Schéma du plan proposé Première partie : Les modifi cations survenues dans les formes du repas festif actuel § 1 : Diminution de la quantité de nourriture § 2 : Diminution de la boisson§ 3 : Diminution du nombre d’invités Seconde partie : Les modifi cations dans les fonctions du repas festif actuel § 1 : Fonction de cohésion d’une classe maintenue dans le monde du spectacle § 2 : Dans les autres milieux, disparition des barrières sociales § 3 : Le repas festif : un nouvel espace de liberté Proposition de rédaction Les énormes banquets d’antan qui réunissaient plusieurs dizaines de convives autour d’une tableabondamment garnie semblent s’être raréfi és au profi t de ce qu’on appelle aujourd’hui repas festifs[thème cerné]. Ces derniers ne présentent plus les mêmes caractéristiques : quels sont les changementssurvenus et comment les expliquer [problématique posée] ? Une étude préalable des nouvellesformes revêtues par les repas festifs et de ce qui les motive [1re partie annoncée] nous conduiraensuite à analyser leurs fonctions actuelles [2e partie annoncée] .[On saute une ligne après l’introduction.] Par comparaison avec les agapes du Moyen Âge et du 19e siècle, nos tables de fête semblentconnaître une évolution notable. [Phrase d'accroche à la première partie]Le premier changement apparu de nos jours se situe dans une diminution notable des mets proposés,en particulier des viandes ; même lors d’un mariage où le repas offert reste assez traditionnel,aucun hôte n’envisagerait une succession de boeuf, de veau, de porc et d’oie, comme c’était le caspour la fête de Gervaise. En fait, si, par le passé, ce type d’aliment a connu une telle faveur, c’est qu’ilest longtemps resté l’apanage des nantis, le peuple se contentant, dans le meilleur des cas, de « lapoule au pot « du dimanche. Les riches, tel le seigneur de Trêves, servaient donc de la viande à leursinvités pour affi rmer leur statut et, parallèlement, les petites gens se faisaient un devoir d’en offrir auxleurs pour marquer une rupture avec la pitance ordinaire. Depuis l’industrialisation de l’élevage dans lesannées 60 qui a conduit à une baisse des prix en boucherie, cette distinction n’opère plus et la vianden’est plus proposée en quantité. Plus globalement, le spectre de l’obésité étant devenu plus menaçantque celui de la famine, les convives répugnent aux excès de nourriture, comme en témoignent lesnombreux régimes proposés par les médias et qui aideront, dit-on, tous ceux qui rêvent de perdre lestrois kilos pris au cours des fêtes de fi n d’année. Le second changement, quant à lui, affecte la quantité de boissons alcoolisées. Qu’il soit piquetteou grand cru, le vin ne coule plus à fl ot, au contraire de ce qu’on voit chez les Coupeau et, en moindremesure, dans les banquets politiques de 1848. L’explication la plus évidente tient à nos moyens modernesde transport ; la plupart des invités utilisent leur voiture et, si certains se restreignent uniquement parpeur du gendarme, beaucoup n’ont aucune envie de mettre en danger la vie de leurs passagers, nicelle d’autres automobilistes. Aujourd’hui, on ne peut plus compter sur son cheval pour retrouver seulle chemin de l’écurie. En outre, la participation active des femmes aux repas festifs, ce qui n’était pasle cas dans les manifestations politiques dépeintes par Jacqueline Lalouette, invite à la tempérance.Certains schémas demeurent ancrés dans les mentalités de nos contemporains ; si les hommes, entreeux, peuvent encore s’attendrir au souvenir « d’une fameuse biture «, c’est moins bien accueilli quandil s’agit de femmes. La dernière modifi cation concerne le nombre de participants et, par là même, les manifestationsextérieures de la fête. Il existe bien sûr encore des « festins « assez traditionnels donnés par exemple àl’occasion d’un mariage ou de noces d’or, et auxquels peuvent être conviées une centaine de personnes,voire davantage ; les hôtes louent alors une