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Les Mains D'Elsa, Étude D'Un Poème D'Amour

Publié le 16/10/2010

Extrait du document

amour

 

Les mains d’Elsa

Louis Aragon, Le Fou d’Elsa

    Ce poème est écrit au nom d’une femme, au nom de ses mains. Le poète évoque ici une personne de son domaine intime, la femme qu’il a aimée puis épousée. Angoissé, il attribue à Elsa une fonction  protectrice. Il la prie, la sollicite et l’implore, jusqu’à la transfigurer.

Le poète angoissé :

Le poète, seul,  a des soucis, il a peur et il se sent en danger, d’où l’emploi du champ lexical de la peur et de l’angoisse (inquiétude, que je sois sauvé, peur, hâte, émoi, j’ai trahi, j’ai tressailli, ce qui me traverse, ce qui me bouleverse, ce qui m’envahit, ce qui me transperce, ce que j’ai trahi,  j’ai tressailli)

Emoi (N)

Trouble causé par la crainte, l'inquiétude ; effervescence : La ville est en émoi.

Émotion vive causée par l'inquiétude, la douleur ou la joie, la sensualité, etc. : L'émoi du printemps.

Transpercer (v. tr)

Percer de part en part quelque chose ou quelqu'un : Transpercer son adversaire d'un coup d'épée.

Être très vif et atteindre profondément quelqu'un, en parlant d'une sensation, d'un sentiment : Cette joie qui nous transperçait.

Tressaillir (v. int)

Sursauter, avoir un brusque mouvement involontaire du corps, en particulier sous le coup de quelque émotion.

Cette peur, ce trouble psychologique sont engendrés par l’absence de la femme dont il réclame les mains. (« Donne-moi tes mains «)

   Le poète est dans la perplexité ; il exprime une sensation de bouleversement dont il est lui-même incapable de trouver les mots pour la décrire. Sa confusion apparait dans le recours au procédé du  chiasme « ce parler muet des sens animaux « qui s’oppose à son tour à l’idée du «  profond langage «, on comprend à peine que c’est une sensation de frémissement provoquée par l’amour, à laquelle il ne trouve de nom « ce frémir d’aimer qui n’a pas de mot «. Cette situation indéfinie, est métaphoriquement assimilée, à un reflet de visage au miroir, un reflet incomplet dont les traits sont absents, « sans bouche et sans yeux miroir sans image «

Autant le poète est seul, autant fuit la sensation de tenir la main de sa bien-aimée, considérée comme une « proie «. C’est pour cela que sa présence désirée devient plus urgente, et son absence plus angoissante

Le rôle de la femme :

Aragon sollicite les mains d’Elsa pour échapper à se angoisse(vers1).  Dans sa profonde anxiété, accentuée par sa solitude insupportable,  il rêve des mains de cette femme à fin que leur toucher l’arrache au risque et au danger qui le guettent (vers 4). Il réclame ces mains pour que son cœur s’y forme (vers 21), métaphore de battre, de vivre, d’exister. Dans un monde dont il ne supporte pas les bruits, les échos, Aragon cherche au milieu de la paume des mains d’Elsa un univers paisible, où il pourrait se reposer jusqu’à l’éternité. (vers22, 23)

Selon ce qui précède la femme a une fonction protectrice. Sa présence rassure et  le poète, ne trouve la paix que quand elle lui tend la main, que quand elle s’intéresse à lu . Il ne se repose qu’en elle, ne s’identifie qu’à travers elle, et, n’existe que par elle. 

 

La transfiguration par la prière :

Aragon répète, dans son discours à Elsa, les phrases injonctives qui adressent une prière à cet être féminin qui devient source de vie et condition d’existence. L’importance d’Elsa est sentie urgente par le recours à l’anaphore (répétition de « donne-moi « et de « sauras-tu « en tête de vers.) A Elsa l’humaine, Aragon attribue une fonction créatrice, une force divine ; elle donne la vie et protège ses êtres, elle est éternelle… femme inspiratrice et muse de ce poète, Elsa triolet est selon Aragon une déesse.

 

Remarque : La solitude du poète, sa souffrance et sa peur ne sont pas reliées à la réalité de sa vie avec Elsa Triolet. Le Fou d’Elsa  a été écrit en 1963, à l’époque, les deux amoureux vivaient ensemble à Paris, d’où la thématique de ce texte entre dans un projet d’épopée poétique que le poète voulait créer par une analogie crée dans son recueil avec des histoires d’amour célèbres du monde arabe. Ce texte est l’imaginaire croisé de trois histoires d’amour qui se rencontrent, Kais et Leila, Bouabdil et Grenade, et Aragon et Elsa. Par la forte expression de ses souffrances en amour,  Aragon crée sa propre épopée, gage d’une éternité poétique.

 

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