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Max Weber est-il ou n'est-il pas?

Publié le 26/03/2015

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"Le travail […] constitue surtout le but même de la vie, tel que Dieu l'a fixé. Le verset de saint Paul : « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas non plus « vaut pour chacun, et sans restriction. La répugnance au travail est le symptôme d'une absence de la grâce. […]     La richesse elle-même ne libère pas de ces prescriptions. Le possédant, lui non plus, ne doit pas manger sans travailler, car même s'il ne lui est pas nécessaire de travailler pour couvrir ses besoins, le commandement divin n'en subsiste pas moins, et il doit lui obéir au même titre que le pauvre. Car la divine providence a prévu pour chacun sans exception un métier qu'il doit reconnaître et auquel il doit se consacrer. Et ce métier ne constitue pas […] un destin auquel on doit se soumettre et se résigner, mais un commandement que Dieu fait à l'individu de travailler à la gloire divine.     Partant, le bon chrétien doit répondre à cet appel : si Dieu vous désigne tel chemin dans lequel vous puissiez légalement gagner plus que dans tel autre (cela sans dommage pour votre âme ni pour celle d'autrui) et que vous refusiez le plus profitable pour choisir le chemin qui l'est le moins, vous contrecarrez l'une des fins de votre vocation, vous refusez de vous faire l'intendant de Dieu et d'accepter ses dons, et de les employer à son service s'il vient à l'exiger. Pour résumer ce que nous avons dit jusqu'à présent, l'ascétisme protestant, agissant à l'intérieur du monde, s'opposa avec une grande efficacité à la jouissance spontanée des richesse et frein la consommation, notamment celle des objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de débarrasser des inhibitions de l'éthique traditionaliste le désir d'acquérir. Il a rompu les chaînes qui entravaient pareille tendance à acquérir, non seulement en la légalisant, mais aussi […] en la considérant comme directement voulue par Dieu. […]     Plus important encore, l'évaluation religieuse du travail sans relâche, continu, systématique, dans une profession séculière, comme moyen ascétique le plus élevé et à la fois preuve la plus sûre, la plus évidente de régénération et de foi authentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer de l'expansion de cette conception de la vie que nous avons appelée, ici, l'esprit du capitalisme."   "Ce que les personnes rencontrées paraissent le plus déplorer, c'est le sentiment de mal faire leur travail et d'être mises dans des situations où elles n'ont pas les moyens de faire correctement ce qui leur est demandé, doublé de la conviction que ce travail n'a plus aucun sens. On déplore aussi le fait de n'avoir plus aucune visibilité sur le résultat du travail, un travail qu'on ne mène plus à son terme dans la mesure où de nouveaux objectifs, de nouvelles directives viennent sans cesse annuler les précédentes et vider le travail accompli de toute signification. Ainsi, dans une entreprise du secteur sidérurgique, on déplore le fait de n'avoir plus la satisfaction de voir la fin des actions que l'on vient de mener avant de devoir entreprendre autre chose: « Ici, disent-ils, on n'a plus que le travail et on n'a jamais l'œuvre. Or, ce qui constitue le plaisir au travail, c'est quand même le plaisir de l'œuvre accomplie. Mais l'œuvre est escamotée au bénéfice d'un mouvement perpétuel et on est frustré de l'accomplissement final. «   L'œuvre, c'est le produit du travail accompli, celui dont on peut être fier et qui conforte l'identité professionnelle de celui qui l'a fait. La comparaison est faite, dans diverses entreprises, avec l'image du pain que l'on pétrirait, mais qu'on ne verrait jamais sortir du four, fini et bien doré, ou avec celle d'un luthier qui passerait son temps à travailler le bois pour fabriquer un violon, sans que jamais le violon ne parvienne à prendre forme. « En plus, ajoutent certains, le violon, on nous dit de le faire, puis on nous le piétine et en même temps on nous dit qu'il faut en refaire un, et il n'y a plus aucun sens à le faire parce qu'il va être détruit encore une fois et qu'on va nous dire "il y en a des moins chers là-bas !''.« […]   Dépossession du sens de son action, travail de plus en plus virtuel et dématérialisé, qui s'évapore aussitôt accompli sans que l'on sache au nom de quoi et pour qui il l'a été, rupture entre la logique financière qui régit la stratégie de l'entreprise et la logique productive qui structure le travail au quotidien, c'est une problématique qui va bien au-delà de celle de l'urgence et touche à la transformation même de l'économie, de plus en plus immatérielle, et aux reconversions industrielles, restructurations, fusions-acquisitions et autres bouleversements qui traversent la vie des individus, les confrontant au constat douloureux qu'il n'y a plus aucune relation entre le travail bien fait et la reconnaissance qu'on peut en attendre ou la poursuite de l'activité économique. Le phénomène n'est pas nouveau et a traversé toute l'histoire du capitalisme depuis la fin du XIXe siècle, avec la fermeture progressive de pans entiers de l'activité industrielle (les mines, la sidérurgie, l'industrie textile, etc.). Le passage au capitalisme financier l'a simplement accéléré de façon foudroyante, le rendant structurel et non plus conjoncturel et les phénomènes de court-termisme, d'accélération constante, de dictature de l'immédiat et d'urgence généralisée sont à la fois le produit de cette mutation et la condition de son maintien."
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« régénération et de foi authentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer de l'expansion de cette conception de la vie que nous avons appelée, ici, l'esprit du capitalisme."   "Ce que les personnes rencontrées paraissent le plus déplorer, c'est le sentiment de mal faire leur travail et d'être mises dans des situations où elles n'ont pas les moyens de faire correctement ce qui leur est demandé, doublé de la conviction que ce travail n'a plus aucun sens.

