Mémoires d'Hadrien "Construire c'est collaborer avec la terre"- Extrait de Tellus Stabilita.
Publié le 18/04/2011
Extrait du document
Introduction :
Mémoires d'Hadrien est un roman écrit par Marguerite Yourcenar, qui parût en 1951. Cet autobiographie imaginaire se présente sous la forme d'une longue lettre adressée au futur empereur, Marc-Aurèle. Il s'agit d'une méditation du célèbre empereur Hadrien, l'un des douze Césars, successeur de Trajan, au crépuscule de sa vie. L'extrait que nous allons abordés appartient à la Partie Tellus Stabilita que l'on traduit en français par \"La Terre retrouve son équilibre\". Ce passage se situe au début du règne d'Hadrien, après sa réforme du statut d'esclave et sa rupture avec le jeune Lucien. Ici, l'Empereur s'adonne à une méditation philosophique sur l'art de la construction et de la rénovation. On s'interrogera sur le rôle qu'a joué l'influence archaïque et héllénique dans la réforme civile d'Hadrien. Pour cela, nous établierons un plan en trois parties. La première nous offrera une réfléxion sur la ville, véritable oasis en plein désert, puis sur la rénovation, élixir d'immortalité pour Hadrien. Enfin, notre troisième et ultime partie s'articulera autour des inspirations antiques qui ont joué un rôle majeur dans les rénovations. Celles-ci seraient le miroir de l'âme d'Hadrien, un homme que l'on sait lettré et hélléniste.
Problématique : Quel rôle l'influence archaïque et héllénique a-t-elle joué dans la réforme civile de l'Empereur Hadrien?
Partie I :
A-) Une opposition marquée entre la nature et la ville.
La ville romaine, telle que la décrit Hadrien dans ce passage, semble être un véritable havre de paix, un oasis en plein désert \"Dans un monde encore plus qu'à demi-dominé par les bois, le désert, la plaine en friche, c'est un beau spectacle qu'une rue dallée\". Nous avons ici une nette opposition, une séparation entre la nature et l'homme. Et cette séparation semble s'officialiser par l'élévation de villes. L'homme coupe ainsi le cordon omibilicale avec sa mère nature, et entreprend de construire. Ainsi Hadrien construit et préserve le lien qui l'unit à la nature : \"Construire, c'est collaborer avec la terre\" nous indique-t-il au tout début de l'extrait. Mais rien n'égale le confort de la ville romaine, pourtant critiqué pour son uniformité \"nos délicats se plaignent de l'uniformité de nos villes : ils souffrent d'y rencontrer partout la même statue d'empereur, la même conduite d'eau\" ; pour Hadrien, cette uniformité est un atout qui permet au voyageur de se sentir chez soi où qu'il se trouve : \"Mais cette uniformité même, retrouvée sur trois continents, contente le voyageur comme celle d'une bonne milliaire\". Ainsi, au milieu de ce monde désertique, la ville romaine se veut rassurante et familière.
B-) Des édifices représentatifs de la civilisation romaine.
Car il apparaît effectivement que nombre d'édifices se veulent représentatifs de la culture romaine, on notera que le soin que portaient les romains à l'hygiène se retrouve avec la présence de bains et de latrines dans chaque ville \"des bains et des latrines publiques\", la mode romaine figure chez \"le marchand de sandales\", et les auteurs romains se retrouvent au théâtre avec Térence, célèbre pour ses pièces de théâtre, véritables vaudevilles antiques. Cités un peu plus tôt dans l'extrait, nous avons égalements des aqueducs, construction typiquement romaine \"L'aqueduc de Cartage\".
C-) Un soin tout particulier porté à l'érudition.
Mais surtout, cette cité romaine à laquelle Hadrien a apporté des modifications, se veut érudite. En effet, une certaine importance est accordée aux lettres et à l'esthétisme. Hadrien joint l'utile à l'agréable en creusant des ports, à caractère commercial : les ports façonnent les golfes, plus encore ils \"fécondent des golfes\" : telle la mère donnant la vie, la main de l'homme crée la beauté. Sur le plan des lettres, Hadrien entreprend d'édifier des bibliothèques, afin de conserver savoir et grands auteurs; il craint que la vieillesse entraîne l'oubli de ces choses essentielles et tente déjà de palier à cet inconfort : \" Fonder des bibliothèques, c'était encore construire des greniers publics, amasser des réserves contre un hiver de l'esprit qu'à certains signes, malgré moi, je vois venir\". Les greniers étaient dans l'Antiquité des entrepôts dans lesquels l'on entreposait les réserves de nourritures, craignant les rudesses de l'hiver : ici, Hadrien applique le même raisonnement sur la mémoire. Hadrien, craignant l'oubli et d'être lui-même oublié, entreprend une grande entreprise pour s'inscrire dans l'Histoire.
