Devoir de Philosophie

L'oeuvre d'art la perception

Publié le 09/02/2016

Extrait du document

perception
Philo Les œuvres d’art éduquent-elles notre perception ? -La perception s’éduque-t-elle ? Apprendre à percevoir ? On croit que non pour de mauvaises raisons : Tout le monde est capable de perception mais on peut apprendre à mieux percevoir Perception est une qualité Perception : pas une faculté nouvelle mais une faculté qu’il faut perfectionner, faculté naturelle. Pertinence : l’éducation peut se faire sur la perception mais cela est-il dû aux œuvres d’art ? Cependant, cette éducation provient d’autre chose que des œuvre d’art : voir dans un microscope, apercevoir un symptôme pathologique (le médecin), un panneau routier, un signe écrit, un mot prononcé, à saisir les nuances d’un parfum ou d’un goût -> pas une éducation par l’art. -> déborde dur sujet -> cerner le sujet ! L’œuvre d’art contribue-elle à cette éducation ? L’art est une représentation du réel ? Porteur d’une vérité ou source d’illusion ? -> Plus large que le sujet Question de l’instruction théorique ou intellectuelle que peux apporter l’œuvre d’art, de la connaissance générale. Fables de La Fontaine supposées dire des vérités générales, les « morales » qui sont plus immorales que morales, pas question de la perception ici. L’œuvre d’art illusionne et trompe -> Platon défends cela au livre X de la République, il critique le fait qu’Homère soit éducateur de la Grèce (tous les enfants grecs apprenaient à lire et s’instruisaient avec L’Iliade et l’Odyssée) L’œuvre d’art éduque-t-elle moralement ? Elève-t-elle nos sentiments moraux ou déprave-t-elle ? Rousseau ne voulait pas qu’on ouvre de théâtre à Genève. -> Pas le sujet, notre sujet est à l’intersection des deux problématiques. Les œuvres d’art et non l’art donc pas la création artistique, suppose l’œuvre d’art déjà faite. Le « nous » du sujet désigne ceux qui ont accès aux œuvres d’art. L’œuvre d’art éduque notre perception (thèse) : La perception est un acte de connaissance ou participant à la connaissance. Mieux percevoir serait mieux connaître par la perception, l’œuvre d’art le peut si elle permet de mieux voir des aspects du monde que la perception ordinaire ne permettrait pas. Mieux percevoir la beauté du monde par l’œuvre d’art qui a souvent un intérêt esthétique, éduque notre goût. La perception a une fonction pratique : utile à l’action, elle guide l’action -> mieux percevoir serait mieux tenir de la perception des directives, indications pour agir. Pas accompagnée de conscience -> savoir uniquement pratique. 1er Intertitre : La perception comme connaissance -> dans quelles mesures et dans quels sens ? La connaissance ne se limite pas à la perception, une connaissance uniquement perceptive serait imparfaite. Aristote -> la perception n’est pas une connaissance scientifique (même s’il reconnaît dans d’autres textes qu’elle est une connaissance) car la science est un savoir universel (ou général). « Il n’y a de science que du général » -> de ce qui existe toujours et partout. Or, la perception a un objet singulier : lorsqu’on perçoit un objet singulier, on perçoit une qualité. Malgré cela, cet universel reste perçut dans un moment singulier. Aristote envisage aussi que nous pourrions percevoir que le triangle a des angles égaux à 2 droits -> même en le percevant, pas une connaissance scientifique car il manque la démonstration or, c’est la démonstration qui fait la science. Ce qui manque à la perception scientifique c’est qu’elle ne donne pas la raison du pourquoi. Le fait oti et le pourquoi dioti. -> perception est une connaissance mais celle-ci est imparfaite. Donc, seule l’intelligence peut vraiment connaître. D’un autre côté, l’intelligence peut vraiment revaloriser la perception comme mode de connaissance, elle nous apporte ce qui manque à toute représentation intellectuelle -> la mise en présence de l’objet. La phénoménologie : Husserl (fondateur), Merleau-Ponty, Heidegger, Sartre. Courant de pensées qui veut revenir aux choses mêmes : à la façon dont les choses se donnent à nous avant que nous n’en élaborions une interprétation théorique. Cette donation de la chose sera la source de toute interprétation théorique -> critique de la physique moderne, car le monde de la physique théorique n’est pas le monde dans lequel nous vivons « le monde de la vie ». La science fait abstraction de beaucoup de caractères du monde de la vie qui est celui dans lequel nous vivons. Perception/sensation/jugement : Percevoir n’est pas seulement sentir si on entend la simple réception de stimulations sensibles. Une même sensation peut correspondre à 2 perceptions -> le lapin-canard de Wittgenstein (philosophe autrichien, XXème siècle), impression du train qui démarre alors que c’est l’autre, femme au loin qui en réalité est un mannequin (Husserl). La perception porte sur des objets qui ont des propriétés objectives différentes de la sensation car elle ne fournit que des couleurs, des sons… La perception comprend donc une opération mentale, intentionnelle (selon les phénoménologues : type de rapport entre la conscience et les objets).Identification objective apparentée à un jugement (au sens logique) de sorte que percevoir c’est juger (en pourrait penser) ou implique un jugement. Je perçois une femme, je juge que c’est une femme et non un mannequin. -> thèse appelée intellectualiste -> fait d’attribuer des processus intellectuels à des phénomènes qu’on considère comme non intellectuels. Ex de Socrate : « Nul n’est méchant volontairement » càd que le méchant est dans l’erreur, il se trompe sur ce qui est bien, c’est ce qui explique sa volonté mauvaise. -> On ne peut pas vouloir le mal. Caractère de la volonté qui est interprété comme une erreur intellectuelle. -> Intellectualisme. Mais dans le cas de la jalousie, on peut vouloir le mal pour le mal. Ex de Descartes : Théorie de la perception (2nde Méditation métaphysique), texte qui se situe après la découverte du cogito, pour confirmer cette vérité. « L’âme est plus aisée à connaître que le corps » -> réponse aux empiristes pour qui la connaissance s’appuie sur l’expérience sensible. Il démontre que cette connaissance sensible fait intervenir la pensée et la connaissance de la pensée (plus primitive que la connaissance sensible). « La perception est une inspection de l’esprit » -> percevoir c’est juger. Ex : les hommes qui passent dans la rue dont il ne voit que les chapeaux et les manteaux -> il juge que ce sont des hommes. Analyse du morceau de cire : conteste l’idée que notre connaissance sensible est plus évidente que la connaissance intérieure de notre pensée (le cogito). Connaissance sensible dépend de l’entendement -> la cire comme corps, les sens ne nous donnent pas cette connaissance car les apparences de la cire varient donc la cire comme objet doit demeurer identique à travers les variations de ses apparences : étendue flexible et muable. Cette cire n’est pas non plus connue par l’imagination -> ses transformations sont en nombre infinies et nos capacités d’imagination sont limitées. Ex du Chiliogone : polygone à mille côtés -> impossible à imaginer, ne peut être conçut que par l’entendement comme pour la cire, le nombre de ses transformations est infinies -> notre entendement possède l’idée d’infinie mais on ne la comprend pas ? seul notre entendement peut connaître le morceau de cire comme objet corporel. On en voit pas la cire, on juge que c’est un morceau de cire -> ce qu’on voit ce sont des expressions sensibles ? thèse intellectualiste. Différence entre seulement juger et connaître un objet en le percevant -> dans la perception il y a du jugement en quelque chose d’analogue d’un jugement. L’objet de la perception est autre chose que la sensation : je vois que le placard est vide -> je vois un fait, un faut qui ne peut être exprimé que par une proposition, se conçoit et se verbalise. Je vois cette craie -> chose comme objet de perception, la craie implique des propriétés physiques (solidité) et culturelles (sert à écrire). Sans cela, plus objet de perception. Il y a quelque chose comme un jugement dans la perception mais pas forcément un jugement explicite, conceptuel, prenant une forme linguistique. Différence entre voir que le placard est vide et le penser, le juger, l’intellectualiser. Merleau-Ponty La Phénoménologie de la perception critique l’intellectualisme de Descartes et Alain (et Lagneau, maître d’Alain) qui s’appuie sur 2 principes : Ce que l’on perçoit réellement, ça n’est pas ce que les sens nous représentent (commun à l’empirisme) Décalage entre le contenu sensible et l’objet de la perception Percevoir n’est pas que sentir mais aussi juger. Tout le reste est ajouté pas le jugement. Illusion de Müller-Lyer : on a l’impression que l’un des deux traits est plus petit que l’autre, inégalité de taille pas contenue dans les données sensibles mais c’est l’entendement qui l’ajoute. Toute perception est jugement. « Le jugement est partout où n’est pas la pure sensation ». Merleau-Ponty reprend l’argument des manteaux et des chapeaux, de la vision binoculaire, argument de l’illusion puis il procède à une critique : Cette méthode intellectualiste passe à côté de la réalité de la perception telle qu’elle nous livre une réflexion authentique. Substitution par une construction théorique -> « nous construisons la perception » -> revenir aux choses mêmes, ce que décrit l’intellectualisme ne correspond pas à ce que nous vivons. C’est une théorie loin de l’expérience. Cette réinterprétation explicative de la perception n’explique rien, elle conduit à des absurdités entre perception et jugement. Recueillir le témoignage des phénomènes, ils témoignent que nous sentions qu’on objet est lourd avant même de le soupeser. Phénomènes témoignent que c’est autre chose de savoir et d’arriver à voir une des interprétations. Les perceptions illusoires : l’intellectualisme ne permet plus de distinguer ou de croire que l’on perçoit car percevoir c’est toujours croire que l’on perçoit. Conclusion : percevoir n’est donc ni juger ni seulement sentir (sensualistes), percevoir c’est « saisir un sens immanent au sensible avant tout jugement ». Jamais de sensation pure, càd, dénuée de sens. Le contenu sensible de la perception est toujours déjà animé -> dans la perception il n’y a pas d’abord un moment où nous n’avons que la sensation. La perception a pour objet un sens, pas simplement un contenu, il est immanent au sensible, indissociable de lui, livré avec. La Gestaltpsychologie (Van Ehrenfels) : psychologie de la forme, on ne perçoit jamais un contenu sans forme. Cette analyse permet de comprendre que la perception est objet de connaissance, signification objective susceptible de vérité/fausseté, de précision/imprécision, de clarté/obscurité. Eduquer la perception serait la rendre plus vraie, moins sujette à l’erreur, plus ample, compréhensible, finie, subtile, attentive. L’œuvre d’art permet-elle cela ? Paradoxe : l’œuvre d’art ne nous place pas face à la réalité mais représente cette réalité différent de la perception d’un objet présent ici et maintenant. Imagination = se représenter ce qui n’est pas présent. L’œuvre d’art crée un intermédiaire. Cependant, l’éducation voire l’enseignement procède presque tout le temps comme ça -> on apprend à connaître les montagnes et océans lointains assis dans une salle de cours -> un pis-aller (faute de mieux). Mais un schéma du sol nous en apprend plus que ce qu’on en perçoit. La médiation est parfois mieux que l’immédiateté, le rapport direct. Passer par un intermédiaire de l’œuvre d’art, càd, le simulacre pourrait peut-être aussi nous donner une meilleure perception du réel et voir ce que nous ne voyons pas. Ex Hegel Esthétique -> l’œuvre d’art est supérieure aux choses de la nature et elle n’est pas seulement une tentative de reproduction. Ce qui la rend supérieure c’est son contenu spirituel, produit issu d’un esprit et elle a un sens. Reflet de l’idée, un sens spirituel qui s’y manifeste de manière sensible. La représentation artistique fait ressortir un sens invisible dans la réalité naturelle, confère une durée à des éléments évanescents, insaisissables. Faire ressortir de façon plus pure et plus transparente le sens. Elle cadre une certaine réalité et la purifie. Rapport entre l’art et le temps : temporalité ou intemporalité des œuvres d’art. Y a-t-il des œuvres d’art éphémères ? Tout a une fin dans ce monde -> matériau de l’œuvre qui la rend éphémère, fragile. Mais même pour des œuvres éphémères, elles ont un contenu qui échappe au temps car lui n’est pas matériel -> support pour les reproduire, les œuvres ne disparaitront pas. Ex : les livres disparaissent mais on peut les reproduire. Epicure -> ses écrits ont disparu. L’œuvre subsiste et reste intacte -> œuvre d’art paraît échapper au temps. Ex Bergson Le rire élément de structure : texte commence par une question et se finit par la réponse : l’objet de l’art -> nous mettre face à face avec la réalité même ou encore nous donner une vision plus directe de la réalité. « Quel est l’objet de l’art » -> quel est le but de l’art ? Que nous apporte l’art ? Objet : raison d’être. But = accès plus direct avec la réalité. Intuition = représentation immédiate d’une réalité ≠ pensée discursive L’art rend possible une intuition dans la perception ordinaire -> pas la même idée qu’Hegel, l’art ne fait pas seulement