Maeterlinck, Pelléas et Mélisande (extrait).
Publié le 07/05/2013
Extrait du document


«
MÉLISANDE Mais non, mais non ; je ne sais rien.
PELLÉAS Tu ne sais pas pourquoi il faut que je m’éloigne ? Tu ne sais pas que c’est parce que… je t’aime.
MÉLISANDE Je t’aime aussi.
PELLÉAS Oh ! Qu’as-tu dit, Mélisande ! Je ne l’ai presque pas entendu.
On a brisé la glace avec des fers rougis ! Tu dis cela d’une voix qui vient du bout du monde ! Je ne t’ai presque pas entendue… Tu m’aimes ? Tu m’aimes aussi ?
Depuis quand m’aimes-tu ?
MÉLISANDE Depuis toujours… depuis que je t’ai vu.
PELLÉAS On dirait que ta voix a passé sur la mer au printemps ! Je ne l’ai jamais entendue jusqu’ici.
On dirait qu’il a plu sur mon cœur.
Tu dis cela si franchement ! Comme un ange qu’on interroge… Je ne puis pas le croire,
Mélisande.
Pourquoi m’aimerais-tu ? Mais pourquoi m’aimes-tu ? Est-ce vrai ce que tu dis ? Tu ne me trompes pas ? Tu ne mens pas un peu pour me faire sourire ?
MÉLISANDE Non, je ne mens pas, je ne mens qu’à ton frère.
PELLÉAS Oh ! Comme tu dis cela ! Ta voix ! Ta voix ! Elle est plus fraîche et plus franche que l’eau ! On dirait de l’eau pure sur mes lèvres… On dirait de l’eau pure sur mes mains… Donne-moi, donne-moi tes mains.
Oh ! tes mains
sont petites !
Je ne savais pas que tu étais si belle ! Je n’avais jamais rien vu d’aussi beau avant toi… J’étais inquiet, je cherchais partout dans la maison… Je cherchais partout dans la campagne, et je ne trouvais pas la beauté… Et maintenant je t’ai
trouvée… je l’ai trouvée… je ne crois pas qu’il y ait sur la terre une femme plus belle ! Où es-tu ? Je ne t’entends plus respirer.
MÉLISANDE C’est que je te regarde.
PELLÉAS Pourquoi me regardes-tu si gravement ? Nous sommes déjà dans l’ombre.
Il fait trop noir sous cet arbre.
Viens dans la lumière.
Nous ne pouvons pas voir combien nous sommes heureux.
Viens, viens ; il nous reste si peu de
temps.
MÉLISANDE Non, non, restons ici… Je suis plus près de toi dans l’obscurité.
PELLÉAS Où sont tes yeux ? Tu ne vas pas me fuir ? Tu ne songes pas à moi en ce moment.
MÉLISANDE Mais si, je ne songe qu’à toi.
PELLÉAS Tu regardais ailleurs.
MÉLISANDE Je te voyais ailleurs.
PELLÉAS Tu es distraite… Qu’as-tu donc ? Tu ne me sembles pas heureuse.
MÉLISANDE Si, si, je suis heureuse, mais je suis triste.
PELLÉAS Quel est ce bruit ? On ferme les portes.
MÉLISANDE Oui, on a fermé les portes.
PELLÉAS Nous ne pouvons plus rentrer ! Entends-tu les verroux ? Écoute, écoute… les grandes chaînes ! Il est trop tard, il est trop tard !
MÉLISANDE Tant mieux ! Tant mieux !
PELLÉAS Tu ? Voilà, voilà… Ce n’est plus nous qui le voulons ! Tout est perdu, tout est sauvé ! Tout est sauvé ce soir ! Viens, viens… mon cœur bat comme un fou jusqu’au fond de ma gorge.
(Il l’enlace.)
Écoute ! Mon cœur est sur le point de m’étrangler… Viens !… Ah, qu’il fait beau dans les ténèbres !.
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