Loïc Blondiaux, Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative
Publié le 03/08/2010
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Alors que la légitimité de la représentation politique s’affaiblie de plus en plus du fait d’une perte de confiance simultanée entre peuple et représentants et que ce fossé n’arrive plus à être comblé par les instruments de la communication politique, un « nouvel esprit de la démocratie « émerge : la démocratie participative. Celle-ci s’offre en « alternative politique « afin de revitaliser la démocratie elle-même. Cet ouvrage de Loïc Blondiaux vise à expliquer comment rendre compte de ce phénomène émergeant « aux contours flous et aux effets indécis «. La force d’une notion floue Selon Loïc Blondiaux, les gouvernements représentatifs sont caractérisés par leur méfiance à l’égard du peuple, peuple qui n’existe pas en dehors des périodes électorales amenant à une rupture des idéaux de la démocratie athénienne. Cette participation du peuple ne sera pensée qu’à parti du XXème siècle a travers « la médiation des partis politiques «. Mais même si cette vison du « travail politique « a su s’imposer, l’auteur souligne que celui-ci n’a cessé d’être contestée. Comment expliquer alors cette « résurgence contemporaine et soudaine […] de l’idée de participation « ? Dans les années 1960, la montée des mouvements sociaux urbains remet en cause les décisions prises par le gouvernement, en particulier dans le cadre de projets d’aménagement ou de projets environnementaux, qui, dans les deux cas, ont des répercussions importantes sur le cadre de vie de la population. Ainsi différentes expériences sont tentées en France. D’abord par un mouvement ascendant où l’on voit la participation comme instrument de contestation du système politique initié par les citoyens dans les années 1960 à 1970, puis par un mouvement descendant dans lequel les autorités politiques élues en sont le moteur à partir des années 1990. Ce dernier mouvement soulève diverses critiques quant au caractère strictement consultatif et non commanditaire de ces participations ou encore aux limites qu’opèrent l’orchestration et l’organisation par le pouvoir politique de ces « sollicitations «.Mais ce mouvement est très peu dynamique en France et à plutôt tendance à s’inspirer d’exemples étrangers que d’en impulser. A cette monté de la démocratie participative se joint alors tout naturellement l’émergence d’un groupe de « professionnels de la participation «. Cette forme de démocratie se « donne à voir désormais comme une affaire de spécialistes, intervenants le plus souvent sur commande des pouvoirs publics. «. On introduit aussi l’idée que la participation doit se faire à partir de « normes particulières «. Pour l’auteur, ce « double processus « n’est pas sans conséquences. Cela permet d’offrir une définition de la participation et de la contrôler au nom des savoirs qui sont requis pour la pratiquer. Ainsi, selon Loïc Blondiaux, la force de la démocratie participative tient à son flou, à ses multiples usages. Mais cette force tient aussi « à la force sociales des discours qui accompagnent la diffusion de ces instruments « constituant une réponse à « une ou plusieurs évolutions structurelles de nos sociétés. «. L’auteur soulève alors six hypothèses d’évolutions structurelles pouvant justifier la participation allant de l’hypothèse de « sociétés de plus en plus complexes « en passant par des « société des plus en plus réflexives « jusqu’au fait que nos sociétés seraient devenues « ingouvernables «. Pour lui, les six hypothèses se renforcent mutuellement, et contribuent à souligner l’idée selon laquelle « l’implication politique des citoyens ordinaires s’inscrirait dans la conséquence de mutations sociales profondes. «. Cette bonne audience dont bénéficie la démocratie participative ne semble pourtant pas convenir aux élus. Pour eux, la participation des citoyens ne doit avoir qu’une portée résiduelle, autrement cela remettrait en cause la fonction de ces élus. Il faut alors se demander si la question de la participation ne relève pas d’autre chose que d’une forme de rhétorique ne traduisant aucun véritable engagement politique ou financier. Ainsi, tout indique que les élites politiques s’accrochent à leur pouvoir (faibles moyens matériels engagés par exemple). Tout cela amène alors les citoyens à douter de la démocratie participative ce qui amène l’auteur à révéler un paradoxe : ce mouvement en faveur de la démocratie participative ne fait pas l’objet d’une demande sociale explicite. Ainsi il remarque une faible fréquentation des institutions de la