ressortir des aspects du réel, il nous fait accéder à une dimension du réel qui est invisible. Paradoxe de la médiation par l’art plus fort chez Bergson : la médiation rend possible l’immédiation (l’accès direct). Cette médiation est en même temps une remédiation -> antidote d’un obstacle qui fait écran entre la réalité et nous « un voile plus ou moins épais qui s’interpose entre les choses et nous » (selon Bergson). L’art fait accéder au réel tel que nous le verrions s’il n’y avait pas ce voile -> tel que le voit l’artiste lui-même. Le voile -> la personnification pour Bergson n’est pas l’intuition des choses, c’est la production par l’esprit d’une représentation utile des choses -> faculté pratique d’abord (l’intelligence aussi) de sorte que la connaissance du monde que nous livre notre perception et notre intelligence est une méthode d’action sur le réel plutôt qu’une intuition du réel lui-même. Bergson insiste sur le caractère général de la perception -> l’objet de ma perception n’est pas l’individualité des choses, elle m’échappe car il ne serait pas commode d’y porter notre attention. Bergson analyse l’effet comique : Le rire -> réalité caché par un voile, quelle est cette réalité ? Quel est ce voile ? Cette réalité dont parle Bergson est celle de la durée -> processus qui se poursuit sans cesse, processus indivisible, chaque moment de ce processus n’existe que dans son lien avec tout le reste. Ce processus est toujours changeant, hétérogène -> chaque partie est nécessairement différente de chaque autre du seul fait qu’elle se situe ailleurs dans le processus. Ex : le Boléro de Ravel, musique répétitive mais il ne s’agit pas de répéter toujours la même chose mais d’approfondir un certain sentiment que donne la musique. Ce processus que Bergson découvre d’abord en lui-même, c’est le mode d’existence de notre pensée intérieure, il est également la forme d’existence du vivant, celui-ci vieillit, mûrit d’une manière qi interdit toute répétition à l’identique, toujours nouvelle, toujours hétérogène -> aspect créateur de la durée, si chaque moment est nouveau c’est parce que chaque moment a quelque chose de totalement inédit, de différent. L’avenir pour Bergson dans un tel processus n’est ni prévisible ni calculable, ce qui va arriver n’est jamais recombinaison de ce qui est déjà arrivé auparavant. Le futur n’est pas constitué par les mêmes éléments du passé, même lorsque l’événement à venir nous semble connu d’avance (car il répète ce qu’o a déjà fait, vu), il aura toujours une certaine coloration, tonalité originale, nouvelle, un certain goût qu’on n’aura pas goûté auparavant qu’on ne pouvait pas se représenter par avance. Ex : un évènement qu’on prépare, supposons que tout se déroule à la seconde près où on l’a planifié, malgré tout, les choses seront différentes. Cette forme temporelle de durée c’est la forme d’existence de la vie elle-même -> évolution du vivant imprévisible. Ex : un visage humain change selon les différents âges, le vieillard ne ressemble plus tellement à l’homme qu’il était, il ressemble sans lui ressembler. Biologiquement, la façon dont le corps humain évolue ressemble à la durée -> mouvement incessant, hétérogène. Or ce mouvement de la durée est un mouvement qui traverse le monde entier, c’est l’élan vital qui se prolonge tout au long de l’univers. Le voile qui empêche de voir cette réalité c’est la nature même de notre esprit qui est configuré pour nous aider à agir sur cette réalité et pour nous la représenter de la manière dont nous pouvons agir sur elle, prête à être manipulée. Nous avons tendance à nous représenter les choses dans l’espace (comme étant fixes, séparables, identifiables) plutôt que dans leur durée. Cela explique la nature de notre perception mais cette tendance existe également dans notre intelligence et elle s’exprime dans le langage dont il est question dans le 2éme paragraphe : il précise que ce voile nous empêche aussi de nous connaître intérieurement, nos propres sentiments sont appréhendés par la conscience de manière simplifiée, commune (aspect à peu près les même pour tout le monde) et donc communicable. Ce voile est renforcé par le langage puisqu’elle vient de notre intelligence s’exprimant par des mots et portant sur des idées, des concepts. On ne retient des sentiments vécus que la catégorie linguistique à laquelle ils appartiennent (amour, haine, joie, tristesse…) et qui ne peux jamais correspondre à leur originalité. Le langage a la même logique que l’espace, il fonctionne selon le même principe de figer, distinguer, identifier -> principes fondamentaux de la logique. Principe d’identité (A est A) et de contradiction (A n’est pas non A). Ces principes sont la condition du langage, on ne peut pas dire quelque chose sans les respecter sinon on dit à la fois une chose et son contraire. Ils expriment les besoins de notre pensée plutôt que la nature des choses, la réalité n’obéit pas à ces principes-là. Principe d’identité : ce mouton n’est jamais identique à lui-même et dès que je le nomme il a déjà changé ainsi A n’est pas exactement A. Principe de contradiction : tout participe à un même mouvement, cette distinction A n’est pas non A n’est pas totalement vraie non plus. Le réel ne fonctionne pas sur ces principes et donc ne se prête pas réellement au langage sauf dans ces aspects les plus superficiels. La perception, le langage et l’intelligence retiennent la surface des choses. La possibilité de saisir la réalité du monde ne passe ni par le langage, l’intelligence et la perception passe par ce que Bergson appelle l’intuition. Elle prend plusieurs formes : la conscience intérieure que l’on peut avoir de notre propre durée, elle n’obéit pas aux règles de la pensée logique. Ex : je suis triste, à chaque moment ma tristesse n’est jamais exactement la même donc ce mot triste ne dit pas exactement ce que je ressens, il fige ce sentiment alors que celui-ci évolue. Le langage aura toujours tendance à refouler les choses. Cette intuition c’est aussi une certaine sympathie que nous pouvons avoir avec la durée des choses hors de nous, l’éprouver aussi de manière un peu plus distante. Sympathie = éprouver avec, partager un sentiment. Pour Bergson, l’intuition contrarie notre nature et ainsi elle est pénible, quelque chose qu’on n’arrive pas à tenir dans la durée. Intuition imparfaite, passagère, pénible : idée de la durée véritable en nous et hors de nous. « La pensée demeure incommensurable avec le langage » -> distance incommensurable entre la pensée et le langage, on ne peut pas plus restituer une pensée avec des mots comme on ne pourrait restituer une ligne avec des points. Notre pensée est inépuisable et infinie, il y a toujours