Les images féminines présentées par Baudelaire, dans Les Fleurs du mal.
Publié le 08/05/2015
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Les images féminines présentées par Baudelaire, dans Les Fleurs du mal. 2015 Anthologie « La poésie du XIXe au XXe siècle » 18621754305300 Table des matières TOC \o "1-3" \h \z \u I. Biographie de l'artiste PAGEREF _Toc413916628 \h 3 1.Eléments biographiques PAGEREF _Toc413916629 \h 3 2.Principaux ouvrages PAGEREF _Toc413916630 \h 4 3.Illustrations PAGEREF _Toc413916631 \h 5 II. Préface PAGEREF _Toc413916632 \h 6 III.Poèmes PAGEREF _Toc413916633 \h 9 Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle PAGEREF _Toc413916634 \h 11 A celle qui est trop gaie PAGEREF _Toc413916635 \h 12 L'invitation au voyage PAGEREF _Toc413916636 \h 13 Le chat (1) PAGEREF _Toc413916637 \h 14 Le serpent qui danse PAGEREF _Toc413916638 \h 15 Parfum exotique PAGEREF _Toc413916639 \h 16 Bonne lecture... ! I. Biographie de l'artiste 432943047625Eléments biographiques Né à Paris le 9 avril 1821, Charles Baudelaire était l'un des plus grands poètes français du 19ème siècle. Son travail a eu une influence majeure sur la poésie occidentale et la poésie moderne en général. Il fut l'un des premiers poètes (avec Rimbaud) à prendre pour sujet la vie urbaine et son côté sombre, avec tous ses maux et la dégradation de ses tentations. Baudelaire était morose et rebelle, imprégné d'une mystique religieuse intense, et son travail reflète un désespoir intérieur sans relâche. Son thème principal est le caractère indissociable de la beauté et de la corruption. Son oeuvre majeure, Les Fleurs du Mal (1857), à l'origine condamnée comme obscène, est reconnue comme un chef-d'oeuvre, particulièrement remarquable pour son rythme et l'expressivité de ses paroles... Baudelaire perd son père, un homme des Lumières très tôt disparu, à l'âge de six ans. De ce fait, il se rapprocha de sa mère qu'il adorait mais à laquelle il ne pardonna pas son remariage, un an plus tard avec le général Aupick .ll n'adhérera pas à cette union, et en gardera une haine tenace contre son beau-père, qui représentait pour lui toutes les valeurs de la bourgeoisie, qui dégoûtait le poète. Il entre au lycée parisien Louis le Grand , et se fait rapidement remarquer par son caractère rebelle. Il commence à fréquenter le Quartier latin. Puis,en 1839, il est renvoyé de Louis le Grand mais obtient néanmoins son baccalauréat. Il choisit alors de mener une vie marginale et de bohème. En 1841, âgé de vingt ans, alors que ses relations familiales deviennent difficiles, Baudelaire est poussé à embarquer à bord d'un paquebot pour les côtes d'Afrique et de l'Orient. Il séjourne à l'île Bourbon et en retira un grand nombre d'impressions dont il s'inspirera dans ses oeuvres (L'Albatros, Parfum exotique...). De retour à Paris en 1842, il rencontre Jeanne Duval qui devient sa maîtresse. Il dépense sans compter l'héritage qu'il a reçu de son père, ce qui incite sa famille à le placer sous tutelle judiciaire. Il se retrouve alors contraint de travailler pour subvenir à ses besoins et devient journaliste et critique d'art en 1844.Trois ans plus tard , il découvre l'écrivain américain Edgar Poe qui partage avec lui une même conception de l'art, ainsi qu'une certaine idée du goût du mal et Il traduit de nombreuses oeuvres de l'auteur pour le faire connaître aux Français, tel que les Contes extraordinaires (1854), les Nouvelles Histoires extraordinaires(1857), ou bien encore, les Aventures d'Arthur Gordon Pym (1858). Cette même année il tombe sous le charme de Marie Daubrun, puis, quelques temps plus tard, de Mme Sabatier .Elles lui inspireront plusieurs poèmes. Enfin, en 1857, suite à la publication des Fleurs du Mal, il est attaqué en justice et condamné pour immoralité. Ce recueil de poèmes, jugés particulièrement scandaleux, est condamné « pour outrage à la morale publique et aux bonnes moeurs » .Six pièces seront censurées. Très affecté, Baudelaire sombre dans la misère et la maladie. Sa santé se détériorera au fil du temps. Il est frappé d'hémiplégie en 1866 et meurt le 31 aout 1867 à Paris (à