démocratie participative, argument souvent mis en évidence par les élus pour légitimer leur refus de ces instances. Se pose alors la question pour Loïc Blondiaux de savoir si ce sont les conditions d’organisation de la gestion de ces participations qui expliquent l’absence d’intérêt des citoyens. Comment les motiver alors que « tout semble joué à l’avance « ? Il faudrait alors qu’il existe un véritable enjeu à la discutions associé à un dispositif crédible pour motiver les citoyens. Les versions plurielles de l’idéal participatif L’auteur l’a déjà montré par divers exemples dans sa première partie, la démocratie participative fait l’objet d’usages très diversifiés. Mais il semblerait que cet idéal soit source de bien des frustrations le faisant apparaitre comme « un trompe-l’œil habillement modelé «. Cependant, quand bien même il s’agirait d’un leurre, « il vaudrait la peine de comprendre les motifs […] et les effets de diversion « de celui-ci. A ces fins, l’auteur a d’abord choisi de repérer les « tensions dans les écrits des théoriciens qui inspirent cet idéal participatif «, puis comment ces tensions peuvent caractériser la manière dont sont mis en œuvres les outils de la participation pour enfin passer en revue trois types de participations. Les premiers théoriciens de la démocratie participative comme C. Pateman ou B. Barber s’inscrivent dans la filiation philosophique de J.J. Rousseau et J.S. Mill par la critique de la représentation. Ils préconisent la « formation d’un « public actif «, capable de déployer une capacité d’ « enquête « et de rechercher lui-même une solution adaptée à ses problèmes «. Mais l’auteur souligne que ces visions de la démocratie participative s’opposent au fonctionnement « ordinaire « des sociétés de masse, fait que Barber avait déjà souligné. Cependant, Loïc Blondiaux estime important quand dans nos sociétés où l’on favorise « l’apathie politique […] à des fins de conservation de l’ordre «, il faut que le plus grand nombre puisse être touché par la participation, il faut « politiser « les masses, surtout les plus populaires et les plus marginales. Mais depuis une vingtaine d’années une autres formulation de la démocratie participative fait son entrée, le concept de « démocratie délibérative «. L’accent est mis sur « la capacité de la délibération à fonder la légitimité de la décision « et sur « les compétences déployés par les participants à la discussion «. Ce nouveau concept soulève plusieurs exigences telles que des citoyens fondés sur le modèle de l’Homo politicus ou encore l’absence de toutes contraintes internes ou externes portant atteinte aux « chances égales des participants «. Ce qui est visé ici est de « mieux fonder la décision politique « par « un processus d’argumentation rationnelle impliquant des points de vue contradictoires «. Ce concept de démocratie délibérative est aujourd’hui selon l’auteur le modèle d’inspiration majeur dans le monde pour la démocratie participative. Mais ce concept de démocratie délibérative invite, selon Loïc Blondiaux, à s’interroger sur les liens entre participation et recherche de consensus. Pour les théoriciens du concept délibératif comme J. Habermas, le but est bien celui d’un accord qui soit le meilleur et le plus juste. Il en est de même dans la pratique. Ce qui est visé par les metteurs en scène est « la recherche du consensus et la pacification d’un conflit social «. Mais dès lors, celui qui ne respect pas les codes de la bienséance, qui porte les discours les plus revendicatifs sera dévalorisés. A contrario celui qui fonde son discours sur un raisonnement rationnel sera valorisé. C’est pour contrer ces inégalités de fait que des auteures telles que N. Fasers ont « mis en avant l’exigence de réciprocité et d’impartialité «. Cela amène l’auteur à opposer deux visions de la participation des citoyens, l’une où l’institutionnalisation est importante dans la mesure où tout les groupes pourraient participer sans distinction entre eux, l’autre ou importerait avant tout « l’auto-organisation des groupes périphériques «. La démocratie tient donc d’une articulation entre deux formes de démocratie, l’une « sauvage «, « agnostique «, l’autre « apprivoisée «, « représentative classique «, « d’élevage «. Les visions antagonistes que l’on a donnés de la démocratie participative amènent à se poser cette question : la démocratie participative doit elle être vue comme une « technique de gouvernement « ou comme un « instrument d’émancipation politique « ? Pour l’auteur, la réussite future de ce concept de démocratie tient justement dans cette ambivalence entre son statut