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Lecture Analytique: LE DORMEUR DU VAL DE RIMBAUD

Publié le 02/10/2010

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lecture

 

« Le dormeur du val « est un des premiers poèmes de Rimbaud(1854-1906). Le poète a environ 16 ans lorsque refusant toute autorité, il fugue pour la deuxième fois du domicile parental de Charleville. A cette époque, il recopie 22 poèmes dans un cahier qu’il confie à Paul Demeny, poète également. Ce poème en fait partie, écrit pendant son errance en octobre 1870 en pleine guerre franco-prusienne.( Rimbaud s’est révolté contre la guerre dans certains de ces 1ers poèmes : « Le Mal «, « Les Corbeaux «, « Le Dormeur du val «). Ce dernier poème publié en 1888, ne recourt pas au ton de l’indignation, le poète feint de découvrir avec le lecteur le spectacle de la mort. Si ce poème reprend la forme classique du sonnet,  le thème choisi, le ton adopté et quelques audaces sur la forme, annoncent déjà la poésie moderne.

I) Un paysage idyllique

Quel est le cadre de ce poème ?

Qu’est-ce qui caractérise cette nature ?

   A)Ce paysage est inondé de lumière : « argent «, « soleil «, « luit «, « rayons «.

   La qualité particulière de la lumière est mise en relief par les rejets : « luit «et « d’argent « vers 3 et 4 .

   Cette lumière est démultipliée par le jeu de la réverbération des rayons du soleil sur la rivière qui est mise en relief par la personnification : « « accrochant follement aux herbes des haillons d’argent « . L’image est d’autant plus saisissante qu’elle est antithétique « haillons « évoquant la pauvreté, par opposition à « argent «. Il y a donc une sorte de féerie du lieu qui « changerait la boue en or «. L’intensité de la lumière est aussi rendue sensible par la métaphore : « la lumière pleut « où les liquides renforcent cette impression.

   B) Cette nature est pleine de vie et de gaieté

    , elle régit des verbes d’action : « chante une rivière « ; « le soleil luit «, « le petit val qui mousse «, « la lumière pleut « . L’animation de la nature est mise en relief par sa personnification et les enjambements et les rejets qui renforce l’impression d’exubérance.

   Cette évocation de la nature est placée sous le signe de la gaieté : « chante «, « follement «.

   C) Cette nature met en éveil les sens de façon tout à fait agréable. On note l’importance du champ lexical des couleurs : « verdure «, « argent «, « bleu «, « vert «, les sensations olfactives sont elles aussi éveillées : « les parfum «, on entend le bruit du cours d’eau « chante une rivière «.Du point de vue tactile se dégage une impression de fraîcheur : « la nuque baignant dans le frais cresson bleu «.

Se dégage de ce paysage un sentiment de bien-être, de bonheur. Il s’agit d’un endroit idyllique .

Description méliorative du val : intensité de la lumière, la vie, les sensations agréables qu’il provoque. Ce poème s’inscrit dans la tradition de la poésie bucolique

 

II) qui est le tombeau d’un jeune soldat.

 

Quel  personnage entre en scène dans ce cadre idyllique

 

Est-il fortement caractérisé ?

 

Que semble-t-il faire ?

 

A quel vers apprend-on qu’il en est autrement ?

 

 Comment appelle-t-on le dernier vers du sonnet ?

Quel effet provoque ce dernier vers sur le lecteur ?

 

Que l’invite-t-il à faire ?

 

Qu’entendait donc le poète par « dormir « ?

Quelle est donc la figure de style employée ?

Quels autres euphémismes parcourent le poème ?

Quelles notations pouvaient encore nous mettre sur la voie ?

Montrez que certains procédés stylistiques rompaient déjà l’harmonie ?

 

      La caractérisation du personnage

 

   Le personnage qui n’est évoqué qu’à partir du deuxième quatrain et qui apparaît dans ce cadre enchanteur est un soldat. On sait peu de choses sur lui excepté le fait qu’il soit jeune.

 Il semble s’être assoupi, faire une sieste ce que souligne la répétition du verbe « dormir « vers 7, 9,13 et l’expression « il fait un somme «. On notera que le poète insiste sur ce fait par l’emploi du rejet vers 7.

 

    B) Le constat tragique de la mort

Mais au vers 14, on apprend qu’il en est autrement : « il a deux trous rouges au côté droit «. On remarquera que la mort du soldat est annoncée de façon métonymique (cause pour la conséquence) et euphémistique. Cette formulation d’une neutralité efficace a pourtant un puissant pouvoir de suggestion . Cette mort est annoncée sur le mode du constat. Cette chute provoque un effet de surprise chez le lecteur et l’invite à relire l’ensemble du poème pour relever les indices qui auraient pu le mettre sur la voie.