l'âge de 46 ans). Après sa mort seront publiés les Petits poèmes en prose, les Paradis artificiels ainsi que ses journaux intimes et ses articles de critique littéraire et picturale. Principaux ouvrages Salon de 1845 (1845) ; Salon de 1846 (1846), La Fanfarlo (1847), nouvelle ;; L'Art romantique (1852) ; Les Fleurs du mal (1857) ; Les Paradis artificiels (1860) ; La Chevelure (1861) ; Réflexions sur quelques-uns de mes contemporains (1861) ; Petits poèmes en prose ou Le Spleen de Paris (1869), poème en prose (posthume) ; L'oeuvre et la vie d'Eugène Delacroix (1863) ; Mon coeur mis à nu (1864), journal intime ; L'Art romantique (1869) ; Journaux intimes (1851-1862) ; Pauvre Belgique (inachevé). Illustrations Charles Baudelaire, autoportrait, 1860. Le général Aupick (1789-1857), beau-père de Charles Baudelaire. N°6 rue Le Regrattier : maison où Baudelaire logea sa maîtresse Jeanne Duval, dite laVénus noire10. Tombe du général Aupick, de Mme Aupick et de Charles Baudelaire aucimetière du Montparnasseà Paris. Charles Baudelaire par Nadar, 1855. Portrait de Charles Baudelaire par Gustave Courbet, vers 1848. Baudelaire, dans la Bibliothèque de la Pléiade, OEuvres complètes, volume I. Charles Baudelaire par Étienne Carjat, vers 1862. II. Préface Si pour la plupart des poètes le centre de leur oeuvre reste la mélancolie et le lyrisme, l'oeuvre baudelairienne semble graviter autour d'un même point, omniprésent même lorsqu'il n'est pas très visible : la Femme. Et il semblerait que Baudelaire aie rassemblé toutes ses conquêtes dans un même recueil : Les Fleurs du Mal. Ainsi, les femmes occupèrent une place primordiale dans la vie du poète. C'est pourquoi il consacra plusieurs poèmes aux femmes qui ont marqué sa vie. De la Louchette à Duvan, en passant par Sabatier et d'autres encore, Baudelaire traduit ses sentiments à travers ... Les Fleurs Du mal ! Lors de cette anthologie, nous allons nous intéresser aux poèmes consacrés aux conquêtes de Baudelaire. Vous y découvrirez la haine et l'amour, la tristesse et la joie, et plus encore... Bien que les thèmes se multiplient dans cet ouvrage, ils emblent tous tourner autour de la femme, de son image, de son corps, mais surtout des émotions qu'elle inspire au poète. Il est impossible de lire Les Fleurs du Mal sans prendre conscience de l'importance que jouent les figures féminines dans l'oeuvre de Baudelaire. Il les métamorphose, utilise habilement figures de styles et métaphores pour faire apparaître leurs multiples aspects. Comme un diamant aux multiples facettes, la femme ne cesse de surprendre le poète en se présentant sous des formes extrêmement différentes. Chacune des femmes qui traverse sa vie, qu'il s'agisse de sa mère, ou de l'une de ses amantes, lui permet de voir la femme sous une perspective tout à fait nouvelle, qu'elle soit positive ou négative. Les poèmes seront ordonnés selon l'importance occupée par la femme qui en est le sujet dans la vie de Baudelaire. On commencera par un poème s'adressant à Sarah la Louchette, la femme qui, de loin de marquer Baudelaire, lui inspire un profond mépris. Par la suite, vous découvrirez deux figures féminines avec qui l'écrivain entretenu des liaisons. Toutefois, ce n'est que dans les deux derniers poèmes de l'anthologie que la femme la plus importante de la vie du poète sera dévoilée : j'ai nommé Jeanne Duval. Il garde un mauvais souvenir de ses nuits avec sa première conquête Sarah la Louchette, qu'il dénigre dans son poème « Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle ». Dès le premier vers, Baudelaire exprime sa haine envers Sarah, notamment avec l'emploi d'un réseau lexical péjoratif tout le long du poème, « femme impure » ; « âme cruelle » ; « insolemment » ; « machine aveugle » ; « sourde en cruautés féconde » ; « mal » ; « reine des péchés ; « fangeuse grandeur » ; « ignominie ». Il utilise également des métaphores tels que »vil animal » et « salutaire instrument » dans le but de lui montrer le peu de valeur qu'elle a pour lui. Ce poème, bien qu'il présente un thème commun à tout ceux de cette anthologie, en est toutefois très différent, car loin de