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liberté et imagination

Publié le 15/03/2014

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Pensez-vous que le théâtre est «  le lieu de la plus grande liberté, de l'imagination la plus folle « ? Vous répondrez en vous appuyant sur l'étude d'oeuvres théâtrales dans le cadre scolaire mais aussi sur votre expérience de spectateur. Pistes pour un corrigé I) Un espace de liberté qui laisse libre cours à l'imagination la plus folle 1) Liberté et imagination dans le texte lui-même o [Liberté de parole même quand la censure menace.] o Imagination dans la construction du sujet comme dans le choix des thèmes. Toutes les fantaisies, toutes les « folies « sont permises. o Ex : Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été 2) Liberté et imagination dans la mise en scène o Un choix très grand dans la mise en scène (décors, costumes, lumières, sons) qui permet de varier à l'infini un texte de départ et de lui donner de multiples interprétations. o Ex : Dom Juan sans cesse mis en scène au XXe siècle par divers metteurs en scène et pour des résultats très différents. La mise en scène de Marcel Bluwal ne ressemble pas à celle de Lassalle ou de Chéreau etc. 3) Liberté et imagination dans le jeu des acteurs o Possibilité de donner à un personnage une dimension nouvelle en changeant totalement la manière de jouer. Le jeu de l'acteur permet d'infinies variations. o Ex : peu d'éléments communs entre le Knock de Louis Jouvet et celui de Guy Simon. II) Un lieu contraignant par essence 1) Un espace unique, borné, clos o Que le théâtre soit dans une salle ou en plein air, que la salle soit minuscule (la Huchette à Paris) ou gigantesque (le théâtre d'Orange), elle est toujours limitée. Même si un metteur en scène choisit d'envahir l'espace réservé aux spectateurs, finalement il se trouve borné à un espace unique et c'est cet espace qui devra représenter le monde. o Ex : Lapin chasseur de J. Deschamps se heurte aux limites de l'espace (tout en jouant avec). 2) Un temps limité o Le spectacle se fonde en tout premier lieu sur une rencontre : celle d'artistes avec des spectateurs. Il est évident que la longueur d'un spectacle est étroitement liée à la capacité de résistance de ces deux groupes. o Ex : Le Soulier de satin constitue un extrême dans le théâtre occidental. Tenir 11 heures d'affilée constitue un exploit qui finirait par occulter la pièce elle-même. 3) Les limites d'un spectacle vivant o Le spectacle vivant se trouve limité par les possibilités techniques. Jamais le théâtre ne pourra rivaliser avec les trucages sophistiqués du cinéma en matière de décors ou d'action. Même si l'on adaptait au théâtre les trucs des plus brillants illusionnistes, cela ne pourrait se comparer aux artifices du cinéma. o Ex : dans le Cyrano de Bergerac monté par Jérôme Savary dans les années 80 on voyait un cheval galoper au fond de la scène sur un tapis roulant. C'était sans doute un exploit de mise en scène mais il aurait fait pâle figure au cinéma. Il est donc des contraintes objectives, incontournables (II) mais il en est d'autres qui peuvent se dépasser ou du moins se transcender. III) Comment le théâtre peut parfois dépasser ses limites 1) Contrainte de genre ou stimulation intellectuelle ? « L'art naît de contrainte, vit de lutte et meurt de liberté «, André Gide, L'évolution du théâtre. o L'on a souvent évoqué les contraintes d'écritures que telle ou telle époque a imposé au théâtre. Les plus célèbres sont sans doute la fameuse règle des trois unités mais on pourrait aussi rappeler les principes du drame romantique que Hugo impose dans les années 1830 dans sa préface de Cromwell ou sa mise en scène d'Hernani. S'il est indéniable que ces principes sont au départ une contrainte pour l'auteur dramatique, l'on peut aussi voir qu'elle donnent une impulsion à la création artistique et donnent parfois naissance à des chefs-d'oeuvre. o Ex : les tragédies de Racine n'ont pas été empêchées par la règle des trois unités, ce sont plutôt ces contraintes qui leur ont permis d'exister. Phèdre, Bérénice, Andromaque n'auraient pu voir le jour sans ces contraintes. On aboutit à ce paradoxe : de la contrainte jaillit la création. 2) Contrainte de contenu ou jeu sur les mots ? o La censure, le contrôle politique ou moral ont aussi été évoqués comme ayant nui à la liberté du théâtre. Au nom d'un ordre quelconque, le théâtre se serait trouvé muselé, réduit au silence. C'est peut-être vrai à certains moments très particuliers mais sur la durée, même sous un régime répressif, l'on voit bien comment le théâtre a appris à se jouer de la censure. Les auteurs dramatiques emploient leur talent d'écrivains à jouer sur le sens des mots, ils savent tirer parti de leur intelligence ou de la bêtise des censeurs (ce qui revient au même). o Ex : Le Mariage de Figaro en 1784 fait les délices de la noblesse qui voit dans cette folle journée un amusement de cour, là où la postérité y voit le germe de la révolution. 