n?est pas un besoin, il n?est pas « nécessaire « comme peut l?être la satisfaction d?un besoin naturel «) et une fois cette analyse de départ donnée, essayer de dérouler l?explication de questions en questions (« mais si le désir n?est pas nécessaire, pourquoi désirons-nous ? A quoi cela sert-il ? Pourrait-on imaginer ne pas désirer, cela nous rendrait-il plus heureux ?... «).
Attention toutefois à ne pas caricaturer cette exigence en formulant votre explication comme une sorte de traduction systématique du type :
« l?auteur utilise le mot : imagination. L?imagination est la faculté de penser à ce qui n?existe pas, l?auteur veut dire que l?homme peut augmenter son désir en pensant à ce qu?il n?a pas. Ensuite l?auteur emploie le mot : réel. Le réel est ce qui existe actuellement sous nos yeux et dont on peut avoir une expérience. L?auteur veut dire que?.. «.
Il faut raisonner comme cela, mais ne pas rédiger de manière aussi mécanique. Le tronçonnage d?une phrase en ses différents mots importants est le début de l?analyse, cela sert à comprendre le texte au brouillon, mais il faut ensuite ressaisir le sens du mot dans la phrase puis le sens de la phrase dans l?argument de l?auteur, voire dans le paragraphe, voire dans le texte.
c-une explication complète
Dans le développement, l?explication du texte doit être exhaustive. Idéalement, tous les éléments importants du texte doivent être, d?une manière ou d?une autre, sinon expliqués, du moins pris en compte. Aucun élément ne doit être délibérément laissé de côté.
Attention également aux exemples : il est courant que l?élève ne les mette pas sur le même plan que les arguments, et les considère comme négligeables, comme des incises anecdotiques et divertissantes, extérieures à l?économie du raisonnement proprement dite.
En réalité, les exemples ont bien souvent une fonction : ils préparent ou font comprendre mieux qu?un concept ne le ferait une idée fondamentale, ils permettent au lecteur d?approcher concrètement ce que le concept peine parfois à saisir à cause de sa généralité et de son abstraction. Les exemples ont leur place dans l?argumentation, ils doivent donc être commentés comme s?ils étaient des arguments.
Il est possible de faire des citations du texte dans le développement (attention, le cas échéant, à bien numéroter les lignes du texte et à les indiquer après l?élément du texte cité). Il est même recommandé de montrer au lecteur que les explications données ne s?appliquent pas à une généralité hors du texte, mais commentent précisément un endroit du texte clairement identifiable d?après la citation.
Attention toutefois à deux choses :
-les citations doivent être courtes. Le correcteur ne doit pas avoir l?impression que l?élève, faute d?inspiration, remplit son paragraphe en recopiant un pan entier du texte.
-les citations, comme les exemples, doivent être expliquées : citer n?est pas analyser. Ce n?est pas parce que l?on indique par une citation que l?auteur a dit telle ou telle chose, que l?on a compris ce qu?il a voulu dire. Si l?on demande de faire une explication de texte, c?est précisément que le texte n?est pas transparent, et qu?il nécessite qu?on le décortique pour en cerner le sens.
Une citation introduit, vérifie ou conclut une analyse, mais ne peut s?y substituer. La citation, comme l?exemple, ne vaut rien sans explications.
d-critiquer ?
Au cours de l?explication, et si le candidat le peut, il est souhaitable que certains arguments de l?auteur puissent être commentés ou discutés. Ce n?est pas toujours requis, l?exercice demandé est d?abord une explication.
Mais le candidat peut faire appel à sa culture philosophique sur la notion pour approfondir le raisonnement de l?auteur, le continuer en montrant que l?on peut ajouter des éléments ou des conséquences que l?auteur n?aurait pas mentionnés.
Il est possible aussi de critiquer l?auteur en montrant que son argumentation contient une faille, qu?elle est partielle, que les conditions dans lesquelles l?auteur a formulé sa question ont changé, ou en relevant les hésitations de sa pensée. Il est toujours possible de trouver un point faible dans un raisonnement, en examinant par exemple ses présupposés (ce que l?auteur suppose pour affirmer cette thèse ou cet argument) ou ses conclusions (telle conclusion du raisonnement est inacceptable, et, en retour, invalide le raisonnement dont elle est tirée).