plus à dire que ce qu’on en dit ainsi elle est incommensurable avec le langage. Hegel : lorsqu’on ne parvient pas à dire ce qu’on pense c’est qu’on ne parvient pas à le penser. Ainsi, l’ineffable (ce qu’on ne veut pas dire = indicible, ce que les mots ne peuvent pas dire) n’est pas un échec du langage mais de la pensée. Ce que les mots ne réussissent pas à dire n’est même pas une pensée, un germe de pensée, une pensée à l’été de fermentation : elle ne s’est pas encore trouvée elle-même, encore indéterminée. C’est dans les mots que la pensée se réalise. Cette thèse semble dire le contraire de ce qu’expose Bergson. Antagonisme apparent entre les deux mais il y a un texte de Bergson où il dit la même chose qu’Hegel mais ils ne parlent pas de la même pensée. Hegel parle de la pensée théorique, intellectuelle -> Bergson dit pareil pour cette pensée-là. Ce dont parle Bergson (pensée qui a la forme de la durée et qui ne se laisse pas enfermer dans des mots, intra-intellectuelle) c’est ce qu’Hegel ne veut pas appeler pensée. Bergson : ses livres mis à l’index par le Vatican (interdits), il y avait foule lors de ses cours au Collège de France, il fut discuté aux Etats-Unis puis il est devenu quelqu’un qu’on a beaucoup moins travaillé, passé de mode mais depuis quelques décennies, on le retravaille. C’est un des philosophes les plus importants du XXème siècle. Jankélévitch -> élève de Bergson. Il n’y a pas eu un courant, une façon de penser Bergson, de « Bergsonisme ». Question de la possibilité pour le langage d’exprimer quand même par des mots : dernier paragraphe du texte -> Bergson propose une division des arts en fonction des différents sens qui sont employés et des différents types d’objets. La division des arts se fonde sur le fait qu’un seul type de perception, un seul sens à la fois peut échapper à cette tendance naturelle de notre esprit à spatialiser le réel. Si ce sens c’est la vue, l’individu devient artiste ou sculpteur, s’il s’agit du sens interne, l’individu devient poète ou romancier et s’il s’agit du sens auditif qui correspond à un approfondissement du sens interne (la musique extérieure fait écho à une musique intérieure en nous) l’individu devient musicien. Les peintres et les sculpteurs : ont une perception directe des formes et des couleurs. Leurs œuvres livrent un aspect à la réalité extérieure, elles permettent de révéler la nature, transparaître la vie intérieure des choses, càd, le mouvement de durée qui les traverse. L’artiste y parvient en prenant les couleurs et les formes pour elles-mêmes, en faisant revenir notre attention aux impressions sensibles elles-mêmes alors qu’ordinairement nous visons à travers elles les objets matériels et nous ne les traitons que comme des symboles insignifiants par eux-mêmes, intéressants par eux-mêmes. Il s’agit d’instaurer ou de restaurer une sorte de sympathie avec le monde extérieure, de communication avec la durée des choses. Dans l’Evolution Créatrice, Bergson nous dit que la philosophie doit placer « la sympathie avant la perception et la connaissance ». Peut-être Bergson pense à Monet (contemporain de Bergson) avec les meules de foin -> moment de perception, façon dont ces meules apparaissent, dont elles sont perçues. Le peintre confirme l’idée que rien ne se répète vraiment, originalité de la perception. La poésie vise à exprimer, non pas à dire mais plutôt à suggérer la réalité intérieure de nos états d’âmes. La difficulté pour le poète et le romancier c’est que les mots ne peuvent pas dire ce que la pensée voudrait exprimer. Insurmontable pour Bergson, aucun procédé littéraire pour exprimer. A défaut de dire il peut suggérer, il peut faire soupçonner, il y parvient par un usage détourné du langage, un usage anormal du langage qui révèle que ce n’est pas le langage lui-même mais ce qu’il y a derrière qui compte. Ce que veut obtenir l’écrivain c’est que nous-mêmes nous fassions l’effort de retrouver en nous ce qu’il a su voir et que avons jusque-là ignoré -> Proust, même si Proust n’avait pas encore commencé à écrire. Il y a cependant beaucoup de passages de Proust qu’on peut rapprocher avec ce que dit Bergson. On peut également penser à Verlaine qui bousculait le langage « il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville » il pleure -> pas français mais si on est poète on peut bousculer le langage. Le musicien : la musique exprime notre intériorité plus profonde encore, celle qui échappe à tout effort d’expression par le langage, qui n’a plus rien de commun avec la parole, intériorité qui est elle-même une musique qui est en nous constituée de rythmes de vie et de respirations, cette musique intérieure est accentuée par la musique des musiciens, est imposée à notre attention de manière à permettre que nous nous y insérions en elle comme on se laisse prendre par les mouvements d’une danse (comme des passants se laissent prendre par une danse). Cette musique artistique nous fait vibrer au rythme d’une musique qui nous est intérieure. Distinction entre les arts, chaque art procède différemment pour révéler une dimension différente du réel de la plus extérieure à la plus intérieure. Ces différents arts ont des points communs, d’autre part, dans tous les cas (peinture/sculpture, musique, poésie) l’art n’est pas une représentation de ce réel qu’il veut révéler. Il n’est pas imitation, ni représentation passée par l’esprit. Le moyen pour l’artiste de faire accéder à la réalité c’est plutôt de s’abstenir de la représenter. Sa méthode est de bousculer notre rapport perceptif et représentatif au monde, de détruire nos objets habituels de perception ou de langage. Les couleurs du peintre ne fonctionnent plus comme des couleurs d’objet : elles sont aperçues pour elles-mêmes, les mots du poète ne disent plus quelques chose mais ils évoquent indirectement, surtout la musique qui nous fait accéder au plus profond de notre réalité intérieure non plus seulement en orientant notre attention vers elle (cette réalité intérieure) mais en nous y insérant, en nous faisant entrer en elle comme on entre dans une danse (Bergson). Il ne s’agit plus seulement de sympathiser avec notre intériorité, il s’agit plutôt de coïncider avec elle, de nous insérer en elle. Dans la musique le rapport sujet/objet est totalement subverti (bouleversé) car il suppose un face à face entre deux termes distincts tandis qu’ici, avec la musique, le sujet est pris dans et par l’objet, càd, le moi vibre sans l’avoir voulu à l’unisson de cette musique intérieure qui est notre propre durée. Distinction réalisme/idéalisme -> le vrai réalisme n’est pas celui qu’on croit, c’est la reproduction de l’image conventionnelle des choses -> académisme Le vrai réalisme