d’« instrument de dressage et de libération «, elle est un « jeu de dupes volontaires «. Et c’est justement du fait de ce statut d’ «entre-deux « que se font les expériences les plus intéressantes. Pour l’expliciter d’avantage, l’auteur décide alors de l’illustrer par trois exemples d’institutionnalisation de la participation : le modèle du budget participatif, le modèle du débat public et le modèle du jury de citoyen. Le premier est une démarche qui transfert une partie du pouvoir de décision à la population en lui permettant « d’imposer ses directives en matière budgétaire «. Elle fut pour la première fois expérimentée à Porto Alegre lorsqu’en 1988 le Parti des Travailleurs accédât à l’exécutif municipal. L’objectif était la lutte contre la corruption et le clientélisme en prenant appuis sur « une mouvement associatif et communautaire particulièrement actif «. Le but est de « démocratiser la démocratie «, de favoriser une citoyenneté « plus consciente, plus critique et plus exigeante «. Le modèle du débat public prend place dans un processus de préparation « d’un projet ou d’une décision collective « porteur de controverse. La participation est ici « ponctuelle et focalisée « et se place sous diverses appellations (forums, assises, grand débat ...). Ainsi en 1995, la Commission nationale des débats publics (CNDP) voit le jour. Son but est d’organiser la consultation des citoyens en amont des projets, afin qu’ils aient leur mot à dire. Cette commission met en avant trois principes : argumentation, équité et transparence. C’est pour l’auteur une forme « d’enquête préalable à la prise de décision «. Le modèle du jury de citoyen est un « dispositif participatif original « aux dires de l’auteur. Ainsi, parmi les formes de « jury citoyen « les plus intéressants, il faut compter en France la « conférence de citoyens «. Il s’agit de constituer un groupe de personnes jugées « ordinaires « qui sont tirées au sort, de leur former un avis « éclairé « sur une question donnée pour qu’elles puissent ensuite prendre une décision. Se pose alors la question du statut politique de ces citoyens « ordinaires « de même que se pose la question de la légitimité des avis de ces individus. La participation contre la démocratie ? L’inclusion des individus dans les processus de décision politique semble dont être synonyme de démocratisation. Mais n’est-ce pas l’inverse qui se produit ? En effet plusieurs critiques peuvent être faites à cet idéal participatif. Ainsi, la démocratie participative est trop souvent confondue avec « démocratie de proximité «. Se développe alors l’idée que les décisions se doivent d’être prises « au plus près de ceux qu’elles touchent «. Cela exacerbe alors les égoïsmes locaux et sociaux déconnecte les « espaces des problèmes et de la décision «. En effet, de plus en plus les décisions les plus importantes ne sont plus prises au niveau communal mais intercommunal, c'est-à-dire dans des instances de négociation entres élus. De plus, cette « démocratie de proximité « semble aller à contre-courant d’une « plus grande ouverture à la participation citoyenne «. En effet, la multiplication des niveaux de décision opacifie et complexifie les processus. Mais la démocratie participative peut aussi engendrer un renforcement des inégalités politiques. Loïc Blondiaux part ici d’un fait général, « nos démocraties politiques sont […] profondément inégalitaires «. De ce fait on pourrait justement expliquer ce déficit d’égalité par le fait qu’elles ne sont pas assez participatives. En effet, l’auteur montre que dans plusieurs expériences de participation latino-américaine, on a réussi à « réinsérer dans le jeu politique « une partie des habitants des classes populaires. Néanmoins, il souligne que « dans la grande majorité des cas « les expériences de démocratie participative ne font que reproduire les inégalités que ce soit sur le plan de l’origine social ou sur le plan de l’engagement politique. Ce processus participe alors à une « double marginalisation «. L’un des circuits de représentation politique traditionnels, l’autre des dispositifs participatifs. La participation peut aussi amener à la tentation à l’instrumentalisation. La démocratie participative telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui s’apparente plus à « une série d’exercices de communication dans lesquels l’enjeu réel est bien plus de signifier l’intention de faire participer que de faire participer réellement «. On cherche plus à endiguer les risques, à canaliser les individus qu’à les incorporer réellement dans un processus de décision qui remettrait en cause le rôle