Les bêtes brutes - Descartes

Les bêtes brutes, qui n'ont que leur corps à conserver, s'occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir ; mais les hommes, dont la principale partie est l'esprit devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture ; et je m'assure aussi qu'il y en a plusieurs qui n'y manqueraient pas, s'ils avaient espérance d'y réussir, et qu'ils sussent combien ils en sont capables. Il n'y a point d'âme tant soit peu noble qui demeure si fort attachée aux objets des sens qu'elle ne s'en détourne quelquefois pour souhaiter quelque autre plus grand bien, nonobstant qu'elle ignore souvent en quoi il consiste. Ceux que la fortune favorise le plus, qui ont abondance de santé, d'honneurs, de richesses, ne sont pas plus exempts de ce désir que les autres ; au contraire, je me persuade que ce sont eux qui soupirent avec le plus d'ardeur après un autre bien, plus souverain que tous ceux qu'ils possèdent. Or, ce souverain bien considéré par la raison naturelle sans la lumière de la loi, n'est autre chose que la connaissance de la vérité par ses premières causes, c'est-à-dire la sagesse, dont la philosophie est l'étude. Et, parce que toutes ces choses sont entièrement vraies, elles ne seraient pas difficiles à persuader si elles étaient bien déduites. DESCARTES.

L'ordre du texte pose le problème philosophique de la connaissance. Descartes observe les animaux : leur corps seul détermine l'occupation. Mais l'homme révèle des comportements différents. En effet, la sagesse reste le véritable objectif. Cependant l'homme ne sait pas toujours y veiller. Parfois l'excès même de sa conduite l'incite à désirer la sagesse, comme un regret. Le sujet comporte donc une explication à partir de la connaissance. Descartes pose en premier lieu les deux évidences fondamentales. Nous sommes différents des animaux, nous désirons donc autre chose. Nous avons une raison naturelle, nous pouvons donc comprendre le monde. Or, l'intérêt de ce texte est de nous inciter à réfléchir sur la condition humaine comparée à celle de l'animal. Mais aussi, cette page appelle le commentaire sur la méthode de la déduction.