Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu, 2018
Publié le 10/06/2024
Extrait du document
«
Leurs enfants après eux, Nicolas Mathieu, 2018
Texte 8
INTRODUCTION
“Leurs enfants après eux” est le deuxième roman de Nicolas Mathieu paru en
2018.
Il a remporté le Prix Goncourt cette même année.
Dans ce livre, l’auteur fait les portraits de jeunes adolescents des zones
périurbaines de l'Est de la France dans les années 1990, dans le contexte de la
désindustrialisation de cette région, ce qui entraine une hausse du chômage.
On y suit notamment Anthony, un garçon issu d'un milieu modeste qui ne semble
pas avoir d'idée sur son avenir et Stéphanie, la fille du maire de son village qui
déborde d'ambitions.
Dans le passage étudié, les deux protagonistes se retrouvent en haut d’une
colline et contemplent la vallée de la Henne où ils ont grandi.
Une scène de
comédie sentimentale se joue entre eux.
Problématique : Nous allons nous demander comment paysage et
personnages sont intimement liés dans cet extrait.
Ce texte se décompose en 2 mouvements,
- le premier mouvement met en scène les personnages dans un
environnement qui les décrit ;
- et le second mouvement est consacré au dialogue de nos protagonistes au
milieu de ce paysage.
Premier mouvement
Dès le début du texte, nous sommes au cœur de l'action (in Media RES) avec les
verbes d’actions des personnages : “s’envoya, se rendre, grimpa, rejoignit”.
L’emploi du passé simple renforce ces actions rapides et finies.
L’histoire est ensuite racontée à l’imparfait, pour sa valeur de description.
Le langage est familier et renvoie au langage des jeunes, le diminutif Steph
rend la scène beaucoup plus vivante et rajoute du réel avec en plus la mention
de la table d'orientation, qui nous fait comprendre que les personnages sont
devant une vaste étendue panoramique et vient presque inviter le lecteur à
découvrir ce paysage.
La mention du « vide » peut renvoyer au manque d'ambition d’Antony, au
manque de perspectives pour son avenir.
Après l’insertion d’un bref discours direct qui accentue le réalisme du récit, le
narrateur nous invite à regarder « on voyait » le fleuve fictif, la Henne, cette
dernière, homonyme du mot haine symbolise ici cette fameuse haine que voue
Stéphanie à son village et à sa culture comme on le verra au second mouvement.
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La Henne est décrite comme lumineuse et irrégulière, en mouvement, à travers
les adjectifs « tortueuse et scintillante ».
L’eau scintille probablement parce que
le soleil couchant s’y reflète.
Cela est repris avec « il se faisait tard » : cet indice de temps montre que la
nuit tombe et que l’atmosphère devient plus intime, plus romantique.
« Il se faisait tard, décidemment»: L’adverbe « décidemment » peut confirmer
l’adjectif « scintillante » ; il peut aussi se référer à « la vallée » pour laquelle il
serait « décidemment trop tard » ;
Nous avons ensuite la description d'Anthony.
L’écriture est très
cinématographique, avec une sorte de zoom sur le visage d’Antony.
On
observe le visage d’Antony sous la lumière « rasante » du crépuscule, comme on
observe le paysage, avec la même lumière.
On relève le champ lexical du visage avec cou, nez, lèvre et le champ lexical
de la pilosité avec duvet et rasante.
La description du garçon n'est pas flatteuse avec les mots péjoratifs :
imperfection, bouton, duvet ; on et relever les reliefs « duvet sur la lèvre »,
« Bouton à l’aile du nez », « à son cou une veine ».
Cette description, à la manière d’un blason, connote l’adolescence : la
moustache naissante et l’acné.
La veine qui palpite peut évoquer l’énergie, la
fougue de la jeunesse.
« Il se tourna vers Steph » : peut-être qu’elle l’observait et qu’il a senti son
regard sur lui… ; « tourner » est un verbe de mouvement, un langage du
corps.