3) Contraintes matérielles ou espace imaginaire ? o Enfin, penser que le théâtre serait limité dans sa création par des impératifs matériels (taille de la salle, temps de spectacle ou limite des trucages) c'est croire que le théâtre se fonderait sur des éléments matériels alors qu'il est avant tout espace imaginaire. Peu importe que le théâtre ne puisse réellement représenter un bateau faisant naufrage, une armée envahissant une cité ou un monstre tuant un héros. Le théâtre n'a pas besoin de ce réalisme pour être vrai. Il n'est pas nécessaire de montrer toutes ces merveilles pour que les spectateurs les voient. Le théâtre se fonde d'abord sur le pouvoir de la parole. Cette parole est celle qui donne vie aux images et ces images naissent dans notre imagination, là où le cinéma peut-être se contenterait de nous les mettre « sous les yeux «. o Ex : le discours de Théramène dans Phèdre se substitue sans dommage au spectacle sanglant d'Hippolyte déchiqueté par un monstre marin ; le récit du Cid nous dispense d'assister à l'assaut qu'il donne au Maures etc. Autre plan possible : I) Un espace de liberté qui laisse libre cours à l'imagination la plus folle 1) Le lieu de la plus grande liberté o Définir ce que l'on comprend par « la plus grande liberté «. Liberté d'écriture (choix du thème, de la construction de la narration etc.), liberté de mise en scène (choix scénographique, interprétations des personnages etc.) o Ex : Dom Juan sans cesse mis en scène au XXe siècle par divers metteurs en scène et pour des résultats très différents. La mise en scène de Marcel Bluwal ne ressemble pas à celle de Lassalle ou de Chéreau etc. 2) Le règne de l'imagination o Le théâtre est défini comme faisant appel à « l'imagination «. Ce terme galvaudé est souvent compris de manière approximative. C'est pourquoi, il est nécessaire de s'interroger sur son sens exact. Qu'est-ce que l'imagination ? « Comme beaucoup de problèmes psychologiques, les recherches sur l'imagination sont troublées par la fausse lumière de l'étymologie. On veut toujours que l'imagination soit la faculté de former des images. O r elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous libérer des images premières, de changer les images. S'il n'y a pas changement d'images, union inattendue des images, il n'y a pas imagination, il n'y a pas d'action imaginante. « Bachelard, L'Air et les songes (1943) L'imagination suppose donc un renouvellement total de notre compréhension, de notre vision du monde, elle est donc affaire de re-création. C'est le propre de toute mise en scène que de créer une nouvelle vision : nouvelle vision d'un texte si celui-ci n'a jamais été joué, nouvelle mise en scène si la pièce a déjà été créée. o Ex : en 1990, au festival d'Aix-en-Provence, Alfredo Arias redonne une vigueur nouvelle à l'opéra-ballet des Indes galantes de Rameau. 3) L'imagination « la plus folle « o L'expression, extraite d'un texte de Ionesco Notes et contrenotes, va donc bien plus loin que la simple évocation d'une simple liberté. En ajoutant au mot « imagination « l'adjectif « folle « (et au superlatif), l'expression prend une connotation d'excès, de démesure, de débordement incontrôlable. L'imagination permettrait non seulement de renouveler l'image que l'on se fait d'une chose, la représentation que l'on en a mais elle aboutirait à un paroxysme, celui de la folie. o Ex : Amédée ou comment s'en débarrasser de Ionesco. Un cadavre enfermé dans une chambre ne cesse de grossir et finit pas envahir la scène. [On pourrait tout aussi bien évoquer les mises en scène plus récentes de la troupe Royal Deluxe, ou certains spectacles de Jérôme Deschamps.] II) Un lieu contraignant par essence 1) Des contraintes d'écriture o Chaque époque invente ses contraintes (passages obligés ou interdits). Elles sont liées à un mouvement littéraire, une esthétique particulière, un temps de l'histoire du théâtre. Ces règles évoluent, se contredisent, seule constante peut-être, elles continuent d'exister. o Ex : règle des trois unités dans la 2de moitié du XVIIe siècle. 2) Des contraintes de scénographie o Quoi que l'on fasse, le théâtre se trouve soumis à des contraintes physiques : celle du lieu, du temps et de la présence sur scène d'êtres de chair. Ces contraintes matérielles ne peuvent disparaître, elles sont le propre du théâtre, il ne servirait à rien de vouloir s'en libérer. o Ex : Lapin chasseur de J. Deschamps se heurte aux limites de l'espace (tout en jouant avec). 3) L'espace et le temps o Ainsi le théâtre apparaît comme un espace magique. Il est un lieu réel qui englobe un espace fictif et cet espace fictif pourrait tout aussi bien être le monde entier. De la même façon, le théâtre dans un temps réel permet à un temps fictif de se dérouler. Au dehors, les contraintes sont là, à l'intérieur, la plus totale liberté est possible. o Ex : Cf. la nouvelle de Borges, L'Aleph. III) A quoi tient finalement l'image de liberté et de folie ? 1) La libération de la parole o Parole qui peut aboutir à tous les extrêmes. Les notions de censure, de textes à message volent en éclat devant le flot des paroles. o Ex : Le final de La Cantatrice chauve ou la tirade de Lucky dans En Attendant Godot 2) Orgie visuelle o Spectacle = ce qui se regarde. Le théâtre est avant tout art visuel (Cf. étymologie), même quand les mots se taisent, le spectateur est convié à voir. Spectateur toujours voyeur. o Ex : Zingaro, théâtre équestre 3) Derrière le rideau o La plus belle pièce, la plus libre, la plus imaginative, c'est toujours celle que l'on n'a pas encore vue. C'est le moment où les lumières s'éteignent et où la scène va s'éclairer. La beauté est dans le possible plus encore que dans sa réalisation. o Ex : ???


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