« Les rives s'éloignent. Ma mort approche » écrit Albert Cohen. Selon vous l'écriture autobiographique est-elle une manière de se préparer à la mort ou de conserver la saveur de la vie ? Vous répondrez en vous appuyant sur les textes du corpus ou sur les autres oeuvres que vous avez lus ou étudiées.
Publié le 11/09/2006
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L’autobiographie est un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle et en particulier l’histoire de sa personnalité. Des auteurs comme Rousseau, Magnan, Chateaubriand, Duras et bien d’autre encore s’y sont essayés, pensant avoir déjà vécu assez pour pouvoir retracer leur vie. C’est aussi le cas d’Albert Cohen qui écrit alors dans son autobiographie intitulée Le livre de ma mère : « Les rives s’éloignent. Ma mort approche «. L’homme vieillit, c’est ainsi que les rives s’éloignent. Les rives représentent le passé et les souvenirs que nous laissons derrière nous. Il faut imaginer une barque, sur le fleuve qui nous mène à la mort. Le courant du fleuve ne peut aller que dans un seul sens : l’homme naît, vieillit, puis meurt ; il ne peut plus revenir en arrière, ni revivre son passé. L’autobiographie, n’est-elle pas un moyen de revivre ses souvenirs afin de gouter à nouveaux aux bonheurs passés ? N’est-elle pas un moyen d’ancrer la barque sur la rive avant d’atteindre la mort ? Certes l’autobiographie peut être une façon de conserver la saveur de la vie, mais ne peut-elle pas être également une manière de se préparer à la mort qui se rapproche ? Tout d’abord, l’autobiographie peut être une manière de conserver la saveur de la vie car les auteurs y retrouvent leurs sentiments passés. Qu’ils soient amers lors des mauvais souvenirs ou bien sucrés lors des heureux, chaque sentiment est retranscrit grâce aux cinq sens. Ainsi Pierre Magnan dans l’Amant du Poivre d’Âne y fait souvent appel, en particulier l’odorat : l’odeur constante du poivre d’âne qui lui rappelle la Provence et surtout Manosque. Marguerite Duras fait également appelle aux sens dans son autobiographie intitulée l’Amant, qu’elle écrit comme si elle rassemblait des photographies pour en faire un album, faisant donc appel à la vue. Ces auteurs ressuscitent les moments importants de leur vie grâce aux sensations qu’ils ont ressentis. L’autobiographie peut être également une manière de conserver la saveur de la vie car les auteurs y peignent un tableau de chaque moment heureux qu’ils ont vécus, ils y trouvent donc le plaisir de les revivre à travers l’écriture, ressuscitant ainsi chaque personne partie vers la mort avant eux, chaque paysage détruit par le temps. C’est ainsi que Pierre Magnan, dans L’amant du poivre d’Âne nous dépeint son école, aujourd’hui détruite, et tous les bons moments qu’il a passé en ce lieu tel que l’escalade des colonnes dans la cour de récréation. Ensuite l’autobiographie est une manière de conserver la saveur de la vie en amenant les auteurs à prendre conscience de ce qu’ils sont devenus et des évènements qui ont fondé leur personnalité. C’est donc en cherchant cela que George Sand écrit Histoire de ma vie, son autobiographie ; « Un examen attentif de ma propre existence « écrit-elle dans celui-ci. Les auteurs observent ainsi leurs « épisodes fondateurs « : les épisodes du passé qui expliquent leur personnalité actuelle. Dans les Confessions, Rousseau nous conte son premier sentiment d’injustice si profondément gravé dans son âme que toutes les idées qui se rapportent à l’injustice le ramènent à sa première émotion. C’est donc grâce à l’autobiographie que les auteurs peuvent revivre les images du passé, les sensations et les sentiments éprouvés qui ont fondés ce qu’ils sont devenus. Nous avons donc vu que l’autobiographie peut être une manière de conserver ou bien de retrouver la saveur de la vie et nous allons voir qu’elle peut être une manière de se préparer à la mort. Vers la fin de leur vie, certains auteurs entreprennent d’écrire leur autobiographie pour se préparer à la mort, établissant ainsi une sorte de testament plus ou moins destiné à rétablir leur image, n’ayant plus peur des aveux qui fondent une grande partie de leur récit à cause du pacte autobiographique qui oblige les auteurs à n’écrire que la vérité. Dans Histoire de ma vie, George Sand rétablit alors son image, elle écrit sa biographie parce qu’elle a laissé publier sur son compte trop de biographies pleines d’erreurs. La mort approche, l’autobiographe souhaite aussi laisser une trace de son existence avant de disparaître à jamais et prouver de ce fait qu’il a réellement vécu. Dans le livre brisé, Doubrovsy affirme : « j’écris ma vie, donc j’ai été «. Sa vie est concrétisée par l’écriture, elle devient solide, il a la preuve de son existence et il n’est plus aussi insignifiant aux yeux du monde. Il écrit également dans le livre brisé : « L’autobiographie, ce panthéon des pompes funèbres «, faisant alors référence à la mort. Il laisse au monde une trace de son existence en rejoignant les hommes célèbres. Plus le temps passe, plus l’homme se rapproche de la mort, les autobiographes fixent donc tous leurs souvenirs dans leur livre et leur vie devient éternelle. C’est ainsi une manière pour eux de lutter contre la mort. Ensuite l’écrivain a recours à l’autobiographie pour faire un bilan de ses bonnes et mauvaises actions pour se préparer à la mort tel le défunt qui se présente devant le jugement d’Osiris qui, à l’aide d’une balance, détermine si le poids de son cœur est assez léger pour qu’il accède au paradis. C’est pour cette raison que Rousseau relate aussi bien ses bonnes que ses mauvaises actions dans Les Confessions, ce qu’il confirme dans son préambule. L’autobiographie est donc une manière de se préparer à la mort pour les écrivains, en rétablissant leur image, en laissant une trace de leur existence puis en dressant un bilan de leurs actions. L’autobiographie peut être une manière de conserver la saveur de la vie grâce aux sensations, aux sentiments et aux images du passé qui resurgissent lors de l’écriture et qui ont fondé la personnalité de l’auteur. Mais elle peut être également une manière pour les autobiographes de se préparer à la mort, à travers leur autobiographie ils rétablissent leur image, prouvent qu’ils ont existé et font le bilan de leur bonnes et mauvaises actions. C’est aussi en goûtant à la saveur de la vie à travers leur autobiographie, que les écrivains se préparent à la mort. Il serait donc judicieux de s’interroger maintenant sur la façon dont les autobiographes voient la mort.
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