consisterait à susciter un effet perceptif analogue à celui que produit la présence réelle de l’objet, à restituer quelque chose de la sorte d’aura qui émane de l’objet lorsqu’il est là et qui distingue l’objet perçu de l’objet imaginé. Référence à un auteur plus compliquée : Bergson -> il n’est pas certain que les analyses de Bergson confirment l’idée que les œuvres d’art éduquent notre perception. En un sens elles le font car elles corrigent la perception et l’oriente vers une réalité inaperçue, de sorte qu’elles l’éduquent ou elles la rééduquent. En un autre sens, Bergson fait apparaître la perception comme incorrigible et non rééducable. Et ce n’est pas par elle que l’on accède à la réalité intime des choses. Perception = saisie d’un objet, œuvre d’art substitue un autre accès au réel que la perception, accès que Bergson appelle « intuition ». Tendance naturelle à percevoir ce qui est utile semble invincible car elle ne disparait que partiellement et chez de rares individus qui ont une capacité innée qui ne résulte pas de l’éducation. D’autre part, l’analyse de Bergson s’applique mieux à certaines œuvres qu’à d’autres. Il se pourrait que si certaines œuvres révèlent le réel, d’autres contribuent à mieux le masquer -> œuvres académiques (représentent les choses de manières convenues et conventionnelles), dénoncées par Bergson comme un faux réalisme, elles renforcent le voile de la perception. 2ème Intertitre : La perception esthétique La perception esthétique, càd, la perception de la beauté. Autre hypothèse : l’œuvre d’art éduque notre perception du beau. Elle nous rendrait attentif et sensible à une beauté des choses qui nous échappe ordinairement. Idée dissociée d’une meilleure connaissance perceptive (mais elle peut aussi y être associée). Dissociée dans la mesure où la perception de la beauté pourrait diriger notre regard sur autre chose que sur la réalité de l’objet, nous donner un point de vue détaché de tout intérêt pratique et théorique. Porte davantage sur l’apparence que sur la réalité. Càd, un point de vue désintéressé au sens kantien, Kant définit le beau comme l’objet d’une satisfaction désintéressée. Kant, Critique de la faculté de juger (Critique de la raison pure, Critique de la raison pratique) -> 4 définitions du beau, la première des définitions (beau = objet d’une satisfaction désintéressée) est la plus essentielle et que les autres en découlent. Désintéressée = indifférent à l’existence et à la réalité de l’objet. Ce qui compte dans le jugement de goût et ce qui produit le plaisir esthétique c’est seulement l’apparence, seulement la façon dont l’objet nous affecte et met en mouvement nos facultés. Au début de « l’analytique du beau », Kant explique que le jugement de goût n’est pas un jugement logique, càd, que ce n’est pas un jugement de connaissance bien qu’il en est la forme apparente. Ex : ceci est beau / ceci est rouge -> les deux jugements ont la même forme logique apparente, en réalité seul le second parle de l’objet et nous donne une information sur lui en énonçant une vérité -> jugement logique objectif. Premier = jugement logique subjectif : expression d’une certaine forme de satisfaction procurée par la perception de l’objet. Cette thèse s’oppose à celle de Platon selon laquelle la beauté est une propriété réelle des choses, elle n’est pas simplement un effet produit par les choses sur nous. Hippias majeur = Platon envisage la beauté par le plaisir, ce qui est beau c’est ce qui produit un effet -> mais impasse pour Platon. Phèdre et Le Banquet. Kant s’oppose surtout à Leibniz -> il interprète la sensation comme une représentation confuse, le beau serait la perception confuse d’une régularité, d’une finalité, d’une perception dans les objets. Entre les notes d’une musique -> rapports mathématiques intelligibles. Ex : la beauté que nous trouvons à cette musique c’est le pressentiment de l’existence de ces rapports sans les avoir encore analysé. De sorte que, entre le jugement de goût et celui de connaissance : différence de degré puisque l’analyse du premier conduirait au second. « Les plaisirs mêmes des sens se réduisent à des plaisirs intellectuels confusément connus » Principes de la nature et de la grâce-> thèse intellectualiste. En revanche, Kant pose une différence de nature entre jugement de goût et jugement de connaissance qui indique que la beauté n’est pas analysable rationnellement. Cette différence de nature apparait dans la 3ème définition du beau, le plaisir qu’on éprouve face à un objet vient du fait qu’on perçoit en lui une certaine finalité alors qu’il est impossible d’expliquer cette forme de finalité en définissant une fin. Finalité qui demeure inexplicable. S’il y avait une explication rationnelle, la beauté disparaitrait, cela transformerait notre rapport à l’objet en un rapport de connaissance. Ex : le tour de magie, on l’apprécie mais on ne le comprend pas, et une fois qu’on sait l’émerveillement, le plaisir disparait. Critique de la faculté de juger, Kant, paragraphe 2 : Le pur jugement de goût, celui qui n’a pas mêlé de considérations utilitaires mais qui est uniquement esthétique, c’est le jugement dans lequel on est capable de faire abstraction de la réalité de l’objet et de ne considérer que sa représentation et le plaisir de cette représentation pure procure en nous. La contemplation de l’œuvre d’art nous aide à poser sur le monde réel un regard désintéressé qui nous permet seul de l’apprécier esthétiquement. Ex : On cesse de voir cette forêt comme un terrain de chasse ou une réserve de bois mais on la voit comme un paysage. D’abord le peintre nous l’a fait apparaitre comme tel, il nous a invité à entrer dans une attitude contemplative sur les choses. Mot paysage -> notion esthétique avant d’être géographique, paysage ce n’est pas un territoire, c’est un spectacle, un panorama, une vue. Ce mot a d’abord désigné un type de peinture ensuite seulement on l’a appliqué à notre environnement lui-même. Les descriptions des Alpes par Rousseau ont conduit les hommes, ses contemporains, à réévaluer et à réapprécier la beauté des montagnes. La montagne est devenue au XIXème siècle un sujet prédominant dans la peinture chez Friedrich. Cependant, on pourrait à nouveau poser la question de savoir si, l’influence des œuvres d’art sur notre perception du monde est forcément bonne, si elle l’éduque ou si elle la corrompt, la forme ou la déforme ? Autrement dit, la beauté que l’art nous fait voir dans les choses naturelle s’y trouve-t-elle réellement ? N’est-elle pas une illusion ? Oscar Wilde La décadence du mensonge : l’art est le domaine de l’imaginaire, de l’illusion, il travestit les choses et les recouvre d’un aspect esthétique