Attention toutefois à ne pas donner l?impression que le seul travail du candidat a consisté à chercher naïvement la petite bête dans la pensée d?un autre dont le seul défaut serait de ne pas penser comme vous ! Il faut mettre en évidence des problèmes d?argumentation sans chercher à engager une polémique.
Si vous prenez en défaut le raisonnement de l?auteur, votre critique ne peut avoir que la forme rigoureuse d?un autre raisonnement argumenté. Une critique adressée à un auteur doit être une critique philosophique et non une critique personnelle. Le problème n?est pas que vous ayez aimé ou non ce texte.
Une manière plus neutre de montrer que l?on a pris un peu de recul avec un texte consiste à signaler les points sur lesquels l?argumentation de l?auteur reste en suspend parce qu?elle n?est peut être pas satisfaisante.
e-les transitions
Au terme de chaque partie de la copie (sauf la dernière), il faut impérativement faire une transition. Le manque de transition entre les parties compte au nombre des erreurs de méthode sanctionnées. L?absence de transition serait, à peu de choses près, équivalente au manque d?introduction au début d?un devoir.
Comme l?introduction, la transition est déterminante en ce que l?élève donne au lecteur les raisons qui font que l?on doit continuer à poursuivre la lecture du devoir. S?il existe plusieurs parties dans le texte, c?est que l?auteur n?a pu résoudre le problème qu?il s?était posé en une seule fois. Tout raisonnement admet donc une progression qui correspond au nombre d?étapes nécessaires pour construire et formuler sa thèse. Il faut donc montrer régulièrement au lecteur où l?on se situe sur cette trajectoire démonstrative.
Par rapport à la question initiale, il faut signaler deux choses :
-quel chemin a-t-il été parcouru ? qu?avons-nous appris ? que tenons-nous de certain pour la suite ?
-et quel chemin reste-t-il à parcourir ?
Il faut donc récapituler les acquis de la partie qui vient de s?achever, livrer les résultats capitaux qui vont être réutilisés dans la suite du devoir, tirer les conclusions partielles. Mais si le devoir continue, c?est que ces conclusions ne peuvent être définitives : elles ne traitent qu?un aspect du problème, laissant de côté un aspect de la question qui n?a pas encore été traité.
Dans tous les cas, il faut encore une fois bien satisfaire à l?exigence de continuité : le lecteur doit comprendre pour quelles raisons le devoir se poursuit, et ce qui, dans la première partie, va introduire la seconde, et dans la seconde éventuellement la troisième, etc?. Il faut dire en quoi la première réponse n?a pas été satisfaisante et montrer ce qu?il reste à démontrer. La transition doit ainsi se terminer par l?énoncé de l?idée générale de la partie suivante.
3) la conclusion
En « conclusion «, comme cela est indiqué par le terme? il faut conclure ! Cela implique de construire sa conclusion de manière à ce qu?elle se présente comme une réponse « fermée «, et non comme une réponse « ouverte «, peu sûre de soi, qui indiquerait seulement à quel point le raisonnement de l?auteur a été peu compris. L?exigence de conclure exclut donc que la dernière phrase du devoir soit une « ouverture «, comme cela est parfois prescrit dans d?autres matières.
La conclusion doit donc comporter trois éléments :
-un rappel de la question initiale ou du problème philosophique qui a sous-tendu l?écriture du texte,
-ensuite, une récapitulation des éléments importants du raisonnement, des étapes principales de l?argumentation de l?auteur en ayant le souci de les situer à chaque fois par rapport au problème.
-enfin, pour donner une valeur à vos explications, il faut montrer qu?elles ont abouti quelque part. Il faut donc finir la conclusion en formulant une réponse claire et précise, qui permette de cerner la valeur philosophique que vous attribuez au raisonnement de l?auteur. La solution qu?il propose au problème, telle que vous l?avez réexpliquée, se révèle-t-elle pertinente, partielle, incomplète, fausse, datée? ?
Attention, il vaut mieux faire preuve de prudence quant au jugement que l?on porte sur le texte. Il ne faut pas affirmer, de manière péremptoire, que l?auteur se trompe, ou que son raisonnement est idiot. Si j?ai cette impression, suis-je vraiment sûr que cela signale l?indigence de son raisonnement ou n?est-ce pas plutôt une indication sur celle de mon explication ?
