L’historien doit-il juger ?
Publié le 27/02/2008
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La problématique : la question porte sur le rôle de l’historien et demande si celui-ci consiste à juger. Oui, mais juger quoi ? Les documents historiques ?Les événements ? L’actualité ? Le sujet ne le dit pas, et il convient donc de préciser ce que l’historien pourrait être habilité à juger. Ici, « juger » doit être compris d’abord au sens d’apprécier, estimer, évaluer. La question est alors : L’historien est-il autorisé à formuler des jugements de valeur sur ce qu’il étudie ou sur le monde qui l’entoure ? Or, la mission de l’historien est justement de veiller à l’objectivité de son récit. Mais juger signifie aussi savoir distinguer le vrai du faux. L’historien, dans son travail, doit constamment juger ce qui est pertinent et ce qui ne l’est pas, faire preuve de discernement. Enfin, juger a également le sens de prononcer une sentence, prendre une décision, trancher définitivement. L’historien peut-il décider du sens de l’histoire une fois pour toutes ? L’histoire n’est-il pas un travail qui consiste à remettre en cause continuellement les certitudes acquises dans le passé ? Les difficultés / pièges à éviter : Ce sujet nous invitait à réfléchir au rôle de l’historien. Il fallait donc éviter de transformer le sujet : l’historien est-il objectif ? Attention à ne pas comprendre uniquement « jugement » comme un jugement de valeur. Un jugement est aussi un jugement de fait, un constat.Il fallait éviter de se contenter de dénoncerle manque de neutralité de l’historien et s’intéresser à la façon dont l’historien fait l’histoire.Il fallait bien voir qu’une certaine part de subjectivité était constitutive de l’activité de l’historien. Les références pertinentes : Dilthey, Ricoeur. Le plan : I. L’historien doit faire preuve de jugement lorsqu’il fait l’histoire : Le jugement de l’historien s’exerce à trois niveaux : A. Juger de la validité de ses sources : L’historien se fonde sur des traces, des archives (l’histoire naît d’ailleurs avec l’écriture), des témoignages (donc les jugements d’autres hommes). Le rôle de l’historien consiste à juger de la validité des sources, à les recouper, à les confronter. B. Juger de ce qui est important historiquement : L’historien opère une sélection parmi ces documents afin de dégager ce qui relève de l’histoire. Le fait historique est donc construit. Or, qu’est-ce qui distingue un fait historique d’un fait insignifiant ? En général, l’historien repère les ruptures : ce sont elles qui sont historiquement pertinentes. C. Juger le sens des événements : il faut maintenant que l’historien attribue un sens aux faits. Il y a une part d’interprétation dans le travail de l’historien. Dilthey opposait la méthode de l’histoire, fondée sur la compréhension, à la méthode explicative des sciences de la nature. L’historien doit justement être capable de se mettre à la place des acteurs historiques pour mieux comprendre leurs décisions. Il doit donc faire appel à sa propre subjectivité pour élaborer l’histoire, mais tout en s’abstenant de jugement de valeur. L’historien n’est pas un juge qui prononce des sentences. Par conséquent l’historien doit exercer son jugement lorsqu’il vérifie ses sources, construit le fait historique et dégage le sens des événements, mais ne doit pas se placer en juge de l’histoire. Mais comment garantir la neutralité du jugement de l’historien ? II. Mais l’historien est-il toujours juste dans ses jugements ? A.Le jugement de l’historien est biaisé : Ce que l’historien jugera pertinent est dépendant de ses croyances, de ses représentations, de ses habitudes. B. L’historien est-il en mesure de juger du présent ? L’historien est certainement le plus à même de comprendre le présent, mais le risque est grand de transposer indûment un événement passé sur le présent. C.Les jugements de l’historien peuvent être instrumentalisés politiquement. III. L’historien doit faire preuve de jugement pour éviter de juger : A. Une histoire faite de façon totalement objective n’aurait aucun sens. L’historien ne doit pas éliminer tout jugement de valeur. L’historien doit faire preuve d’une « subjectivité impliquée » (Paul Ricoeur, Histoire et vérité) : son travail consiste justement à juger, c’est-à-dire à départager de la bonne et de la mauvaise subjectivité. B.L’historien ne doit jamais juger définitivement les faits, mais travailler à constamment les remettre en question. Le jugement de l’historien est toujours une reconstruction rétrospective, qui révèle les préoccupations du présent. Le jugement d’un historien ne saurait donc être définitif. C.C’est en confrontant ses propres jugements aux jugements d’autres historiens que le jugement de l’historien peut se consolider, mais sans tomber dans le conformisme.
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