salle qui leur permet d’accueillir tous ces invités. Mais laplupart de nos repas festifs s’organisent aujourd’hui entre amis et la tablée de celui qui reçoit restemodeste. En effet, la plupart de nos contemporains vivent en milieu urbain, dans des appartementssouvent peu spacieux et, sans même espérer réunir plus de mille hommes comme en témoigne J.Lalouette, ils doivent se contenter de quelques convives, quitte à multiplier les occasions de se réunirautour d’une table. La taille exiguë de nos logements n’est pas seule en cause ; il est rare, en outre,que nous disposions d’une dépendance extérieure à la maison, alors que, dans la France rurale, lesgrands repas donnés pour les moissons ou les vendanges pouvaient – et peuvent encore – avoir lieuen plein air ou dans une grange, tel le célèbre banquet de noces peint par Flaubert dans MadameBovary où les invités sont installés sous le hangar à charrettes. Qui plus est, la vie citadine nous obligeà respecter certaines règles : le bruit n’est pas légal dès lors qu’il dérange le voisinage, de sorte queréunir des dizaines de participants qui chanteraient et danseraient jusqu’à n’en plus pouvoir, commele dit Roger Caillois, n’est plus guère possible. Nos repas festifs ont donc perdu de leur tapageusefolie pour gagner en discrétion. On constate donc que les quantités de nourriture, de boisson, le nombre de convives diminuentconsidérablement au profi t de repas plus modérés et moins « éclatants «, mais qu’en est-il des fonctionsdu repas festif actuel ? [Bilan de la 1re partie et courte transition vers la seconde partie.] [On saute une ligne entre les deux parties.] Les textes proposés dans le dossier font tous ressortir le rôle social des anciens banquets et larupture que constitue la fête ; il convient donc de voir si cela perdure. [Phrase d’accroche à la secondepartie.] La première fonction des festins d’autrefois était de renforcer les liens d’appartenance à uneclasse, voire à une caste. Qu’on se réunisse entre aristocrates comme en témoigne Jacques Voisenetou entre prolétaires dans le passage de Zola, on pratique l’entre-soi, la mixité sociale n’est pas demise. Aujourd’hui, cet état d’esprit se retrouve dans ce qu’il est commun d’appeler la « jet set «, sorted’« aristocratie « nouvelle qui se reconnaît à l’argent qu’elle dépense et à sa notoriété médiatique ;qu’on ait « mérité « son succès grâce à une authentique carrière d’artiste ou qu’on ait eu pour seuletâche de s’exhiber sous des caméras, tel Steevy Boulay du Loft (sorte de titre de noblesse moderne),on ne se mêle pas aux anonymes. En revanche, on convie volontiers les journalistes de M6 qui pourrontimmortaliser les louches de caviar, les bains dans une piscine de champagne et l’usage curieux faitactuellement du « don et du contre-don « évoqué par Voisenet. Il est même assez comique d’entendreLaetitia Hallyday nous conter ses angoisses à propos du cadeau qu’elle a prévu pour l’anniversaired’une de ses relations : un service complet en cristal réalisé en exemplaire unique qui compenserapeut-être, du moins l’espère-t-elle, la Harley Davidson que cet ami a préalablement offerte à Johnny… Cette fonction de distinction sociale, en revanche, semble s’estomper nettement dans lesrepas festifs du commun des mortels. À l’heure où le travail qu’on accomplit ne refl ète plus ni le niveaud’études, ni même les efforts accomplis puisque tous sont aujourd’hui susceptibles de perdreleur emploi à la suite d’une délocalisation pour ne citer que cette technique chère aux entreprises, onne juge plus son voisin en fonction de son activité. On privilégie alors d’autres affi nités, on se réunitautour de passions, de goûts communs, de sorte que les invités sont souvent issus de milieux sociauxhétérogènes. Cette tendance atteint son expression la plus manifeste dans les repas organisés parles membres de « la confrérie de l’andouille « ou autres associations du même acabit, où le lien quiunit