Transition :
L'idée d'éternité est très présente dans l'oeuvre de Marguerite Yourcenar. Plus tôt dans l'ouvrage, nous pouvions remarqué qu'Hadrien accordait une grande importance à Rome et s'inquiétait de son devenir \"Rome, que j'osais le premier qualifier d'éternelle\". Mais son souci d'éternité ne s'arrête pas à la ville mais s'étend à lui-même. Ainsi, il trouvera un élixir d'immortalité dans la construction et la rénovation.
Partie II-) Un élixir d'immortalité.
A-) Construire pour s'inscrire dans l'Histoire.
\"Construire, c'est collaborer avec la terre\" : c'est ainsi que débute notre passage étudié. L'idée de transformer de sa main le paysage naturel est très présente chez Hadrien, qui se grise de pouvoir apporter une marque durable qui lui survivra, à la nature : \"c'est mettre une marque humaine sur un paysage qui en sera modifié à jamais\". La construction modifie la nature même de certains lieux, ce qui semble être un véritable prodige : \" les quelques deux mille stades de voies dallées, munies de citernes et de postes militaires qui unissent Antinoé à la Mer rouge, faisait succécer au désert, l'air de la sécurité à celle du danger\". Ici, l'établissement d'une route a totalement inversé la nature du désert : il était dangeureux, il devient sécurisé. Le pouvoir de l'homme sur la nature semble quasi-divin, c'est pourquoi l'intervention de l'homme, d'Hadrien, l'inscrit dans l'Histoire.
B-) Un manifeste du passé dans le présent.
Plus précisément encore, Hadrien s'inscrit, par la rénovation, sur une ligne temporelle. En effet, il touche au passé et son apport à la cité sera également caressé des siècles plus tard, peut-être par des hommes futurs. Ces faits antérieurs et ces faits encore inacomplis sont à la fois éloignés d'Hadrien, mais ils sont pourtant sous ses yeux, comme le dit lui-même \"nous parlons sans cesse des siècles qui précèdent ou qui suivent le nôtre comme s'ils nous étaient totalement étrangers; j'y touchais pourtant dans mes jeux avec la pierre\". Il touche effectivement au travail des empereurs ou consuls des siècles précédents, et d'autres hommes, empereurs ou autres, modifieront sa tâche, l'amélioreront, ce n'est que lorsque cette chaîne s'interrompt que l'on meurt vraiment : les bâtiments tombent alors en ruine. Hadrien nous explique son ressenti de la rénovation en ces termes : \" ces murs que j'étaies sont encore chaud du contact de corps disparus; de mains qui n'existent pas encore carreseeront ces fûts de colonnes\". Hadrien s'inscrit donc entre le passé et le futur : il joue un rôle de relai.
C-) Hadrien, relai entre le passé et le futur.
Si construire est collaborer avec la terre, reconstruire consiste à collaborer avec le passé. Et ce travail semble davantage convenir à Hadrien, là réside le véritable élixir d'immortalité comme il le fait remarquer : \"j'ai essayé d'ajouter à nos vies ces rallonges presques indestructibles\". Il emploi lui-même le terme de relais \"lui servir de relais vers un plus long avenir\" : le rôle d'Hadrien est donc de s'inscrire sur cette ligne temporelle, dans la lignée des prédécésseurs qui ont construits puis modifiés les monuments auxquels il s'attaque. Il faut savoir qu'Hadrien a renové de nombreux monuments antiques, comme nous l'indique Henriette Levillain dans son commentaire des Mémoires d'Hadrien. Il reconstruisit notamment l'admirable coupole du Panthéon romain d'Agrippa.
Conclusion :
Hadrien fut un empereur à l’ambition démesurée mais conservant une certaine modestie. Telle Marguerite Yourcenar, Hadrien voulut s’inscrire dans le temps par son œuvre, à cela près que l’auteur s’inscrit dans le temps par ses œuvres littéraires et explore le passé en utilisant un personnage antique, et le remaniant. Ainsi, Marguerite Yourcenar entretient son immortalité, à l’instar de son personnage qui le fit des siècles plus tôt.
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