qui ne vient pas d’elle mais du regard qu’on porte sur elle. « On ne découvre en elle que ce qu’on lui apporta » -> cette formule fait penser à une formule de Kant dans la Critique de la raison pure « Nous ne connaissons à priori les choses que ce que nous y mettont nous-mêmes » -> il s’agit pour Kant de savoir comment expliquer la connaissance a priori, connaissance indépendante de l’expérience et ce qui la caractérise c’est qu’elle est universelle et nécessaire par conséquent l’expérience ne pourrait jamais la justifier. Comment les connaissances a priori sont-elles possibles ? -> grande question de la CRP, la solution kantienne soutient que ce sont les objets qui se règlent sur notre entendement et sur nos facultés plutôt que nos facultés et notre entendement sur les objets. Ex : nous sommes a priori certains que toute expérience se déroulera toujours et partout dans le temps et dans l’espace et nous connaissons a priori les lois du temps et les lois structurelles de l’espace, parce que le temps et l’espace sont les formes de notre représentation sensible. Et donc il serait impossible que nous nous représentions par les sens un objet sans que nous le placions aussitôt dans ces formes du temps et de l’espace. -> Révolution copernicienne de Kant -> renversement total de point de vue : objets se règlent sur notre esprit et non notre esprit sur les objets, les propriétés objectives, universelles des choses sont celles que notre esprit leur impose. Parallèle avec ce que dit Oscar Wilde : la beauté que nous croyons voir dans la nature, c’est notre propre regard qui la lui confère. C’est la nature qui imite l’art pour Oscar Wilde. 3ème intertitre : Le critique platonicienne de l’art Jusque-là nous avons constaté l’influence de l’œuvre d’art sur notre perception du monde mais il reste un doute pour savoir si cette œuvre d’art nous le fait mieux percevoir ou si elle nous illusionne. Chez Platon, critique de l’influence de la pensée et de l’opinion, de l’attitude des hommes, influence qui les égare, qui les conduit à se tromper et à agir incorrectement. Cette critique vise la poésie prioritairement parce qu’elle est un fondement de l’éducation grecque traditionnelle. Les jeunes grecs apprennent la langue dans les textes poétiques mais on prétend aussi leur transmettre une certaine sagesse, certaines références de pensée commune à travers ces textes. -> enjeu politique de cette critique de l’art. Il s’agit de faire sortir les hommes de la caverne, les œuvres d’art sont quelques-unes de ces ombres projetées que les hommes prennent pour la réalité. Il vise davantage les mots car les interlocuteurs de Socrate se réfugient dans des formules poétiques pour éviter toute réflexion personnelle. Analyse de la mimesis par Platon au livre X de la République -> il prend dans un premier temps l’exemple de la peinture et du lit pour éclairer la notion d’imitation. Il y a au départ d’idée du lit, sa forme pure et parfaite, son essence, c’est l’idée du lit que l’artisan a en tête lorsqu’il fabrique un lit, il y a ensuite le lit fabriqué par l’artisan qui est une réalisation correspondant à l’idée mais réalisation jamais parfaite car décalage entre idée et réalité. La perfection et l’exactitude n’existe pas dans le monde sensible. Réalisation toujours inexacte et temporelle (soumise aux transformations du temps). 3èmesorte de lit : représentation picturale du lit, imitation réel, de l’artisan par l’artiste. Socrate définit l’imitateur comme « l’auteur d’une production éloignée de la nature à la 3ème génération ». La nature de l’imitation est analysée dans son rapport au réel et dans la façon dont elle s’en éloigne. Ce réel ou cette nature, c’est pour Platon un réel idéal : réalisme des idées. La vraie réalité ce sont les essences éternelles des choses et elles sont plus réelles que les objets sensibles de notre expérience dans la mesure où elles sont plus pures et parfaites et dans la mesure où elles échappent au temps. Ex : maths ≠ stylo devient plus qu’il naît : son mode d’existence est le devenir plutôt qu’un être. Selon Aristote, Platon admettait la conception héraclitéenne du devenir perpétuelle, le mobilisme universel on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau, Platon admet cette idée pour le monde sensible : 2 degrés d’éloignement. Imitation ne désigne que le deuxième degré. Ce deuxième degré ne fait pas que s’ajouter au premier il est d’une autre nature et il est plus préjudiciable à la connaissance. Il ne fait pas que nous éloigner du réel mais il nous en détourne totalement, l’artisan est guidé par l’idée et il s’efforce de s’en approcher le plus possible, de sorte que percevoir le lit de l’artisan peut nous aider à accéder à l’idée, cela peut constituer et doit constituer (pour Platon) une étape pour accéder aux Idées, à l’intelligible. -> Lettre VII, Platon insiste sur la nécessité de s’appuyer sur les images sensibles de l’idée pour accéder à elle. Il distingue 5 facteurs de connaissance : Le nom La définition L’image La science La forme idéale elle-même (l’être lui-même) Les 3 premiers facteurs sont de nature sensible et le mot lui-même est un être sensible, c’est un être sonore ou visuel. L’idée n’est jamais en eux et pourtant c’est par eux qu’on va pouvoir parvenir à elle. Livre VI La République : Platon désigne du nom de noésis le stade ultime de connaissance, le savoir parfait, absolu -> intuition intellectuelle, activité du nous : l’intelligence. Intuition car rapport immédiat à l’objet comparable à une forme de contemplation et dans laquelle on ne passe plus par cette médiation des images, ni même des mots ni même des mots. Noésis ≠ dianoia (capacité de compréhension) Cette étape ultime qu’est la noésis, ne peut être atteinte d’emblée, d’un coup, par un saut mais seulement au terme d’une progression dialectique et par le frottement des images sensibles. Autrement dit, une compréhension est nécessaire. Les œuvres artisanales font parties de ces images sensibles qui contribuent à cette élévation de l’esprit vers l’idée. La perception des œuvres esthétiques fait au contraire obstacle à la compréhension des idées parce que l’artiste est imitateur càd illusionniste càd charlatan. Son modèle n’est plus l’idée mais l’objet sensible mais surtout il ne retient du sensible que son apparence, l’artiste se complait dans l’apparence séduisante, frappante, qui nous détourne de l’être. L’artiste est ainsi comparable au sophiste qui joue avec les mots et qui au lieu de les utiliser comme un tremplin vers l’idée, une médiation sensible vers le vrai, se laisse séduire et égarer par eux, se complait dans le langage et dans les jeux de langage. La pensée dans son mouvement vers l’idée