faire l'éloge de la Louchette, il traduit son mépris et son dégoût envers elle, dans chaque vers. Moins marquante que l'image laissée Baudelaire par Daubrun ou Duval, Sabatier demeure un épisode important dans la vie du poète. Le poème est dédié « A celle qui est trop gaie » , et met en évidence la relation intime entre eux. En effet, Baudelaire la tutoie « ta tête » ; « ton geste » ; « ton air », puis la décrit en la comparant à « un beau paysage ». Le poète va même jusqu'à perdre la raison, « ton esprit [...] dont je suis affolé ».Il vous révèle ainsi son attachement envers cette femme. Sa liaison avec Apollonie Sabatier n'est pas la plus marquante qu'il ait vécu. Toutefois, ce poème n'en traduit pas moins une relation sereine et joyeuse, comme « un ciel clair », différente des vents tumultueux qui agitent les cieux tropicaux s'élevant au dessus de « la Vénus noire », Jeanne Duval. Malgré tout, Apollonie ne rivalise pas avec les autres conquêtes du poète, notamment Marie Daubrun, à qui il consacre plusieurs poèmes, dont deux qui vous seront présentés par la suite. Il est si épris de Marie Daubrun, qu'il lui propose de s'évader ensemble, «d'aller là-bas », un monde ailleurs .Il lui propose « l'invitation au voyage », une invitation que son amante mystérieuse ne peut refuser. Baudelaire s'imagine donc un paysage rêvé où il pourra vivre avec son bien aimé. Le poète s'adresse à elle d'un ton aimable et protecteur « mon enfant ,ma soeur ». Il décrit ensuite le paysage idéal « des meubles luisants » ; « les plus rares fleurs » ; « mêlant leur odeurs » ; « aux vagues sans coeurs de l'ambre » ; « les miroirs profonds ». L'expression suivante « c'est pour assouvir, ton moindre désir qu'il vienne du bout du monde » montre que Marie Daubrun règne sur les sentiments de Baudelaire. Elle occupe tellement son esprit que le paysage qu'il trace à travers « l'invitation au voyage » n'est en fait qu'un reflet de la femme qu'il aime, de ce qu'elle lui inspire, du « luxe », au « calme » et de la « volupté » qui émane d'elle. L'imaginaire atteint ici son comble car bien que les images se multiplient, nous nous éloignons tout à fait de la réalité pour découvrir en pensée ce monde parfait imaginé par le poète pour Marie Daubrun. Cette dernière laissa une marque si profonde, que cela se reflète dans ses nombreux poèmes, dont « Le Chat ». L'écrivain désigne sa conquête par un animal, « Le Chat ». Il utilise l'impératif « vient » ; « retiens » ; « laisse-moi », signe de dominance. L'expression « coeur amoureux » montre que Baudelaire était pris de ce chat, autrement dit, de Marie Daubrun. Vous sera décrit par la suite, le sens du toucher, « mes doigts caressent » ; « ma main s'enivre [...] de palper ton corps », prouvant le contact entre le chat et le poète. Cette fois-ci, ce n'est pas un paysage ou un voyage qui suggère l'image de Marie, mais un animal : le chat, longtemps symbole de la grâce féline, animal affectionné, et il semble que ce dernier ne fasse qu'un avec la bien-aimée du poète : les qualifications ambigües laissent au lecteur le choix dans l'interprétation du poème. Enfin, vous ferez connaissance avec la femme qui marque le plus Baudelaire, celle qui hante et trouble ses pensées, celle qui, à la fois ange et démon, sensuelle et tentatrice, incarne pour l'écrivain, l'idéal pour la beauté noire : vous rencontrerez Jeanne Duval sous ses divers aspects. A travers « Le serpent qui danse », vous découvrirez la beauté idéale, mais aussi la nonchalance. En effet, des ambiguïtés apparaissent tout le long du poème entre l'image de la femme et celle du serpent. Comme dans « Le chat », Baudelaire se plait à faire disparaître petit à petit l'image du cops de la femme, à la métamorphoser en un serpent dont elle possède à la fois la grâce et la cruauté. Encore une fois, ce poème est caractérisé par l'ambivalence des sentiments du poète à l'égard de ce serpent qu'est son amante : bien qu'il craigne ses « yeux, où rien ne se révèle », il ne peut s'empêcher d'être fasciné face à sa beauté nonchalante. De plus, ce poème possède un rythme particulier, et le lecteur peut presque