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Lecture Analytique "Les Membres et l'Estomac" de Jean de La Fontaine

Publié le 03/05/2013

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Les Membres et l'Estomac, Jean de la Fontaine Vers 1650, la France a connu la Fronde, une révolte populaire des Parisiens mécontents des abus du pouvoir royal. Quelques années plus tard, devant les exigences financières croissantes du nouveau ministre Colbert, certains personnages du royaume s'inquiétaient d'une nouvelle révolte. C'est vers cette époque que La Fontaine a écrit cette fable, qui semble soutenir le roi. En ce qui concerne le texte, on trouve ici différentes sources. Tout d'abord, l'apologue des membres et de l'estomac provient d'Esope Le ventre et les pieds. On le trouve aussi chez Tite Live (cf. fin du document), Rabelais, Shakespeare (Coriolan). L'usage que fait La Fontaine de cet apologue n'est cependant pas aussi évident qu'il le semble. Nous examinerons en quoi cette fable est un apologue et qu'elle est sa fore argumentative.  I) Une fable à la strcuture complexe Plan de la fable Mise en // des trois niveaux de récit II) Une morale à la gloire de l'ordre établi, de la hiérarchie Une fable qui a toutes les apparences d'un acte de soumission au roi Un texe miné I)a) v.1 à 4 : intro + intervention du fabuliste v.5 à 20 : le récit v.21 à 23 : la morale que les membres du corps pourraient tirer de leur rébellion v.24 à 32 : la fable se comprendrait comme une allégorie du Royaume de France v.33 à 44 : un exemple historique, celui de Ménénius donne l'origine du récit et en prouve l'efficacité trois niveaux de lecture : le corps humain (l'allégorie), le royaume de France (l'interprétation), la cité de Rome (l'exemple historique) b) (cf tableau) L'élément détenteur du pouvoir et la perception qu'en donne la fable (1-2) L'élément gouverné et la perception qu'en donne la fable (3) Le sujet de récrimination et ce qui ramène l'élément gouverné sous l'autorité en place (4) II)a) o La Fontaine utilise deux sortes de vers : des alexandrins et des octosyllabes.  o Dans la première partie de la fable (v1 à 14) nous trouvons tout d'abord deux alexandrins. Cela donne une dimension solennelle à la mise en place du Roi. L'ampleur de l'alexandrin est accentuée par l'enjambement sur le vers suivant.  o Le récit se poursuit ensuite par des octosyllabes, des vers plus courts qui accélèrent le rythme. Ce passage se termine par un alexandrin au vers 13. La rime « magnificence « avec « puissance « relie l'octosyllabe à l'alexandrin (ce qui met en relief les mots représentant le Roi). Par la suite il utilise l'alexandrin avec quelques interventions de l'octosyllabe. o Dans la morale ont retrouve un octosyllabe et trois alexandrins.  b) o Le discours direct (v28-29)-paroles du Lion. Le Lion s'adresse au renard en le tutoyant ce qui montre sa supériorité.  o Le discours indirect libre (v23-24)-paroles du singe : « Il n'était ambre, il n'était fleur qui ne fût-ail au prix «  o Le discours narrativisé (il résume les paroles rapportées sans les reproduirent complètement) (v30-32)-paroles du renard.  o La Fontaine utilise trois manières de rapporter les paroles, ce qui donnent de la vie au texte, de l'animation. II)a) Récit à trois niveaux a une force persuasive conséquente. Entremêle une fable à un exemple historique pour valider un éloge du pouvoir royal. Les v.1 et 2. Acte de révérence au roi. Aveu d'un manque de respect puisqu'il aurait dû commencer par la fable qui soit à la gloire du roi (commence en fait le livre III par « Le meunier, son fils et l'âne «). b) On connaît l'hostilité de Louis XIV pour La Fontaine auquel il reproche sa trop grande liberté d'esprit et ses positions anti-colbertistes. Depuis 1657, La Fontaine avait Fouquet (surintendant des finances du Royaume) comme Mécène. Or en 1661, Fouquet tombe en disgrâce et il est arrêté pour détournement de fonds publics. La Fontaine lui reste fidèle et prend sa défense malgré l'acharnement de Colbert. Une telle attitude ne pourrait donc s'allier à un texte dans lequel La Fontaine ferait l'apologie du roi. Il faut donc chercher ce qui dans la fable constitue un second degré. Le texte par lui-même : la clé se situe en fait au début de la fable. La Fontaine écrit v.3 « A la voir [la royauté] d'un certain côté «. cela signifie que s'il existe « un côté « par lequel on peut voir la royauté comme un organe essentiel, il existe aussi « un autre côté « par lequel on peut la voir différemment ! Dans un état de pouvoir absolu, là se limite la liberté : pas de critique directe envisageable, il faut effectuer une lecture et une interprétation de simples sous-entendus. Notons ensuite par le tableau établi (2) quelques faits intéressants : La Fontaine n'hésite pas à détailler les torts qui sont faits au gouvernement romain mais n'en fait aucun à l'encontre du roi. Pourtant, si l'on applique la comparaison induite par celle de l'estomac, il faut donner au pouvoir royal les mêmes qualificatifs déplaisants (v.35-38). La subtilité du texte, c'est que cette critique n'est jamais frontale. ? Par ailleurs, si le corps dépérit pour n'avoir pas nourri Messer Gaster, le peuple de Rome de son côté n'a rien perdu en rejetant le pouvoir du Sénat. Il n'a fait que retourner à « son devoir « v.44. C'est un acte de soumission consécutif aux paroles séduisantes d'un orateur. Pour autant les paroles de Ménénius