se laisse arrêter par ce qui devrait n’être qu’une médiation. Le Parthénon à Athènes : architecture particulière, en apparence édifice régulier avec des formes égales mais en réalité pour produire cette impression visuelle de colonnes régulières, parallèles et égales, on a construit des colonnes irrégulières, non parallèles et inégales : renflées au tiers de leur hauteur et les colonnes d’angle sont plus larges. -> architecture complexe, pas des erreurs mais des calculs savants pour que nous ayons le mieux possible des impressions qui ne correspondent pas à la réalité de l’ouvrage. Texte p.12 Sophiste -> Platon fait une distinction entre deux formes d’imitation, l’une est appelée copie et l’autre simulacre. La copie reproduit les qualités réelles de l’objet imité et notamment ses proportions (ex : modélisme, modèle réduit d’objet) tandis que le simulacre reproduit l’apparence et évidemment la peinture est un art du simulacre. Dans La République -> imitation au sens du simulacre et non pas au sens de la copie. Rejet d’une objection qu’on pourrait faire à cette critique de l’art de Platon : on pourrait vouloir objecter à Platon que l’art n’a pas à être soumis au critère du vrai et du faux mais plutôt à celui du beau et du laid, à des valeurs esthétiques ≠ valeurs logiques, connaissance. Objection dénuée de pertinence car Platon reconnaît la beauté des œuvres d’art et la valeur qu’elles ont sur ce plan, La République Livre III : le poète, Homère, est à la fois salué et honoré dans la cité idéale mais il est chassé de cette cité. Chassé car influence pernicieuse dans la cité. Ce que Platon critique c’est moins l’art que l’influence de l’art sur la pensée des hommes. Il ne dit pas que l’art ne vaut rien. D’autre part, l’art donne une représentation du réel, l’art produit un effet de vérité et qu’il en joue, il s’en sert. Et suscite donc des croyances qu’il fonde seulement sur les apparences. Indéniable que l’art exerce une influence sur nos opinions. On peut trouver dans l’art des exemples qui confirment ce que dit Platon : portraits officielles de grands, de monarques (etc…) destinés à faire apparaître l’image que ces hommes veulent donner d’eux. -> art n’est que création d’apparence. L’œuvre d’art cherche avant tout à transmettre une apparence peu soucieuse de la réalité. Film où Paris est représenté : on voit la tour Eiffel alors qu’on ne voit pas la Tour Eiffel de tous les endroits de Paris. Restitution d’une salle de classe, ou métier de policier. Cinéma ou roman produit une image de manière conventionnelle. Artistes peuvent donner raison à Platon en accréditant la thèse d’une illusion artistique : tableau de Magritte, 1929, qui représente une pipe avec écrit en-dessous : « ceci n’est pas une pipe ». Titre du tableau : « trahison des images ». Interprétation : on est surpris dans un premier temps car représentation d’une pipe mais ce n’est pas une pipe c’est un tableau. Cette œuvre attire notre attention sur la distinction entre l’image et la réalité et elle nous fait prendre conscience de notre confusion très fréquente entre réalité et image : très souvent nous prenons l’image pour la réalité. Cela n’exclut pas cependant la possibilité pour l’art de révéler parfois une part de la réalité, plutôt que de soumettre toute œuvre d’art à la même critique il serait plus pertinent de faire la différence entre les œuvres qui savent restituer le réel et celles au contraire qui le transfigurent et le déforme. Barbusse Le feu : fiction qui prétend restituer la réalité de la guerre, image fabriquée de la guerre et correspond à ce qu’il veut en dire. Romantisme populaire dans cette œuvre, on a considéré que ça sonnait faux. Critique sévère de Jean Norton Cru -> critique factuelle et critique plus générale, Norton Cru n’a pas reconnu ce qu’il a vécu durant la guerre. ≠ Genevoix -> meilleure restitution d’après Norton Cru, conserve une trace d’une réalité dont on ne peut plus avoir l’expérience, horreur de la guerre on finit par ne plus s’en souvenir donc effort d’un réalisme qui refuse le roman de la part de Genevoix. III. Troisième partie L’œuvre d’art pourrait éduquer la perception en un autre sens, elle ferait acquérir une faculté de perception nouvelle dirigée vers autre chose que la faculté de perception ordinaire, éduquer ne signifierait plus améliorer une aptitude déjà possédée mais doter une aptitude non possédée. On pourrait objecter que l’œuvre d’art nous conduit à imaginer plutôt qu’à percevoir mais il sera possible peut-être de parler de perception si les objets irréels que fait apparaître l’œuvre d’art s’avèrent ne pas être de simples produits de notre imagination, de simples images forgées mais être des objets indépendants et inépuisables. On peut développer cette hypothèse en référence à Platon -> autre versant de la philosophie de Platon qui va contrebalancer la critique précédente. Pour Platon l’art éloigne du vrai, des Idées, dans sa prétention à représenter le réel, mais il peut être aussi un moyen d’accès au vrai de par son caractère de beauté, càd, que ce qu’il y a de vrai dans l’œuvre d’art ce n’est pas sa dimension mimétique qui est illusionnante mais c’est paradoxalement sa dimension esthétique, c’est par sa beauté que l’œuvre d’art ressemble aux Idées. La beauté sensible, visuelle en particulier, de l’œuvre d’art rappelle la beauté idéale des essences, beauté que selon un mythe du Phèdre, nous aurions contemplé plus ou moins bien dans une existence pré empirique, antérieure à celle de l’expérience, à notre incarnation corporelle et sensible, mythe de la résurrection des âmes et de la réminiscence : les âmes vivent un cycle très long, elles n’appartiennent pas à un corps, elles s’élèvent vers le monde des Idées, elles les contemplent plus ou moins bien et les essences ensuite retombent et s’incarnent dans des corps et celle qui s’incarnent dans des corps sont celles qui ont eu accès aux Idées. Donc tout homme a en lui la réminiscence des Idées, remontée du souvenir à la conscience. Connaître c’est se ressouvenir, par conséquent, il faut qu’il y ait dans cette expérience sensible des choses qui suscitent cette réminiscence. Cela peut être le cas de n’importe quelle qualité sensible car elles sont toujours imparfaite et elles n’existent jamais dans le monde sensible : la petitesse, la grandeur… Existence intelligible, ce sont des Idées. Ainsi, la perception sensible peut être le tremplin d’une élévation vers le monde des Idées, d’une intellection des Idées. Cela est encore plus vrai de la beauté : pas une qualité sensible comme les autres. Il est encore plus manifeste qu’elle n’existe pas réellement dans le monde sensible, elle a un éclat qui n’appartient qu’aux Idées. Dans