« Tous deux ne représentaient rien dans cet espace qui n’était déjà pas grandchose » : on peut relever le parallélisme entre les personnages « tous deux
ne représentaient rien » et le paysage « cet espace qui n’était pas grandchose ».
L’utilisation de ces négations (rien / pas) montre que le paysage et les
personnages sont définis par la négative.
On peut y voir une vision de la condition humaine : Quelle que soit l’échelle :
macroscopique pour la vallée et microscopique pour les personnages, on a
l’impression que l’Homme a peu de valeur ; il ne fait que passer et cela est
amplifié par le paysage de la vallée qui est abîmé et sans avenir.
« Un affluent passait à travers …et des habitudes » : l’affluent guide notre
regard : on suit les sinuosités du fleuve et on comprend avec le CCL « à
travers » qu’il traverse la vallée, ce qui implique une vision panoramique.
« avaient construit » : emploi du plus-que-parfait qui a une valeur
d’antériorité et qui nous amène donc à l’histoire de la vallée.
On
peut
relever
une
gradation
descendante
avec :
« villes »>,
« villages »> »usines »> »maison »> »familles ».
Donc peu à peu le regard
passe du général au plus intime.
Le point de vue omniscient retrace l’histoire urbaine (villes, villages, maisons),
industrielles (usines), et familiale de la région.
Cette écriture est toujours aussi visuelle et moderne : on a l’impression
d’un zoom de style Google Earth.
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« Dans cette vallée des champs géométriques, de blé ou jaune colza,
découpaient des patchworks méticuleux sur un relief d’ondes ».
Après les lieux
urbains, on passe aux paysages agricoles avec le champ lexical agricole
« champ », « blé », « colza » ; on a l’impression de voir ces champs depuis un
avion, qui nous les fait paraitre parfaitement délimités comme l’indique les mots
« géométriques, découpaient, méticuleux » et la métaphore des patchworks.
Le
mot « onde » crée toutefois un mouvement qui contraste avec la forme
« géométrique ».
Des reliquats de forets couraient entre les parcelles, joignaient des hameaux,
bordaient des routes grises où passaient dix mille poids lourds par an.
Parfois,
sur le vert mordant d’un vallon, un chêne poussait tout seul, semblable à une
tâche d’encre soufflée
Il y a la personnification « des reliquats de forêts qui courent », cette
personnification donne un caractère vivant à cette végétation.
L’évocation de « reliquat » évoque que la forêt devait tout couvrir avant
l’industrialisation de la région ; on retrouve cette notion de reliquat, de rareté de
la nature avec « Parfois, un chêne poussait tout seul.
On peut relever une antithèse entre « le vert mordant d’un vallon » ou le
« reliquats de forêts qui courent » et « les routes grises ».
En plus, on a
l’impression que l’ensemble est devenu un simple lieu de transit, sans vie avec
« passaient » et avec l’adjectif numéral « dix mille poids lourds ».
Enfin L’analogie (=comparaison) du chêne isolé à « une tâche d’encre soufflée »
donne l’impression que l’arbre brûle, et évoque aussi l’écriture elle-même de
l’histoire de la région.
C'est un paragraphe presque sociologique qui raconte l'histoire du
développement des sociétés
Dans cette vallée des hommes étaient devenus riches et avaient construits de
hautes maisons qui dans chaque bled narguaient l’actualité.
Des enfants avaient
été dévorés par les loups, des guerres, des fabriques ; à présent, Antony et
Steph étaient là, constatant les dégâts.
Sous leur peau courait un frisson intact.
De même que dans la ville éteinte se poursuivait une histoire souterraine qui
finirait par exiger des camps, des choix, des mouvements et des batailles
nous montre que des hommes se sont enrichis dans cette région modeste.
Il y a
un contraste entre les maisons des familles aisées et le terme “bled” qui fait
penser à un endroit défavorisé.
La métaphore des loups et des investisseurs
insiste sur l’idée que les riches ont ruiné l’avenir des enfants vivant dans cette
région.
Nous avons une énumération de termes....
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