Liberté et démocratie en Albanie

22 mars 1992 -   " George Washington, Sali Berisha ! ", pouvait-on lire, vendredi 20mars, à Tirana, sur une pancarte brandie par l'un des vingt mille partisans du Parti démocratique et de son leader, le cardiologue Sali Berisha, groupés sur la place Skanderbeg pour le dernier meeting organisé par l'opposition avant le scrutin du dimanche 22 mars.    Des milliers de personnes criant " Liberté ! Démocratie ! ", " Nous voulons l'Albanie sans Ramiz Alia ! ". Spectacle étonnant lorsqu'on se souvient qu'il n'y a même pas deux ans toute critique, même voilée, du régime aurait été impensable. Mais c'est peu, pourtant, comparé aux foules qui s'étaient pressées l'été dernier pour accueillir James Baker, le secrétaire d'Etat américain, à Tirana. Comparé aussi aux milliers de personnes qui, lors des élections d'avril 1991, assistaient aux manifestations du Parti démocratique dans la capitale.    Bref, alors que le sort de l'Albanie devait peut-être se jouer dimanche, la désespérance générale qui a gagné le " pays des aigles " a aussi déteint sur la campagne électorale. Même les plus fidèles partisans de l'opposition ne semblent plus avoir l'espoir chevillé au corps comme ils l'avaient encore au début de la " révolution " qui a obligé les dirigeants communistes à instaurer le pluripartisme. Certes, chacun sait - les responsables du Parti socialiste (ex-communiste) eux aussi peut-être, - que seule une claire victoire du Parti démocratique pourrait provoquer une sorte de sursaut, minimum mais vital, susceptible d'enrayer la dégradation continuelle de l'Albanie. Ne serait-ce que pour en finir avec l'alibi - " c'est-la-faute-aux-communistes ! " - permettant à chacun de fuir ses responsabilités. Il n'en reste pas moins que le ton de la campagne électorale, totalement coupé des réalités du pays, laisse mal augurer de l'avenir d'un pays dont on ne sait plus où il va. Mais, après tout, peut-être que George Washington lui-même...