L'explication de texte, les notes critiques ont pu vous paraître fastidieuses et inutiles; Maurice Blanchot, dans L'Expérience de Lautréamont, affirme au contraire : «Tout commentaire d'une oeuvre importante est nécessairement en défaut par rapport à cette oeuvre, mais le commentaire est inévitable.» En vous appuyant sur des exemples précis, textes isolés ou oeuvres complètes, vous direz ce que vous pensez de la nécessité du commentaire.
Publié le 22/02/2012
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Pourquoi ramener au discursif cette création totale qu'est l'oeuvre d'art; en d'autres termes pourquoi analyser d'une manière intellectuelle ce qui, justement, échappe au seul intelligible? Le nombre de bêtises que peut entendre un tableau dans un musée conduit à se poser cette question.
Il serait possible de construire une partie sur l'idée que le meilleur commentaire d'une oeuvre d'art est une autre oeuvre d'art. René Char écrit un poème sur Rimbaud, Claudel fait de même pour Verlaine, Debussy écrit de la musique sur des vers de Mallarmé (Prélude à l'après-midi d'un faune), Picasso commente par tableaux interposés la production de ses prédécesseurs.
On pourrait même pousser les choses plus loin. Les oeuvres des écrivains ne sont-elles pas, à leur manière, une critique (dans le sens littéraire) des oeuvres contemporaines ou passées? Les textes des autres écrivains exercent une influence positive mais aussi révulsive. L'oeuvre du créateur, en se démarquant de la production contemporaine, d'une certaine façon, la commente.
Venons-en maintenant à l'analyse intellectuelle des oeuvres telle qu'on la pratique dans l'enseignement et dans les journaux. Blanchot affirme que ce commentaire sera toujours « en défaut » par rapport à l'oeuvre et l'on comprend aisément pourquoi. L'écrivain recourt aux complexes possibilités de l'oeuvre littéraire justement pour dire ce que le propos de caractère intellectuel ne peut circonscrire.
Mais en quoi le commentaire de type intellectuel est-il « inévitable » ? Vous n'êtes tout d'abord pas obligé de le penser. Vous pouvez aussi évoquer ses vertus pédagogiques ainsi que nous le faisons dans l'introduction de ce chapitre.
Ce peut être l'occasion de discuter la tendance de notre enseignement, du moins pour la fin du secondaire et le supérieur, de privilégier l'analyse au détriment de la création. Les ateliers d'écriture sont rares dans les lycées et dans les universités.
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- Ionesco affirme à propos de l'artiste et en particulier à propos de la création théâtrale : « On a l'impression que plus on est de son temps, plus on est de tous les temps (si on brise la croûte de l'actualité superficielle). L'effort de tout créateur authentique consiste à se débarrasser des scories, des clichés d'un langage épuisé, pour retrouver un langage simplifié, renaissant, pouvant exprimer des réalités neuves et anciennes, présentes et inactuelles, vivantes et permanentes, par
- Victor Hugo écrit : «La nature procède par contrastes. C'est par les oppositions qu'elle fait saillir les objets. C'est par leurs contraires qu'elle fait sentir les choses, le jour par la nuit, le chaud par le froid, etc.; toute clarté fait ombre. De là le relief, le contour, la proportion, le rapport, la réalité. La création, la vie, le destin, ne sont pour l'homme qu'un immense clair-obscur. Le poète, ce philosophe du concret et ce peintre de l'abstrait, le poète, ce penseur suprême,
- Jean-Claude Renard, rendant compte de son expérience de poète, analyse dans les lignes qui suivent la relation qu'il entretient avec son propre langage : « Il a ses racines en moi comme j'ai mes racines en lui. Il est un miroir à double réflexion où je reconnais ce que je suis et ce que je ne suis pas. Par suite, c'est un miroir qui me trahit- aux deux sens de ce verbe. Car il donne de moi une image à la fois plus vraie et plus fausse que celle que je puis, consciemment ou inconscie
- Pensez-vous comme André Malraux que la vie privée des grands créateurs n'est qu'un « misérable tas de petits secrets » dont le lecteur n'a guère besoin, ou croyez-vous au contraire qu'une telle connaissance contribue précieusement à la bonne intelligence d'une oeuvre ? Vous illustrerez votre argumentation d'exemples précis, soigneusement analysés.
- Évoquant «ces ressemblances dissimulées, involontaires » qui éclatent «sous des couleurs différentes entre les chefs-d'oeuvre distincts» du même compositeur, Marcel Proust se demande dans La Prisonnière (À la Recherche du temps perdu, Pléiade, t. III, p. 761-762) où le compositeur l'a appris, «entendu», «ce chant différent de celui des autres, semblable à tous les siens», et répond : «Chaque artiste semble ainsi comme le citoyen d'une patrie inconnue, oubliée de lui-même, différente de