étaient-elles vraies ? Rien ne le dit. Dans ce cas, faut-il croire les paroles du fabuliste qui prétend lui aussi faire l'apologie d'un pouvoir que rien ne justifie ? Enfin, si nous sommes attentifs au texte, nous relevons v.24 « grandeur Royale «. Il s'agit ici d'être vigilant, car ce n'est pas la même chose que « le roi «. Les abords du texte Dans le livre III des Fables, on trouve après « Les membres et l'estomac «, « le loup devenu berger « puis tout de suite après « les grenouilles qui demandent un roi «. Que raconte cette fable ? Un peuple de grenouilles qui vivait en démocratie demande au ciel un pouvoir monarchique. On leur donne d'abord un soliveau (un morceau de bois) mais comme elles le trouvent trop tranquille et se plaignent, on leur donne une grue qui les dévore. Et Jupin « le Monarque des dieux « leur conseille de s'en contenter si elle ne veulent pas avoir encore pire. Ce n'est tjrs pas un texte en faveur des rois. Conclusion : Fable qui en réalité constitue une critique détournée très habile. La structure complexe de récit enchâssé permet à La Fontaine de développer un texte à double sens. C'est la seule critique possible face à un pouvoir absolu aussi rigide que celui de Louis XIV. A partir de Louis XV (1715), cette rigueur de la censure se fissure et peu à peu ; les penseurs vont oser affronter le pouvoir en place. Cela aboutira à la chute de la royauté à la fin du siècle. Tite-Live, II, 33; Esope, L'estomac et les pieds. Au temps où chez l'homme, l'harmonie ne régnait pas, comme aujourd'hui, dans toutes les parties, mais où chaque membre avait sa volonté et son langage, les autres organes, mécontents de voir que par leurs soins, par leurs efforts et leurs ministères, tout était assuré à l'estomac, que l'estomac était au milieu d'eux, bien tranquille, n'ayant rien à faire que de jouir des plaisirs qu'ils lui procuraient, s'entendirent pour que les mains cessassent de porter les aliments à la bouche, la bouche de recevoir la nourriture donnée, les dents enfin de la broyer. Sous l'influence de cette colère, comme ils voulaient venir à bout de l'estomac par la faim, les membres, à leur tour et le corps tout entier en vinrent eux aussi à un extrême dépérissement. Alors on put voir que l'office du ventre lui non plus n'était pas inutile, mais qu'il nourrissait s'il était nourri, renvoyant dans toutes les parties du corps cet élément qui est notre vie et notre force, qui se répartit également dans les veines, qui arrive à sa perfection par l'assimilation des aliments, le sang. (Tite-Live) Le corps La France Rome (1) Messer Gaster v.4 (nom d'origine grecque pour l'estomac. Expression empruntée à Rabelais) Grandeur royale v.24 (attention ce n'est pas le roi) Le Sénat v. 34 [Cf. Les Patriciens] (2) Il est d'abord perçu négativement « oisif et paresseux « v.22 Puis positivement « A l'intérêt commun contribuait plus qu'eux « v.23 contexte d'échange inégal. Cette inégalité s'inverse entre début et fin du récit (prend plus qu'il ne donne puis donne plus qu'il ne reçoit). Pas de vision totalement négative. D'abord idée d'échange : v.25 « reçoit et donne...chose égale « ; v.26 « tout travaille pour elle et réciproquement « Puis idée de don : v.27 « fait subsister « ; « enrichit « v.29 ; « maintient « v.30 ; « donne paie « v.30 ; « distribue « v.31 ; « entretient seule tout l'Etat « v.32 d'abord échange puis don total (plus fort) Vision d'abord négative : « avait tout l'empire, le pouvoir, les trésors, l'honneur, la dignité... « v.35-36 Pas de vision positive directement donnée. La fable précise simplement que le peuple est ramené « dans [son] devoir « v.44 après avoir entendu la fable de Messer Gaster. aucune justification politique sur le gvt romain. (4) Sujet de récrimination : l'inégalité des efforts v.9-12 C'est l'affaiblissement du corps qui est le porte parole et en même temps l'élément de retour à la raison v.18-20 « tombèrent en langueur / plus de nouveau sang / les forces se perdirent « Aucun sujet de récrimination n'est donné directement. La Fontaine le porte parole du pouvoir royal ? Ramènerait la foule des nobles de la fronde dans le giron du pouvoir central par le biais d'une fable reprise de l'antiquité ? Pas si sûr... Récrimination aux v.34-39. Conforme au récit de Tite Live [Cf. les Plébéiens se sentant exploités s'étaient retirés à l'écart de Rome, sur le Mont sacré] Ménénius v.33 le porte parole du Sénat ramène la foule à la raison en racontant une fable v.41-44 [Chez Tite Live, Ménénius Agrippa a été envoyé car doué pour l'éloquence et susceptible de susciter la sympathie des Plébéiens, lui-même étant d'origine populaire. Ainsi serait née l'éloquence à Rome] (3) « Tout le corps « v.5 (mains v.14, membres v.6-20, bras, jambes v.15) Cpdt, on trouve déjà la clef de l'interprétation avec d'autres termes : v.7 « vivre en gentilhomme «, v.10 « bêtes de somme « (+ noter comment proximité phonétique renforce opposition sémantique ; noter aussi le rejet ironique « sans rien faire « v.8) « pauvres gens « v.18 + « mutins « v.21 (nuance péjorative) « Tout « v.26-27 : « artisan « v.28, « Marchand « v.29, « Magistrat « v.29, « Laboureur « v.30, « soldat « v.30, « l'Etat « v.32 fonctions très diverses du corps social. Tous les secteur sont concernés (agriculture, industrie, commerce, armée, justice) « La Commune « v.34, « les mécontents « v.35, « le peuple « v.39

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