Les interactions verbales
Publié le 10/11/2013
Extrait du document
Linguistique : Les interactions verbales Catherine Kerbrat-Orecchioni I. L'approche interactionnelle : Le postulat : Tout discours est une construction collective ou une réalisation interactive. Goffman le redit en affirmant : « la parole est une activité sociale qui s'effectue donc à plusieurs ». Tout acte de parole implique normalement une allocution, c'est-à-dire l'existence d'un destinataire autre, physiquement distinct du locuteur. Il y'a bien sure l'exception du monologue mais le langage verbal est par essence fait pour être adressé puisque le « tu » exerce un contrôle permanent sur le discours du « je », et comme le dit Montaigne « La parole est moitié à celui qui parle, moitié à celui qui écoute » ou en d'autres termes, « L'homme parlant parle qu'il imagine à sa propre parole » citation de Bakhtine. Tout énoncé même monologal est donc virtuellement dialogal. Dès lors le « tu » se convertit à son tour en « je », c'est-à-dire enchaîne par une réponse ou une réaction sur l'énoncé de son partenaire car tout acte de parole implique non seulement une allocution mais une interlocution (un échange de propos). C'est différent de la linguistique traditionnelle qui admet les pratiques verbales orale ou écrite par l'émetteur et qui exclue toute possibilité de réponse. Cependant, la situation la plus normale de l'exercice de la parole est celle où la parole circule et s'échange (le dia-logue donc), où permutent en permanence les rôles de l'émetteur et de récepteur. L'absence de « tout accusé de réception » condamne à l'échec perlocutoire. Il y'a réponse à tout La parole est dans son essence même interlocutive : « Pour le discours, et par conséquent pour l'homme, rien n'est plus effrayant que l'absence de la réponse ». La notion d'interaction : Bakhtine dit « l'interaction verbale est la réalité fondamentale du langage ». Tout au long du déroulement d'un échange communicatif, les différents participants, que l'on dira donc des « interactants », exercent les uns sur les autres un réseau « d'influence mutuelles ». Parler c'est échanger et c'est échanger en échangeant. Dans cette perspective, on considère donc que tout processus communicatif implique une détermination réciproque et continue des comportements des partenaires en présence, et que l'analyse a pour bue essentiel selon la formule de Lambert de « cerner les manières dont les agents sociaux agissent les uns sur les autres à travers l'utilisation qu'ils font de la langue ». « Les participants se servent d'un ensemble de gestes significatifs, afin de marquer la période de communication qui commence et de s'accréditer mutuellement. Lorsque des personnes effectuent cette ratification réciproque, on peut dire qu'elles sont en conversation: autrement dit, elles se déclarent officiellement ouvertes les unes aux autres en vue d'une communication orale et garantissent conjointement le maintien d'un flux de parole ». Goffman L'émetteur doit non seulement parler mais parler à quelqu'un, et le signaler par l'orientation de son corps, de son regard, et doit s'assurer que l'autre écoute et qu'il est bien branché sur le circuit communicatif. Il doit maintenir son attention par des capteurs tels que « hein », « tu sais », « tu vois », « dis », par une augmentation de l'intensité vocale, des reprises ou des reformulations... De son côté, le récepteur dit produire des signaux d'écoute qui sont des réalisations diverses non verbales (hochement de tête, froncement de sourcils, bref sourire, léger changement postural...), vocales (mmm...), verbales (exclamation, approbation, reprise avec ou sans reformulation, demande de répétition ou d'éclaircissement...) Si les éléments paralinguistiques sont omis, les locuteurs deviennent désorientés, nerveux ou irritables, ils perdent le fil de la conversation deviennent plus ou moins incohérents et cessent de parle ; bref, la conversation est rendue impossible, par l'absence d'indications paralinguistiques appropriées » II. Implications théoriques : La notion de communication : On trouve deux conceptions de la communication : la traditionnelle et l'interactive. Selon la conception traditionnelle, la communication linguistique est fondamentalement unilatérale et linéaire c'est-à-dire que : l'émission commande unilatéralement la réception, les évènements sont observables sur un axe linéaire (les évènements en T1 conditionnent les évènements en T2), le message circule entre un émetteur « actif » et un récepteur « passif », le récepteur n'a qu'à décoder le message avec la même clé d'encodage que l'émetteur utilise et par conséquent reconstituer le contenu initial. Cependant, dans la conception interactive de la communication : Les phrases d'émission et de réception sont en relation de détermination mutuelle : la réception est bien évidemment commandée par l'émission, mais, l'émission est elle aussi commandée par la réception ou ce qu'en suppose du moins l'émetteur. « Parler c'est anticiper le calcul interprétatif de l'interlocuteur » c'est-à-dire que l'émetteur fait par anticipation certaine hypothèses sur l'interprétation de ce qu'il est sur le point de dire. En ce qui concerne l'axe