III-Consignes diverses
1) le style
Il faut rédiger l?explication selon un style simple, ne pas chercher la belle formule, ou à alourdir son raisonnement de termes compliqués, sauf quand l?idée à expliquer par un terme requiert, en vertu de sa spécificité, qu?un mot du vocabulaire technique de la philosophie soit employé. Le raisonnement doit viser la vérité et non la beauté. Pour simplifier son style, il peut être utile de se rappeler que l?élève ne s?adresse pas à lui-même, mais à un interlocuteur pour lequel il a construit son raisonnement.
Il ne faut donc pas présupposer que votre lecteur en sait autant que vous : si une idée me semble claire, suis-je sûre qu?elle est telle pour un autre esprit que le mien ? L?explication de texte, comme la dissertation, met l?élève dans une situation inédite : d?élève, il doit devenir comme le professeur du professeur et rédiger son propos comme tel (l?inversion des rôles valant aussi pour le professeur qui est en situation de se voir expliqué un texte par quelqu?un qui l?a étudié).
Il n?est jamais difficile de se comprendre lorsque l?on réfléchit intérieurement, mais il est redoutable de se faire comprendre, ce qui suppose d?abord de vouloir construire un discours accessible à autrui.
Cette consigne vaut aussi pour la mise en forme. Il est essentiel pour le lecteur que la structure de la copie soit visible. L?introduction, le développement et la conclusion doivent être séparés par une ou plusieurs lignes : le lecteur ne doit pas se demander si l?on se trouve encore en introduction ou si le développement a commencé.
De même, on commence un paragraphe en revenant à la ligne. Quant à la transition, elle constitue un paragraphe supplémentaire qui se fait en fin de partie.
2) la longueur de la copie
La longueur d?une copie est à l?évidence variable en fonction du texte, mais elle ne peut pas faire moins de 4 pages. La longueur moyenne se situe entre 4 et 6 pages.
Il va de soi que la valeur philosophique de la copie n?est pas indexée sur sa longueur ou sa brièveté, non plus que sur le temps de préparation, quand il s?agit d?un devoir à la maison : ce n?est pas parce que l?on a passé beaucoup de temps sur un devoir qu?il est nécessairement bon. Ce n?est pas le volume du tonneau qui fait la qualité du vin, de même que la sueur ne se transforme pas en or !
3) le brouillon
La question du brouillon est délicate : la rédaction au brouillon de pans entiers du devoir rassure, mais elle fait perdre du temps. Il est fréquent qu?il n?y ait pas de différence entre ce qui a été rédigé au brouillon et ce qui a été rédigé au propre, si ce n?est que l?élève aurait gagné du temps à rédiger tout de suite au propre.
Il est donc conseillé, au brouillon, de tracer un plan détaillé précis, bien construit, des parties et des paragraphes, et de rédiger ensuite assez vite (sans laisser passer 3 heures), en prenant le temps ainsi libéré pour veiller à bien expliquer le texte. Cela peut libérer une demi-heure, voire une heure.
4) « Je «
Il faut proscrire les marques de subjectivité : ne pas dire « je « lorsque le pronom renvoie manifestement à sa propre expérience personnelle, ou : « à mon avis «, « je pense que? «. Le but de l?exercice n?est pas tant de savoir ce que vous pensez du texte mais de savoir ce que l?auteur a dit, et si vous avez été capable de l?expliquer.
Il est possible que le « je « soit utilisé lorsque le lecteur comprend que vous ne désignez qu?un sujet abstrait que l?on met en situation pour une expérience philosophique (« je vois cette table, que se passe-t-il si je ferme les yeux ?? «), et non soi-même en train de se raconter.
Pour éviter toute équivoque, mieux vaut utiliser le « nous «.
5) autocorrection
Pour savoir si l?on a satisfait aux exigences de l?explication de texte, il est possible de se poser des questions d?autocorrection tournant autour de la notion de problème :
-ai-je clairement dégagé le problème central du texte ainsi que ses enjeux ?
-ai-je clairement expliqué le problème, c?est à dire montré comment l?auteur traite la question et par quels arguments ?
-ai-je pu donner quelques éléments de commentaire et de discussion, afin d?approfondir ou de mettre en perspective certains arguments de l?auteur ?
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