Luc FERRY (1951) La nature ne peut être un sujet de droit
Publié le 19/10/2016
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Luc FERRY (1951)
La nature ne peut être un sujet de droit
Les deux difficultés majeures que rencontre l'écologie profonde dans son projet d'instituer la nature en sujet de droit, capable de jouer le rôle d'un partenaire dans un « contrat naturel », peuvent être encore résumées de la façon suivante : la première, celle qui choque par son évidence, est que la nature n'est pas un agent, un être susceptible d'agir avec la réciprocité qu'on attend d'un alter ego juridique. C'est toujours pour les hommes qu'il y a du droit, pour eux que l'arbre ou la baleine peuvent devenir les objets d'une forme de respect liée à des législations - non l'inverse. Moins évidente est la seconde difficulté : en admettant qu'il soit possible de parler par métaphore de « la nature » comme d'une « partie contractante », encore faudrait-il préciser ce qui, en elle, est censé posséder une valeur intrinsèque. Les fondamentalistes répondent le plus souvent qu'il s'agit de la « biosphère » dans sort ensemble, parce qu'elle donne la vie à tous les êtres qui sont en elle ou, à tout le moins, leur permet de se maintenir dans l'existence. Mais la biosphère donne vie tout autant au virus du sida qu'au bébé phoque, à la peste et au choléra comme à la forêt et au ruisseau. Dira-t-on sérieusement que le VIH est sujet de droit, au même titre que l'homme ?
L'objection ne vise pas à légitimer a contrario l'anthropocentrisme cartésien, seulement à faire ressortir la difficulté qu'il y a à parler du monde objectif en termes de droits subjectifs : comment dépasser l'antinomie du cartésianisme (qui tend à dénier toute valeur intrinsèque aux êtres de nature) et de l'écologie profonde (qui tient la biosphère pour le seul authentique sujet de droit) ? Nul doute que cette question, sous une forme ou sous une autre, occupera le centre des débats écologiques dans les années à venir.
Le Nouvel Ordre écologique, Paris, Grasset, 1992, p. 256-257.
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