de des successivités, le déroulement des évènements communicatifs n'est pas exclusivement linéaire. Mais, il incorpore des mécanismes d'anticipation et de rétroaction : Anticipation Rétroaction Ce qui se passe en T1 dépend en partie des prévisions faites sur ce qui doit se passer en T2. Le locuteur anticipe : * Sur son propre discours c'est-à-dire qu'il planifie ce qu'il va dire. * Sur les interprétions et les réactions de l'interlocuteur « un discours vise un certain but, qui est d'agir sur les croyances et/ou les comportements de l'auditoire. De ce fait, [...] il suppose une anticipation et un contrôle des activités mentales de l'auditeur » ce qui explique les autocorrections par exemple. L'interlocuteur peut de son côté anticiper la suite du discours et même compléter la phrase. Cette prévision Grunig l'appelle « le vol des mots », opération peu risquée mais parfois aléatoire. Ce qui se passe en T2 modifie a posteriori la perception des événements qui se sont déroulés en T2. « Dans les conversations, les interlocuteurs attendent de propos ultérieurs qu'ils leur permettent de décider ce qui était signifié précédemment ». Soit, ils construisent une interprétation provisoirement suspendue, soit qu'ils révisent en un deuxième temps une interprétation que la suite du discours dénonce comme erronée. Le récepteur doit, au même titre que l'émetteur, être considéré comme actif car même si l'interlocuteur ne produit pas une activité verbale, il produit une activité somatique, c'est-à-dire que le corps, dans une conversation, le corps ne cesse de parler, et le récepteur comme l'émetteur produit une activité mimo-gestuelle quasiment continue. On voit alors combien le terme « récepteur » est contestable. La distinction émetteur/récepteur dans la linguistique traditionnelle s'écroule dès qu'on prend en compte la totalité des signes échangés dans l'interaction. En un instant T1 : L1 parle émet des unités verbales et non verbales et reçoit en même temps les régulateurs verbaux et un abondant matériel non verbal émis par le 2ème locuteur. Il faut admettre que la clé qui permet d'effectuer les opérations d'encodage et de décodage est en partie construite au cours du déroulement de l'interaction. Il serait absurde de nier l'existence des règles linguistiques relativement stables. Mais elles sont floues, variables et dépendantes du contexte. Ainsi, le locuteur se doit de (re)construire les éléments du code dans son énoncé. Ce qui est nouveau c'est l'approche interactionniste : la considération que le sens d'un énoncé est le produit d'un travail collaboratif, qu'il est construit en commun. L'interaction peut être définie alors comme le lieu d'une activité collective de production de sens, activité qui implique la mise en oeuvre de négociations explicites ou implicites, qui peuvent aboutir ou échouer (c'est alors un malentendu) La notion de compétence : La compétence désigne l'ensemble des règles qui sous-tendent la fabrication des énoncés. Le concept de « compétence communicative » est l'ensemble des aptitudes permettant au sujet parlant de communiquer efficacement dans des situations culturelles spécifiques. C'est en effet l'ensemble des moyens verbaux et non verbaux mis en oeuvre pour la réussite de la communication. Par conséquent pour réussir une conversation, il faut acquérir cette compétence et maîtriser son matériel. La compétence communicative comprend un certain nombre de principes de politesse qui détermine la façon dont il convient de formuler une salutation ou une requête, de réagir à une offre ou à un compliment. Par exemple : Une phrase anodine et grammaticalement correcte comme « comment allez-vous? » est soumise à des règles d'utilisation passablement complexe : on ne peut adresser une telle question qu'à des connaissances car sa formulation est caractérisée par un certain degré de formalité et serait inadaptée en situation familière. Même avec les connaissances, elle apparait parfois déplacée dans certains contextes institutionnels. Ex : un médecin peut et se doit de poser la question « comment allez-vous ? » à son patient, mais ce dernier peut difficilement l'adresser à son médecin. Les principes de politesse exercent aussi des pressions sur le système de la langue. La compétence communicative apparait alors comme un dispositif complexe d'aptitudes, où les savoirs socio-culturels sont mêlés d'une manière très compliquée. Pour qu'un rapport de communication puisse s'instaurer, il faut cette différence initiale de nature et de quantité d'information, qui seul explique que l'un commence à parler et l'autre écoute. Communiquer c'est mettre en commun ce qui n'est pas d'emblée c'est-à-dire : *la compétence linguistique et paralinguistique des sujets. *la compétence encyclopédique : les interlocuteurs construisent au fur et à mesure, interactivement, leur propre base de données. (L'enfant) *la compétence conversationnelle dans la mesure où les partenaires négocient et ajustent leur conception respectives des normes interactionnelles. => Comme la compétence linguistique, la compétence communicative s'acquiert, se développent peut éventuellement se dégrader. Marwa Derbel
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