ment affecté et aussi de quelle manière spéciale elle a produit en moi l'une de ces impressions, c'est-à-dire si elle m'a, même à un faible degré, blessé, rempli d'angoisse, d'amertume, de tristesse, ou si elle a provoqué les émotions contraires.
Publié le 23/10/2012
Extrait du document
ment affecté et aussi de quelle manière spéciale elle a produit en moi l'une de ces impressions, c'est-à-dire si elle m'a, même à un faible degré, blessé, rempli d'angoisse, d'amertume, de tristesse, ou si elle a provoqué les émotions contraires. Ainsi donc, la chose une fois disparue, ma mémoire n'en a retenu que le contre-coup sur la volonté, et ce souvenir devient souvent le fil conducteur qui nous ramène à la chose elle-même. La vue d'une personne produit parfois sur nous un effet analogue ; nous nous rappelons en effet d'une manière générale avoir eu affaire à elle-même ; en revanche sa vue suffit à provoquer assez exactement en nous l'impression qu'autrefois nous avons emportée de nos relations avec elle ; nous nous souvenons qu'elle a été désagréable ou agréable, et cela dans quelle mesure et de quelle manière. La mémoire n'a donc conservé que l'écho éveillé dans la volonté, mais non ce qui a provoqué cet écho. C'est ce qu'on pourrait appeler la mémoire du coeur, mémoire plus intime que celle de l'esprit. Au fond pourtant ces deux sortes de mémoire ont des rapports si étroits, qu'en y réfléchissant bien on arrivera à reconnaître que la mémoire comme telle a besoin d'être supportée par une volonté ; ce substratum volontaire lui servira de point de départ, ou plutôt ce sera le fil le long duquel viendront s'aligner les souvenirs et qui les reliera fortement, ce sera la base où viendront se fixer les souvenirs et sans laquelle ils n'auraient pas de point d'appui. La mémoire ne se conçoit donc pas aisément dans une intelligence pure, c'est-à-dire dans un être sans volonté, uniquement doué de connaissance. En conséquence, cet accroissement de la mémoire dont nous avons parlé plus haut, et qui se produit sous l'impulsion de la volonté, n'est qu'un degré plus élevé de l'influence qui préside à toute conservation, à tout souvenir, puisque la volonté en est la condition et la base permanente. Ce phénomène, comme les précédents, prouve donc à quel point la volonté nous est plus intime que l'intellect... Notre rage, nos emportements, notre furor brevis à propos de prétextes souvent futiles et sur l'importance desquels nous ne nous trompons guère, ressemblent aux transports désordonnés d'un mauvais démon qui, longtemps emprisonné, n'attendait que l'occasion de recouvrer la liberté et jubile maintenant de l'avoir trouvée. Cet excès dans la colère serait impossible, si le sujet connaissant était à la base de notre être et si la volonté n'était qu'un résultat de la connaissance ; car comment pourrait-il y avoir dans le résultat plus que ne contiennent les éléments qui l'ont produit ? La conclusion ne peut rien contenir de plus que les prémisses. Dans ce fait aussi éclate donc la diversité de nature entre la volonté et la connaissance, celle-là ne se servant de celle-ci qu'à l'effet de communiquer avec le dehors, puis obéissant aux lois de sa propre nature sans emprunter à la connaissance autre chose qu'un prétexte. L'intelle;t, simple instrument de la volonté, en diffère autant que le marteau diffère du forgeron. Une conversation où l'intellect seul a part reste froide. Il semble presque que nous-mêmes n'y soyons pas. Elle ne nous compromet pas non plus, tout au plus risquons-nous de nous y contredire. Mais dès que la volonté entre en jeu, notre personne tout entière se trouve intéressée : nous nous échauffons, quelquefois même au delà de toute mesure. C'est toujours à la volonté que l'on attribue l'ardeur et la flamme ; on dit au contraire la froide raison, ou encore examiner froidement une chose, ce qui signifie penser sans le secours de la volonté. Essayer de renverser les termes de ce rapport et considérer la volonté comme l'instrument de l'intellect, c'est vouloir faire du forgeron l'instrument du marteau. Quand dans une discussion avec un adversaire nous ne croyons avoir affaire qu'à son intellect, que nous lui opposons force raisons et arguments et nous donnons toute la peine imaginable pour le convaincre, rien n'est exaspérant comme de reconnaître, à bout de patience, qu'on avait eu affaire à sa volonté, que cette volonté, se retranchant derrière une prétendue impossibilité pour sa propre raison de voir clair dans les arguments de la nôtre, s'était systématiquement fermée à la vérité et de