même des élus. Sont utilisés alors différents moyens afin d’instrumentaliser la participation comme la maîtrise par divers moyens de la discussion, l’utilisation de citoyens triés sur le volet ou l’instrumentalisation des animateurs des débats. Enfin et comme dernière limite de la participation, celle-ci peut se concrétiser en une absence d’influence sur les décisions prises. Ainsi, « la démocratie participative est toujours conçue aujourd’hui comme un complément de la démocratie représentative, jamais comme un substitut possible «. En effet, celle-ci semble n’avoir aucune influence sur les décisions. Un transfère de souveraineté pose le problème de la responsabilité politique alors que rien ne fixe de manière claire aujourd’hui la réponse à cette question : devant qui serait responsables ces individus qui participent au processus participatif ? Cela affirme alors la nécessité qu’aujourd’hui, il est « nécessaire que les représentants élus […] gardent le dernier mot «. La démocratie participative apparait donc comme un « trompe-l’œil «. Les raisons d’espérer Mais pour Loïc Blondiaux, quand bien même le projet de démocratie participative rencontrerait de multiples difficultés, cela n’empêche pas qu’il y a des raisons d’espérer. Il convient donc de s’intéresser à ces raisons. Ainsi, la démocratie n’est nullement « étouffée par le consensus « au moyens d’une démocratie participative qui n’empêche ni le conflit ni la divergence des volontés. Les citoyens disposent de trois stratégies pour faire face à la participation : « la défection (exit), la prise de parole (voice) ou l’adhésion (loyality) «. La première s’affiche alors comme menace permanente envers les organisateurs, en condamnant et en sanctionnant les institutions; elle est la force principale des citoyens. Mais d’autres stratégies peuvent aussi être employées comme « la contestation ouverte aux règles du jeu « autrement nommée « débat sur la débat «. De plus, « toutes les formes d’expertises sont aujourd’hui misent à l’épreuve […] la contestation des experts y est la norme «. En effet, les experts sont aujourd’hui facilement remis en question ; on leur demande de s’expliquer, de justifier leurs propos. De plus en plus ils sont soupçonnés de servir des intérêts politiques ou économiques. A coté de ça, l’on peut observer la capacité de remettre en cause les arguments, de « contre-expertiser « est croissante dans la population. L’argument d’autorité devient impossible. A ces capacité croissantes des citoyens à contrer et à argumenter contre les experts, il faut reconnaitre la capacité des citoyens à pouvoir discuter, à utiliser leurs propres compétences au service du collectif. « L’argument d’incompétence « ne saurait plus être apposé aux citoyens d’aujourd’hui. Ainsi pour l’auteur « il n’existe pas de question complexe a priori au point de devoir être réservée à des spécialistes, dès lors qu’il s’agit d’en juger politiquement «, l’aptitude de juger politiquement est « universelle « en démocratie. La participation peut aussi contribuer à renforcer l’efficacité de l’action publique selon l’auteur. En effet, elle permet de déléguer aux citoyens, d’améliorer la gestion des infrastructures, d’ouvrir le champ de perspectives quand aux besoins des citoyens ou encore de favoriser l’intégration. Cela permet alors de « contribuer en retour à la légitimation des services publics auprès des citoyens concernés, à un moment où leur existence même peut être contestée. «. Pour finir, la démocratie participative, qu’importe le degré auquel elle est réalisée, induit toujours des changements qui s’opèrent pour Loïc Blondiaux dans quatre directions : - Sur « l’attitude et les comportements des autorités politiques face à la critique «, c'est-à-dire que les autorités doivent « jouer le jeu « de la participation, elles ne peuvent plus « revendiquer le monopole de l’autorité symbolique légitime «. - Sur « l’identité des acteurs susceptibles de participer à la discussion des choix collectifs en démocratie «, c'est-à-dire que l’ensemble des citoyens peut légitimement participer au processus de décision. De plus, les dirigeants et organisateurs ne peuvent plus se permettre d’ignorer les compétences des individus qui interviennent et doivent s’efforcer de les prendre en compte. La participation remodèle ainsi « le contenu de la relation politique «. - Sur « la nature et la qualité du débat public en démocratie «. En effet, l’objectif des dispositifs mis en place par la participation comme l’information des citoyens sur une question donnée a pour but de former un point de vue public qui soit éclairé et d’une « autre nature politique que celle que construisent aujourd’hui les medias de masse et les sondages «. Le but est ici que le jugement soit donné après une délibération « large et approfondie «. - Sur « une nouvelle approche de la décision publique et de l’exercice du pouvoir en démocratie «. La participation commande en effet que « chaque décision fasse l’objet d’une discussion préalable «. Le pouvoir décisionnel n’est certes pas entre les mains du peuple mais ceux-ci doivent être consultés par leurs représentants lorsqu’il s’agit de faire un choix. Les citoyens ne sont ainsi plus considérés comme des « enfants « mais comme des « sujets politiques capables de raisonner et de produire des jugements dignes d’êtres pris en compte «. Conclusion
En conclusion Loïc Blondiaux nous propose de voir, au moyen de « six brèves recommandations «, les conditions pour démocratiser la représentation par la participation. Il s’agit ainsi de « prendre au sérieux les formes matérielles de la discussion «, d’ « encourager l’émergence de pouvoirs neutres « afin de légitimer ce « nouvel esprit de la démocratie «. Mais il faut aussi « promouvoir une constitution démocratique mixte « car la participation des citoyens doit revêtir plusieurs formes au travers d’un « pouvoir informel de critique d’évaluation, de contestation «. De la même manière, l’auteur souligne qu’il faut « jouer sur la complémentarité des dispositifs « qui sont, nous l’avons montré, pluriels et complémentaires. Enfin il faut « repenser la relation à la décision « et « réaffirmer sans cesse l’idéal d’inclusion « sans quoi la démocratie participative n’aurait de sens.
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déployés par les participants à la discussion ».
Ce nouveau concept soulève plusieurs exigences telles que descitoyens fondés sur le modèle de l'Homo politicus ou encore l'absence de toutes contraintes internes ou externesportant atteinte aux « chances égales des participants ».
Ce qui est visé ici est de « mieux fonder la décisionpolitique » par « un processus d'argumentation rationnelle impliquant des points de vue contradictoires ».
Ceconcept de démocratie délibérative est aujourd'hui selon l'auteur le modèle d'inspiration majeur dans le monde pourla démocratie participative.
Mais ce concept de démocratie délibérative invite, selon Loïc Blondiaux, à s'interrogersur les liens entre participation et recherche de consensus.
Pour les théoriciens du concept délibératif comme J.Habermas, le but est bien celui d'un accord qui soit le meilleur et le plus juste.
Il en est de même dans la pratique.Ce qui est visé par les metteurs en scène est « la recherche du consensus et la pacification d'un conflit social ».Mais dès lors, celui qui ne respect pas les codes de la bienséance, qui porte les discours les plus revendicatifs seradévalorisés.
A contrario celui qui fonde son discours sur un raisonnement rationnel sera valorisé.
C'est pour contrerces inégalités de fait que des auteures telles que N.
Fasers ont « mis en avant l'exigence de réciprocité etd'impartialité ».
Cela amène l'auteur à opposer deux visions de la participation des citoyens, l'une oùl'institutionnalisation est importante dans la mesure où tout les groupes pourraient participer sans distinction entreeux, l'autre ou importerait avant tout « l'auto-organisation des groupes périphériques ».
La démocratie tient doncd'une articulation entre deux formes de démocratie, l'une « sauvage », « agnostique », l'autre « apprivoisée », «représentative classique », « d'élevage ».
Les visions antagonistes que l'on a donnés de la démocratie participativeamènent à se poser cette question : la démocratie participative doit elle être vue comme une « technique degouvernement » ou comme un « instrument d'émancipation politique » ? Pour l'auteur, la réussite future de ceconcept de démocratie tient justement dans cette ambivalence entre son statut d'« instrument de dressage et delibération », elle est un « jeu de dupes volontaires ».
Et c'est justement du fait de ce statut d' «entre-deux » quese font les expériences les plus intéressantes.
Pour l'expliciter d'avantage, l'auteur décide alors de l'illustrer par troisexemples d'institutionnalisation de la participation : le modèle du budget participatif, le modèle du débat public et lemodèle du jury de citoyen.
Le premier est une démarche qui transfert une partie du pouvoir de décision à lapopulation en lui permettant « d'imposer ses directives en matière budgétaire ».
Elle fut pour la première foisexpérimentée à Porto Alegre lorsqu'en 1988 le Parti des Travailleurs accédât à l'exécutif municipal.