visualiser le mouvement lent du « serpent qui danse, au bout d'un bâton » . L'image de Jeanne Duval est donc liée à jamais dans l'esprit du poète à l'exotisme, non seulement à travers des animaux, mais aussi des paysages, comme dans « Parfum exotique ». Dans ce dernier, Baudelaire nous mène à la découverte d'un paysage aussi paradisiaque qu'imaginaire. « Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,Je vois se dérouler des rivages heureuxQu'éblouissent les feux d'un soleil monotone » En effet, bien qu'il s'inspire de paysages réels, il ne s'agit ici que d'un rêve suscité par une senteur particulière : celle de son âme-soeur. Encore une fois, le poète utilise ses sens, pour faire parvenir au lecteur une image des plus vraisemblables. Le poème dégage une impression de bien-être et de bonheur qui se communique facilement au lecteur. Il emploie ses mains, sa vue « je vois » et son odorat « je respire » pour partir à la découverte du paysage mystérieux qu'est le corps d'une femme. Pour une fois, l'image présentée par Baudelaire est une image parfaite, idéalisée. Il se laisse porter par ce parfum vers des horizons inconnus et pourtant éblouissants. N'êtes-vous pas curieux de découvrir ces femmes qui ont empreint la vie et l'oeuvre de Baudelaire ? Faites leur connaissance à travers cette anthologie. Poèmes Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle Publié pour la première fois en 1857, ce poème fait partie de la section Spleen et Idéal, consacré à la première conquête de Baudelaire, Sarah la Louchette, qui a une importance moindre pour le jeune étudiant. Il ne semble pas être intéressé par cette prostituée juive, à laquelle il ne consacrera que deux poèmes, Une nuit que j'étais près d'une affreuse juive, (poème XXXII), et le poème qui suit. Tu mettrais l'univers entier dans ta ruelle,Femme impure ! L'ennui rend ton âme cruelle.Pour exercer tes dents à ce jeu singulier,Il te faut chaque jour un coeur au râtelier.Tes yeux, illuminés ainsi que des boutiquesEt des ifs flamboyants dans les fêtes publiques,Usent insolemment d'un pouvoir emprunté,Sans connaître jamais la loi de leur beauté.Machine aveugle et sourde, en cruautés féconde !Salutaire instrument, buveur du sang du monde,Comment n'as-tu pas honte et comment n'as-tu pasDevant tous les miroirs vu pâlir tes appas ?La grandeur de ce mal où tu te crois savanteNe t'a donc jamais fait reculer d'épouvante,Quand la nature, grande en ses desseins cachés,De toi se sert, ô femme, ô reine des péchés,- De toi, vil animal, - pour pétrir un génie ?Ô fangeuse grandeur ! sublime ignominie ! A celle qui est trop gaie Ce poème fait partie des six poèmes censurés à la publication du recueil, destiné à Apollonie Sabatier. Il est extrait de la section Spleen et Idéal. Ta tête, ton geste, ton airSont beaux comme un beau paysage ;Le rire joue en ton visageComme un vent frais dans un ciel clair.Le passant chagrin que tu frôlesEst ébloui par la santéQui jaillit comme une clartéDe tes bras et de tes épaules.Les retentissantes couleursDont tu parsèmes tes toilettesJettent dans l'esprit des poètesL'image d'un ballet de fleurs.Ces robes folles sont l'emblèmeDe ton esprit bariolé ;Folle dont je suis affolé,Je te hais autant que je t'aime !Quelquefois dans un beau jardinOù je traînais mon atonie,J'ai senti, comme une ironie,Le soleil déchirer mon sein ;Et le printemps et la verdureOnt tant humilié mon coeur,Que j'ai puni sur une fleurL'insolence de la Nature.Ainsi je voudrais, une nuit,Quand l'heure des voluptés sonne,Vers les trésors de ta personne,Comme un lâche, ramper sans bruit,Pour châtier ta chair joyeuse,Pour meurtrir ton sein pardonné,Et faire à ton flanc étonnéUne blessure large et creuse,Et, vertigineuse douceur !A travers ces lèvres nouvelles,Plus éclatantes et plus belles,T'infuser mon venin, ma soeur ! Dessin de Charles Baudelaire représentant Mme Sabatier, sa muse. L'invitation au voyage Ce poème a été publié en revue le 1er juin 1855 ( La Revue des Deux Mondes). Il appartient à la section Spleen et Idéal. L'auteur promet ici à Marie Daubrun un voyage vers un pays idyllique. Il semble relater une balade