 Quand on relit le poème attentivement, on s’aperçoit que le motif de la mort du soldat se développe peu à peu.

 

C)Les indices qui annonçaient l’annonce finale.

    ➢ les rejets et le contre-rejet brisent l’harmonie classique par des effets de rupture, qui empêchent d’adhérer au paysage idyllique du poème, rythme heurté.

    ➢  Les couleurs générales du poème sont froides ( vert, bleu, argent).

    ➢  Le terme « trou « présent dès le premier vers peut rétrospectivement évoquer la tombe, et ce mot fait écho aux « deux trous rouges « évoquant de façon brutale la mort du jeune homme.

    ➢  Sa situation au sol ou plutôt dans le sol n’est pas anodine, et l’emploi de la préposition spatiale « dans « l’est encore moins : « il est étendu dans l’herbe « et non sur l’herbe. Il est en terre, enseveli.

    ➢  Il est alité et en mauvaise santé : « lit de verdure «, « comme sourirait un enfant malade «. D’ailleurs, on notera que chaque mention positive ( sourire,  soleil) est compensée par un terme négatif ( malade, froid) vers 14

    ➢ Par ailleurs, le mot « dort « revient avec trop d’insistance et est en fait un euphémisme pour signifier qu’il est mort .

    ➢ D’autres euphémismes jalonnent le poème, comme le vers 12 qui revêt une tournure négative : «  les parfums ne font plus frissonner sa narine « et signifie qu’il ne respire plus, même chose pour l’expression : « sa poitrine tranquille « qui évoque le fait que son cœur ne bat plus.

    ➢  L’expression « il a froid « est proche de l’expression « il est froid «qui renvoie à la rigidité cadavérique .

    ➢ Enfin, le titre même du poème annonçait la chute, si on décompose le nom « dormeur «. Le soldat dort-il ou meurt-il ?

   Les indices qui brouillaient les pistes.

   A la décharge du lecteur l’adjectif « souriant «mis en relief par la diérèse et l’adjectif «  tranquille « rejeté en début de vers nous invitaient à constater la quiétude et le bonheur du soldat et non à lire sa mort tragique.

 

III) Une dénonciation de la guerre et de son absurdité

 

Quel effet est produit par la juxtaposition de cette nature enchanteresse et de ce cadavre ?

Quelle est la visée de ce poème ?

    A) Un contraste saisissant

Le dormeur du val crée un climat d’apparence paisible, un cadre agréable auquel le lecteur se laisse prendre, avant la découverte macabre finale. Il y a donc un contraste saisissant . Les notations renvoyant à la vie sont associées à la nature, celle renvoyant à l’immobilisme, à l’absence de vie au soldat. Il n’ y a plus personne pour respirer les parfums des fleurs, entendre le chant de la rivière ou se laisser réchauffer par le soleil. La mort a envahi les lieux. C’est l’absurdité de la guerre qui est dénoncée. Ce soldat devrait dormir et profiter du spectacle que lui offre la nature à son réveil.

 

      Une mort en pleine force de l’âge

 

Cette mort est d’autant plus scandaleuse qu’il s’agit d’un tout jeune homme .

 C’est le scandale de la mort d’un  homme dont la jeunesse est rendue sensible par l’emploi de l’adjectif « jeune « et par l’évocation de la terre mère qui doit le bercer. Il a donc été  fauché par la guerre en pleine jeunesse .

c) La puissance de la dénonciation

 Ce soldat a perdu son casque : « tête nue «, il a été tué par balles : « deux trous rouges au côté droit «. La violence de cette mort est rendue sensible par l’assonance en [u] et l’allitération en [t] et en [d].

Cette mort est d’autant plus frappante que le poète retardait la chute finale en évoquant le soldat uniquement  de façon métonymique avec une succession de gros plans sur sa « tête «, « sa nuque «, « sa narine «, « sa poitrine « . D’ailleurs on lit ici la modernité de Rimbaud qui balaie ce paysage du regard en partant du panorama pour finir par un zoom sur les impacts des balles . Il y a donc un resserrement du champ visuel.

Ce soldat, comme nous l’avons remarqué, n’est pas clairement identifiable, ainsi on note l’emploi de l’indéfini « un «, il s’agit donc d’une dénonciation de la guerre qui cause la perte de milliers de jeunes soldats.

 

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