n’est plus l’appartenance à une classe, mais l’intérêt qu’on voue à un aliment quelconque. Cettemixité sociale apparaît clairement dans une émission proposée par M6 Un dîner presque parfait qui,pendant une semaine, met en concurrence cinq candidats qui devront réaliser un repas évalué surla qualité des mets, la présentation et l’ambiance. L’enjeu de mille euros est assez faible pour ne pastransformer ce jeu en règlement de comptes et on voit souvent se nouer des liens chaleureux entredes passionnés de cuisine venus d’horizons divers.0186 C03 – 10/11 La fonction de rupture soulignée par Caillois est plus diffi cile à évaluer. En effet, dans la mesureoù nos repas festifs ne sont plus l’occasion de s’enivrer, de s’empiffrer jusqu’à tomber malade, ils paraissentpeu distincts du quotidien. Toutefois, puisque la fête est, selon ce sociologue, le temps délimitéoù l’on peut se déchaîner sans être jugé, elle est aussi très conservatrice. Les périodes festives onttoujours été organisées par les autorités politiques ou religieuses : on peut s’amuser, festoyer pendantune durée donnée, ce qui, par la suite, permet de mieux rentrer dans le rang et d’être plus docile,puisqu’on a eu l’occasion de se défouler et l’illusion d’avoir renversé l’ordre établi. C’est exactement cequi se joue chez Gervaise où les faces écarlates des ouvriers repus laissent croire qu’ils sont riches etoù le vin devient l’allié quasi biblique du travailleur ; une fois la fête achevée, les convives retomberontpourtant dans les diffi cultés fi nancières, l’exploitation par des patrons peu scrupuleux et les ravagesde l’alcoolisme. Nos repas festifs que Caillois juge émiettés, dispersés, presque moroses, n’obéissentquasiment plus aux diktats des gouvernements et des clergés divers. Certes Noël et le réveillon de laSaint-Sylvestre restent populaires, mais les gens en dénoncent l’aspect de plus en plus commercialet s’organisent d’autres « festins « entre amis qui n’obéissent à aucun ordre venu d’en haut, à aucunedate fi xée par les autorités. Mieux encore, nous brisons souvent tous les schémas traditionnels du repasde fête. Nos fi ns de mois sont diffi ciles ? Peu importe un barbecue, quelques côtelettes et brochettesferont l’affaire, la joie est la même. Nous inventons même le partage des frais : l’hôte se charge du platprincipal, les invités apportent qui le dessert, qui le vin, qui le fromage. Il se pourrait donc que nos repasfestifs, loin d’imiter de façon pâlichonne les anciens banquets, se révèlent être de nouveaux espacesde liberté que nous gagnons sur les autorités politiques et religieuses, et sur le côté commercial denotre société consumériste. [On saute une ligne avant la conclusion.] Si on les compare aux banquets d’autrefois, les repas festifs d’aujourd’hui sont marqués par unediminution notable des quantités de nourriture, de boissons alcoolisées et par un nombre moindre deconvives, le tout obéissant à de nouveaux paramètres en matière d’hygiène de vie, de transport etd’habitat. La fonction de cohésion d’une classe sociale, en dehors de quelques exceptions, sembles’être estompée au profi t d’affi nités plus librement consenties et, si la fête paraît moins clinquante,elle pourrait constituer un signe encourageant d’affranchissement par rapport aux diktats d’autoritéspolitiques ou religieuses et à ceux du consumérisme [bilan et réponse à la problématique poséedans l’introduction]. Il est souvent de bon ton d’évoquer avec nostalgie les grands festins d’autrefois si chaleureux, si conviviaux, alors que notre « vilaine société moderne « serait le lieu d’un individualismeforcené, mais n’oublions pas que la générosité du seigneur de Trêves passait par l’achat d’un esclaveet que, dans les banquets révolutionnaires du XIXe siècle, les femmes étaient disposées comme despotiches aux fenêtres. Sommes-nous prêts à revenir à de telles pratiques pour retrouver « la bonnechaleur « d’autrefois [élargissement] ?