nocturne avec sa compagne. Au cours de ce trajet, malgré sa gaité légendaire, elle s'est laissé aller à la confidence de son mal être. Mon enfant, ma soeur,Songe à la douceurD'aller là-bas vivre ensemble !Aimer à loisir,Aimer et mourirAu pays qui te ressemble !Les soleils mouillésDe ces ciels brouillésPour mon esprit ont les charmesSi mystérieuxDe tes traîtres yeux,Brillant à travers leurs larmes. Là, tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté.Des meubles luisants,Polis par les ans,Décoreraient notre chambre ;Les plus rares fleursMêlant leurs odeursAux vagues senteurs de l'ambre,Les riches plafonds,Les miroirs profonds,La splendeur orientale,Tout y parleraitÀ l'âme en secretSa douce langue natale.Là, tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté.Vois sur ces canauxDormir ces vaisseauxDont l'humeur est vagabonde ;C'est pour assouvirTon moindre désirQu'ils viennent du bout du monde.- Les soleils couchantsRevêtent les champs,Les canaux, la ville entière,D'hyacinthe et d'or ;Le monde s'endortDans une chaude lumière.Là, tout n'est qu'ordre et beauté,Luxe, calme et volupté. 553720102870 Pierre PUVIS DE CHAVANNES, Jeunes filles au bord de la mer, 1879, 205x154 cm. Huile sur toile, Musée d'Orsay (Paris) 35638439930 Calme sur la mer Méditerranée, Ivan Konstantinovitch , huile sur toile, 1892, 216x345cm. Le chat (1) Ce poème fut publié en revue le 8Janvier 1854, sous le titre : « Sonnet ». C'est à cause de son imagination féline que Baudelaire a pu être, dès 1853 surnommé « le poète des chats ». Viens, mon beau chat, sur mon coeur amoureux ;Retiens les griffes de ta patte,Et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux,Mêlés de métal et d'agate.Lorsque mes doigts caressent à loisirTa tête et ton dos élastique,Et que ma main s'enivre du plaisirDe palper ton corps électrique,Je vois ma femme en esprit. Son regard,Comme le tien, aimable bêteProfond et froid, coupe et fend comme un dard,Et, des pieds jusques à la tête,Un air subtil, un dangereux parfumNagent autour de son corps brun. Le serpent qui danse Ce poème a été publié en revue en 1857. Il fut dédié à Jeanne Duval, la mulâtresse dont Baudelaire s'éprend. Auguste Clésinger, Femme piquée par un serpent, 1847.Statue en marbre, Musée du Petit Palais, Paris. 349758084455Que j'aime voir, chère indolente,De ton corps si beau,Comme une étoffe vacillante,Miroiter la peau !Sur ta chevelure profondeAux âcres parfums,Mer odorante et vagabondeAux flots bleus et bruns,Comme un navire qui s'éveilleAu vent du matin,Mon âme rêveuse appareillePour un ciel lointain.Tes yeux, où rien ne se révèleDe doux ni d'amer,Sont deux bijoux froids où se mêleL'or avec le fer.A te voir marcher en cadence,Belle d'abandon,On dirait un serpent qui danseAu bout d'un bâton.Sous le fardeau de ta paresseTa tête d'enfantSe balance avec la mollesseD'un jeune éléphant,Et ton corps se penche et s'allongeComme un fin vaisseauQui roule bord sur bord et plongeSes vergues dans l'eau.Comme un flot grossi par la fonteDes glaciers grondants,Quand l'eau de ta bouche remonteAu bord de tes dents,Je crois boire un vin de Bohême,Amer et vainqueur,Un ciel liquide qui parsèmeD'étoiles mon coeur ! Parfum exotique Figurant parmi les poèmes clés de la section Spleen et Idéal, ce poème célèbre Jeanne Duval, avec laquelle Baudelaire longtemps entretiendra une liaison. Ce poème évoque un paysage qui rappelle le voyage de l'auteur à l'île de La Réunion. Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,Je vois se dérouler des rivages heureuxQu'éblouissent les feux d'un soleil monotone ;Une île paresseuse où la nature donneDes arbres singuliers et des fruits savoureux ;Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,Et des femmes dont l'oeil par sa franchise étonne.Guidé par ton odeur vers de charmants climats,Je vois un port rempli de voiles et de mâtsEncor tout fatigués par la vague marine,Pendant que le parfum des verts tamariniers,Qui circule dans l'air et m'enfle la narine,Se mêle dans mon âme au chant des mariniers. Charles Baudelaire, Jeanne Duval. Dessin, 27 février 1861
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