l’expérience ou la perception de la beauté, l’insuffisance du sensible est encore plus frappante car la perception du beau déclenche en nous un désir de l’atteindre. Chez Platon, le beau est objet de désir avant d’être objet de plaisir (≠ Kant). Elan qu’aucun objet sensible ne pourra satisfaire. Aujourd’hui, on emploie le terme ‘esthétique pour qualifier la beauté -> esthaisis = sensation ou perception -> emploie du mot esthétique induit l’idée que la beauté est une qualité sensible. -> contre-sens pour Platon, la beauté n’est pas esthétique mais de nature idéale. Hippias majeur : Socrate discute avec Hippias (l’imbécile), fon du dialogue, y est envisagé l’hypothèse de définir le beau par le plaisir sensible. -> Donc Platon y a pensé. Aucun objet sensible ne réalise suffisamment l’idée de beau pour pouvoir satisfaire notre désir et donc ce désir nous porte vers l’idéal. L’amour du beau prédispose donc à la quête du vrai. Cela ne vaut pas seulement pour la beauté artistique mais pour la beauté en générale et la beauté érotique (beauté du corps de l’être aimé). Séduction de l’apparence joue en faveur de la connaissance des Idées tout au contraire de ce qui est dit dans la République. Séduction = égarement, attirer sur une mauvaise voie, séduire c’est donc tromper. De ce point de vue, la séduction de l’apparence artistique est donc préjudiciable à la connaissance. Mais séduire veut aussi maintenant attirer et créer un désir et c’est de ce point de vue-là que la séduction a une valeur philosophique, heuristique (qui favorise la recherche du vrai). Banquet : p. 210a -> Socrate relate l’enseignement que lui aurait donné une femme, Diotime, sur l’amour, il décrit le mouvement ascensionnel, on part de l’amour des beaux corps, puis amour de l’âme et ensuite amour de la beauté en général. -> ascension consiste pour le désir à prendre progressivement conscience de son objet réel, de son but réel. Nous ne savons pas ce que nous désirons, nous ne savons pas ce qui satisferait notre désir, une fois satisfaction très souvent nous sommes déçus et très souvent le désir renaît. Dans cette optique, l’amour de la beauté va de déception en déception, beauté recherchée jamais dans l’objet possédé, et finit par prendre conscience que ce qui l’attire n’est pas la beauté particulière d’un corps mais c’est la beauté en générale. Phèdre : p. 249e et suivantes -> éclat de la beauté intelligible, beauté sensible apparaît comme une sorte d’écho. 2 possibilités : âme plutôt basse va se dévoyer dans la jouissance des corps, matérialisme de la beauté ou bien âme pénétrée par cette aspiration vers l’idéal. Tremblements et douleurs de l’amant qui se prosterne devant l’être aimé comme devant une idole. Distinction intéressante et elle s’applique aussi à l’art : manière d’aimer l’art en consommateur et manière d’aimer l’art en vénérateur -> tout le monde a ces deux côtés-là. Confirmation chez les artistes eux-mêmes : idée platonicienne de l’art et l’idée que nous accédons à une réalité supérieure grâce à lui, réalité qui est objet de contemplation et en ce sens de perception, on la trouve aussi chez certains écrivains. Chez Baudelaire, « correspondance » -> impression que l’œuvre d’art élève l’âme vers un idéal qui n’est pas de ce monde. On trouve ce thème chez Nerval ou Gautier. Nerval -> délires, se sert de ces délires dans ses récits en créant une équivoque entre le réel et l’irréel. Nerval a voulu croire qu’il existe en dehors de ce monde des essences idéales qui sont la véritable beauté à laquelle nous aspirons. Préface à la traduction du 2nd Faust de Goethe : Hélène de Troie. Apparence sensible peut durer très longtemps après que l’objet lui-même ait disparu. On peut se référer à l’histoire du périple de Nerval et Gautier en Flandres pour trouver la femme idéale. Trois essais de mythologie romantique, George Poulay ( ???) : blonde aux yeux noires. Expédition commune de Nerval et Gautier en Belgique pour trouver cette blonde aux yeux noires réalisée au mieux dans les toiles de Rubens. Illustration du fait que l’art nous représente un idéal qu’il nous permet de percevoir, d’apercevoir au moins et qui se trouve inexistant dans l’expérience réelle. Proust, A la recherche du temps perdu, roman d’apprentissage dont les leçons sont tirées dans le dernier volume Le temps retrouvé. Dans Du côté de chez Swann (premier volume), le narrateur fait une expérience marquante en mangeant un morceau de madeleine trempée dans du thé, expérience de la réminiscence d’un passé qu’il avait oublié mais aussi l’expérience d’une joie pure à l’occasion de cette réminiscence, qu’il va chercher à retrouver et à élucider tout au long de la suite romanesque. Cette joie ne s’explique pas par le souvenir du passé car il n’était pas si joyeux. La Recherche représente une série d’expériences décevantes, d’égarement, consistant à chercher son bonheur dans le monde de la réalité empirique. Ses déceptions sont celles de l’amour, l’amour n’est pas la bonne voie, l’amitié non plus, les plaisirs mondains : Salons vers lesquels il est d’abord attiré mais déception car monde de bêtise. Déception aussi dans la jouissance directe, immédiate, matérielle des choses : « toujours déçu comme je l’avais été en présence des lieux et des êtres. » -> Pas seulement Albertine. La Berma (Sarah Bernhardt) : se fait une joie d’aller la voir jouer mais déception mais en y repensant il se rend compte de la beauté du jeu de la Berma. -> Joie esthétique pas forcément dans la présence de l’œuvre, davantage dans le décalage temporel. La beauté source de joie pure n’est donc pas dans les choses réelles, mais elle est dans les essences intemporelles qui se révèlent non pas dans les sensations elles-mêmes mais dans les rapprochements impromptus de sensations décalées par exemple dans le souvenir involontaire ou par exemple aussi dans la métaphore littéraire ou son équivalent pictural, la « métamorphose des choses » comme le dit Proust : A l’ombre des jeunes filles en fleurs le narrateur entre dans l’atelier d’Elstire, tableau d’Elstire « le port de Carquethuit » -> saisit par la beauté de ce qu’il voit. p.13 L’art chez Proust a pour vocation d’explorer et de fixer ce monde des sens, qui a son lieu à l’intérieur de nous-mêmes mais qui se révèle à nous à l’occasion d’expériences extérieures. D’où une confusion possible consistant croire que la beauté que nous apprécions se trouvent dans les choses et non dans notre vision des choses. Après avoir vu le tableau de Carquethuit, le narrateur veut aller à Carquethuit. Confusion qui consiste à croire que la beauté est dans les choses et non pas dans la représentation des choses, Elstire lui-même finit par la faire.

Liens utiles