L'objectif était lalutte contre la corruption et le clientélisme en prenant appuis sur « une mouvement associatif et communautaireparticulièrement actif ».
Le but est de « démocratiser la démocratie », de favoriser une citoyenneté « plusconsciente, plus critique et plus exigeante ».
Le modèle du débat public prend place dans un processus depréparation « d'un projet ou d'une décision collective » porteur de controverse.
La participation est ici « ponctuelleet focalisée » et se place sous diverses appellations (forums, assises, grand débat ...).
Ainsi en 1995, la Commissionnationale des débats publics (CNDP) voit le jour.
Son but est d'organiser la consultation des citoyens en amont desprojets, afin qu'ils aient leur mot à dire.
Cette commission met en avant trois principes : argumentation, équité ettransparence.
C'est pour l'auteur une forme « d'enquête préalable à la prise de décision ».
Le modèle du jury decitoyen est un « dispositif participatif original » aux dires de l'auteur.
Ainsi, parmi les formes de « jury citoyen » lesplus intéressants, il faut compter en France la « conférence de citoyens ».
Il s'agit de constituer un groupe depersonnes jugées « ordinaires » qui sont tirées au sort, de leur former un avis « éclairé » sur une question donnéepour qu'elles puissent ensuite prendre une décision.
Se pose alors la question du statut politique de ces citoyens «ordinaires » de même que se pose la question de la légitimité des avis de ces individus.
La participation contre la démocratie ?
L'inclusion des individus dans les processus de décision politique semble dont être synonyme de démocratisation.Mais n'est-ce pas l'inverse qui se produit ? En effet plusieurs critiques peuvent être faites à cet idéal participatif.Ainsi, la démocratie participative est trop souvent confondue avec « démocratie de proximité ».
Se développe alorsl'idée que les décisions se doivent d'être prises « au plus près de ceux qu'elles touchent ».
Cela exacerbe alors leségoïsmes locaux et sociaux déconnecte les « espaces des problèmes et de la décision ».
En effet, de plus en plusles décisions les plus importantes ne sont plus prises au niveau communal mais intercommunal, c'est-à-dire dans desinstances de négociation entres élus.
De plus, cette « démocratie de proximité » semble aller à contre-courantd'une « plus grande ouverture à la participation citoyenne ».
En effet, la multiplication des niveaux de décisionopacifie et complexifie les processus.
Mais la démocratie participative peut aussi engendrer un renforcement desinégalités politiques.
Loïc Blondiaux part ici d'un fait général, « nos démocraties politiques sont […] profondémentinégalitaires ».
De ce fait on pourrait justement expliquer ce déficit d'égalité par le fait qu'elles ne sont pas assezparticipatives.
En effet, l'auteur montre que dans plusieurs expériences de participation latino-américaine, on aréussi à « réinsérer dans le jeu politique » une partie des habitants des classes populaires.
Néanmoins, il souligneque « dans la grande majorité des cas » les expériences de démocratie participative ne font que reproduire lesinégalités que ce soit sur le plan de l'origine social ou sur le plan de l'engagement politique.
Ce processus participealors à une « double marginalisation ».
L'un des circuits de représentation politique traditionnels, l'autre desdispositifs participatifs.
La participation peut aussi amener à la tentation à l'instrumentalisation.
La démocratieparticipative telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui s'apparente plus à « une série d'exercices de communication danslesquels l'enjeu réel est bien plus de signifier l'intention de faire participer que de faire participer réellement ».
Oncherche plus à endiguer les risques, à canaliser les individus qu'à les incorporer réellement dans un processus dedécision qui remettrait en cause le rôle même des élus.
Sont utilisés alors différents moyens afin d'instrumentaliser laparticipation comme la maîtrise par divers moyens de la discussion, l'utilisation de citoyens triés sur le volet oul'instrumentalisation des animateurs des débats.
Enfin et comme dernière limite de la participation, celle-ci peut seconcrétiser en une absence d'influence sur les décisions prises.
Ainsi, « la démocratie participative est toujoursconçue aujourd'hui comme un complément de la démocratie représentative, jamais comme un substitut possible ».En effet, celle-ci semble n'avoir aucune influence sur les décisions.
Un transfère de souveraineté pose le problèmede la responsabilité politique alors que rien ne fixe de manière claire aujourd'hui la réponse à cette question : devant.
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