On déplore aussi le fait de n'avoir plus aucune visibilité sur le résultat du travail, un travail qu'on ne mène plus à son terme dans la mesure où de nouveaux objectifs, de nouvelles directives viennent sans cesse annuler les précédentes et vider le travail accompli de toute signification.

Ainsi, dans une entreprise du secteur sidérurgique, on déplore le fait de n'avoir plus la satisfaction de voir la fin des actions que l'on vient de mener avant de devoir entreprendre autre chose: « Ici, disent-ils, on n'a plus que le travail et on n'a jamais l'oeuvre.

Or, ce qui constitue le plaisir au travail, c'est quand même le plaisir de l'oeuvre accomplie.

Mais l'oeuvre est escamotée au bénéfice d'un mouvement perpétuel et on est frustré de l'accomplissement final.

»   L'oeuvre, c'est le produit du travail accompli, celui dont on peut être fier et qui conforte l'identité professionnelle de celui qui l'a fait.

La comparaison est faite, dans diverses entreprises, avec l'image du pain que l'on pétrirait, mais qu'on ne verrait jamais sortir du four, fini et bien doré, ou avec celle d'un luthier qui passerait son temps à travailler le bois pour fabriquer un violon, sans que jamais le violon ne parvienne à prendre forme.

« En plus, ajoutent certains, le violon, on nous dit de le faire, puis on nous le piétine et en même temps on nous dit qu'il faut en refaire un, et il n'y a plus aucun sens à le faire parce qu'il va être détruit encore une fois et qu'on va nous dire "il y en a des moins chers là-bas !''.» [...]   Dépossession du sens de son action, travail de plus en plus virtuel et dématérialisé, qui s'évapore aussitôt accompli sans que l'on sache au nom de quoi et pour qui il l'a été, rupture entre la logique financière qui régit la stratégie de l'entreprise et la logique productive qui structure le travail au quotidien, c'est une problématique qui va bien au-delà de celle de l'urgence et touche à la transformation même de l'économie, de plus en plus immatérielle, et aux reconversions industrielles, restructurations, fusions-acquisitions et autres. »

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