propos délibéré avait mis en campagne toutes sortes de méprises, de chicanes et de sophismes. Impossible de vaincre une volonté aussi rebelle : et je ne saurais mieux comparer les raisons et les démonstrations dont on veut se faire une arme contre le vouloir qu'aux coups fictifs dirigés contre un corps solide par une image de miroir concave. De là, cette maxime souvent employée : Stat pro ratione voluntas. La vie ordinaire nous fournit de nombreuses preuves de cette résistance opiniâtre de la volonté à ce qui la contrarie. Malheureusement ces preuves ne sont pas rares non plus dans l'histoire des sciences. La vérité la plus importante, la découverte la plus remarquable ne seront guère reconnues par ceux qui ont quelque intérêt à les contester. Ou bien elles contredisent ce qu'ils enseignent journellement eux-mêmes, ou ils sont dépités de ne pas pouvoir les mettre à profit et les enseigner pour leur propre compte, ou, sans aller aussi loin, cherchons simplement la raison de cette attitude dans la devise éternelle des médiocres : « Si quelqu'un excelle parmi nous, qu'il aille exceller ailleurs «, suivant la charmante paraphrase qu'a faite Helvétius du discours des Éphésiens dans le cinquième livre des Tusculanes de Cicéron. L'Abyssinien Fit Arari a dit dans le même sens : « Le diamant est discrédité parmi les quartz. « Attendre de cette troupe toujours nombreuse des médiocrités une juste appréciation de ses travaux, c'est s'exposer à de profondes déceptions ; quelquefois même l'esprit original, ainsi méconnu, demeurera quelque temps sans saisir les raisons de l'opposition de ses adversaires, jusqu'à ce qu'il s'aperçoive un beau jour que, tandis qu'il s'adressait à leur connaissance, il avait affaire en réalité à leur volonté. Il se sera trouvé exactement dans le cas que nous avons décrit plus haut : tel un plaideur qui soutiendrait son procès devant un tribunal dont tous les assesseurs seraient corrompus. Il arrive toutefois que le savant dont nous parlons prenne sur le fait les raisons de la conduite des médiocres, et demeure incontestablement convaincu qu'il avait eu contre lui leur volonté et non leur raison ; c'est dans le cas particulier où l'un d'eux se sera décidé au plagiat. Alors le plagié reconnaîtra avec étonnement combien ses adversaires sont fins connaisseurs, quel tact délicat ils ont pour le mérite d'autrui, et comme ils savent découvrir dans une oeuvre étrangère ce qui s'y trouve de plus exquis : tels les moineaux ne manquent jamais d'apercevoir les cerises les plus mûres. La contre-partie de cette résistance triomphante de la volonté contre la connaissance se produit, lorsque nous avons pour nous la volonté de ceux auxquels nous exposons nos raisons et nos preuves ; tous sont aussitôt convaincus, tous les arguments sont frappants et l'affaire en question
Liens utiles
- grenade (arme) grenade (arme), petit projectile rempli d'une charge explosive ou d'un produit incendiaire, fumigène, éclairant ou chimique.
- Historique de éventuellement, adverbe Étymologie De éventuel et -ment ; du latin classique eventus signifiant 'qui s'est produit', participe passé de evenire, 'se produire'.
- Paul Valéry écrit : «... Mais enfin le temps vient que l'on sait lire, - événe-ment capital -, le troisième événement capital de notre vie. Le premier fut d'apprendre à voir ; le second, d'apprendre à marcher ; le troisième est celui-ci, la lecture, et nous voici en possession du trésor de l'esprit universel. Bientôt, nous sommes captifs de la lecture, enchaînés par la facilité qu'elle nous offre de connaître, d'épouser sans effort quantité de destins extraordinaires, d'éprouver des se
- Voltaire, vers 1740, définissait le roman « la production d'un esprit faible décrivant avec facilité des choses indignes d'être lues par un esprit sérieux ». — Comment expliquez-vous ce jugement sévère? Montrez, par des exemples, de quelle manière le roman a évolué depuis Prévost jusqu'à Balzac, au point de devenir le genre littéraire le plus compréhensif qui embrasse les diverses formes de la pensée et de la vie humaine.
- Que pensez-vous de ce bilan du classicisme français : «La réussite classique fut bien une conquête, l'équilibre classique non le produit d'une sagesse rassise, d'une prudence habile à ménager le pour et le contre, mais l'expression d'un élan, d'une poussée vers l'avant. Ce qui distingue Racine de Corneille, en 1665, c'est sa nouveauté, son modernisme. Ce qui, dans les traités ou les dictionnaires du temps, condamne un mot ou un tour, c'est qu'il est «vieux», et rien ne caractérise mieu