Les genres de l'Argumentation
Publié le 09/03/2014
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A Une définition minimum L'essai fait partie des cinq grands genres littéraires. Il est défini comme un texte d'idées. En effet, il ne s'agit pas de construire un monde fictif, qu'il soit sous forme de récit ou de pièce de théâtre, mais de développer une réflexion sur un thème d'ordre littéraire, politique, religieux, scientifique, etc. La réflexion est personnelle, c'est-à-dire que c'est un « je « qui s'exprime, que l'auteur choisisse une énonciation à la première personne ou qu'il s'efface derrière l'emploi des pronoms « nous « ou « on «. L'argumentation est menée directement, sans aucun truchement. L'essai est alors donné comme l'exemple même du texte argumentatif et on y trouve l'arsenal habituel de cette forme de discours : thèse(s), arguments, exemples, connecteurs logiques. B Les Essais de Montaigne C'est Montaigne qui le premier emploie ce terme. Ses Essais, dont la rédaction et les diverses rééditions s'étalent sur une vingtaine d'années (1572-1592), sont constitués de trois livres. Ceux-ci sont divisés en chapitres qui se donnent, chacun, un thème de réflexion. L'auteur revendique une écriture très personnelle et apparemment sans souci de remise en ordre : Mes fantaisies se suivent, mais parfois c'est de loin, et se regardent mais d'une vue oblique. Pour caractériser le genre de l'essai tel qu'il est pratiqué par Montaigne, il faut être attentif au sens du mot lui-même : c'est une « tentative «, qui ne se donne pas pour aboutie mais qui, au contraire, revendique un caractère non fini. Il s'agit de rendre compte de l'état actuel d'une pensée que le lecteur est invité à suivre dans ses détours et ses méandres. Montaigne présente ainsi son travail : Ce sont ici mes humeurs et mes opinions ; je les donne pour ce qui est en ma croyance, non pour ce qui est à croire ; je ne vise ici qu'à découvrir moi-même qui serait autre demain si un nouvel apprentissage me changeait... On peut opposer l'essai selon Montaigne au traité et à la dissertation qui, eux, proposent une réflexion exhaustive et organisée, en vue de démontrer une thèse ou d'expliciter un point de vue. 2 Les autres formes de l'argumentation directe A Le pamphlet C'est un texte assez court et très violent dans lequel l'auteur s'attaque au pouvoir en place ou à une position de pouvoir (personne connue, institution). L'auteur exprime son indignation et défend sa propre vérité. B La maxime C'est un texte très bref (quelques lignes) qui énonce une opinion au présent de vérité générale, sans que celle-ci soit réellement argumentée. La maxime peut énoncer une ligne de conduite et a une visée moraliste. C La lettre La lettre, qu'elle soit réelle, fictive ou ouverte, peut être le support d'une argumentation. La lettre ouverte a un destinataire désigné mais s'adresse à un large public puisqu'elle est publiée dans la presse ou sous forme de livre. Ce public est pris à témoin et doit prendre partie dans le débat. Le texte, souvent polémique, peutdénoncer une injustice. L'essai est le genre principal de l'argumentation directe. Il se décline de diverses façons ; c'est pourquoi, s'il est facile à définir (un texte d'idées), il n'est pas facile à délimiter. Quels sont les éléments essentiels de toute argumentation ? 1 Qu'est-ce qu'argumenter ? Pour qu'il y ait argumentation il faut qu'il y ait un langage, un émetteur, un destinataire, et une thèse ou point de vue à défendre. Il s'agit de tout mettre en oeuvre pour agir sur le destinataire et l'amener à se ranger à la thèse de l'émetteur. Le destinataire peut participer à l'argumentation, c'est le cas du dialogue. L'argumentation peut lui être destinée sans qu'il puisse interagir, c'est le cas du discours par exemple. Le destinataire peut être clairement identifiable (apostrophes, impératifs, pronoms personnels de seconde personne...), ou plus vaguement (utilisation du pronom indéfini « on « à valeur inclusive, et du pronom « nous «...). Le destinateur est parfois non identifiable, c'est le cas des dissertations par exemple. 2 Comment agir sur le destinataire ? La réussite d'une argumentation se juge à l'adhésion du destinataire. Pour remporter cette adhésion, l'argumentateur doit convaincre et/ou persuader. A Convaincre Pour convaincre, il faut s'appuyer sur des arguments logiques présentés dans une argumentation sans faille dont la structure logique est bien mise en évidence. Les arguments et les exemples doivent être incontestables. On cherche à atteindre la raison et l'intelligence du destinataire. Le registre didactique est souvent employé. B Persuader Persuader, c'est jouer sur la sensibilité et les sentiments du destinataire. Aime-t-il rire de son adversaire, s'en moquer ? Quel est son système de valeurs ? Il s'agit de trouver ce qui pourrait lui plaire, ou au contraire le choquer, de manière à obtenir son adhésion. Ici on déploie tout l'art de la rhétorique et on joue sur diversregistres. C Délibérer Délibérer, c'est débattre de deux opinions différentes pour aboutir à une prise de décision. Ainsi dans un jury, chacun donne son avis et défend sa position jusqu'à la décision finale. Le dialogue est le lieu privilégié de la délibération, et le théâtre en donne de nombreux exemples. On parle de monologue délibératif lorsque, dans une tragédie, le héros, face à un dilemme, se demande que faire et expose les arguments en faveur de l'un ou l'autre choix devant lequel il se trouve. 3 Situations et enjeux de l'argumentation A Polyphonie et dialogisme Une argumentation fait toujours entendre plusieurs voix (polyphonie). En effet, même en l'absence totale des marques d'un destinataire, l'argumentateur n'est jamais seul : argumenter c'est se situer dans un débat déjà ouvert ; c'est prendre position par rapport à d'autres thèses déjà énoncées, évaluer les argumentations et les arguments. Quand l'auteur joue avec ces diverses voix et fait entendre thèse soutenue et thèse réfutée, on parle dedimension dialogique. Ainsi Diderot pour dénoncer l'esclavage, dans la Contribution à l'Histoire des deux Indes de l'abbé Raynal (1780), fait entendre deux voix, celle d'un « on « qui reprend les arguments habituels des défenseurs de l'esclavage et celle d'un « je « qui contre-argumente. Il faut alors étudier attentivement l'énonciation : on ne doit pas se tromper dans l'attribution des propos. B Les valeurs Argumenter c'est aussi s'inscrire dans un système de valeurs selon lequel l'auteur construit son argumentation, et dans un monde de croyances qui constitue le socle de sa réflexion. Le système de valeur est souvent explicité par l'utilisation d'un lexique évaluatif. Quant au monde de croyance, c'est souvent au lecteur de le déceler en analysant l'implicite et les présupposés de tel ou tel énoncé. L'argumentation met en jeu tous les éléments constitutifs de la communication.
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