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Lecture Analytique La Princesse de Clèves

Publié le 17/10/2013

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Texte original: "Il parut alors une beauté à la cour, qui attira les yeux de toutle monde, et l’on doit croire que c’était une beauté parfaite,puisqu’elle donna de l’admiration dans un lieu où l’on était siaccoutumé à voir de belles personnes. Elle était de la même maisonque le vidame de Chartres et une des plus grandes héritièresde France. Son père était mort jeune, et l’avait laissée sous laconduite de Mme de Chartres, sa femme, dont le bien, la vertuet le mérite étaient extraordinaires. Après avoir perdu son mari,elle avait passé plusieurs années sans revenir à la cour. Pendantcette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de safille ; mais elle ne travailla pas seulement à cultiver son espritet sa beauté, elle songea aussi à lui donner de la vertu et à la luirendre aimable. La plupart des mères s’imaginent qu’il suffit dene parler jamais de galanterie devant les jeunes personnes pourles en éloigner. Mme de Chartres avait une opinion opposée ;elle faisait souvent à sa fille des peintures de l’amour ; elle luimontrait ce qu’il a d’agréable pour la persuader plus aisémentsur ce qu’elle lui en apprenait de dangereux ; elle lui contait lepeu de sincérité des hommes, leurs tromperies et leur infidélité,les malheurs domestiques où plongent les engagements ; etelle lui faisait voir, d’un autre côté, quelle tranquillité suivait lavie d’une honnête femme, et combien la vertu donnait d’éclatet d’élévation à une personne qui avait de la beauté et de la naissance.Mais elle lui faisait voir aussi combien il était difficile deconserver cette vertu, que par une extrême défiance de soimêmeet par un grand soin de s’attacher à ce qui seul peut fairele bonheur d’une femme, qui est d’aimer son mari et d’en êtreaimée.Cette héritière était alors un des grands partis qu’il y eût enFrance ; et quoiqu’elle fût dans une extrême jeunesse, l’onavait déjà proposé plusieurs mariages. Mme de Chartres, quiétait extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne desa fille ; la voyant dans sa seizième année, elle voulut la menerà la cour. Lorsqu’elle arriva, le vidame alla au-devant d’elle. Ilfut surpris de la grande beauté de Mlle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveuxblonds lui donnaient un éclat que l’on n’a jamais vu qu’à elle ;tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa personneétaient pleins de grâce et de charmes."   Un portrait esquissé Le passage constitue la première apparition de l’héroïne éponyme du roman. Il revêt donc une importance capitale pour le lecteur qui attend un certain nombre d’informations sur le personnage principal ; le portrait physique, notamment, est un passage obligé. Pourtant, les attentes du lecteur sont partiellement comblées, puisque le portrait physique concentre seulement quelques lignes, à la fin de l’extrait. Le narrateur semble s’amuser avec son lecteur, puisqu’il retarde ces informations tant attendues. L’extrait débute ainsi par un passage narratif, au passé simple, qui annonce l’arrivée d’un personnage exceptionnel, encore anonyme, désigné par les termes élogieux de « beauté « (l. 1), « beauté parfaite « (l. 2). Son nom n’est pas immédiatement donné : sa mère, Mme de Chartres, est citée la première. Ce n’est qu’à la ligne 27 qu’elle est désignée pour elle-même, dans une expression qui relie sa caractéristique fondamentale, donnée dès le début, et son nom : « la grande beauté de Mlle de Chartres «. Le personnage apparaît donc progressivement, son identité n’est révélée qu’à la fin, comme si les lecteurs étaient amenés à partager le point de vue des autres personnes de la cour qui découvrent Mlle de Chartres. Le portrait physique, à la fin de l’extrait, donne les grandes caractéristiques du personnage, sans former un portrait abouti. Conformément à l’esthétique classique, cette héroïne possède des « cheveux blonds « (l. 28), son « teint « est marqué par la « blancheur « (l. 27), signe de noblesse et de pureté, elle a des « traits réguliers « (l. 29), conformément aux canons de la beauté classique. Aucun trait ne permet de singulariser ce personnage : les portraits dans les romans du XVIIe siècle sont très éloignés de la précision de ceux du XIXe ! En revanche, le narrateur insiste davantage sur l’identité sociale du personnage. De noble extraction, elle peut entrer à la cour. Le narrateur souligne sa parenté avec de nobles personnages (« Elle était de la même maison que le vidame de Chartres «, l. 3-4) et l’excellence de sa situation est mise en valeur à l’aide de tournures superlatives présentes aux lignes 4 : « une des plus grandes héritières de France « et 20 « Cette héritière était alors un des grands partis qu’il y eût en France «. Le rappel, à deux reprises, du mot « héritière « signale le jeune âge du personnage, sa nubilité, et préfigure son mariage. Le portrait permet donc d’informer le lecteur sur l’intrigue possible. Le personnage apparaît remarquable. Les marques de jugement du narrateur remplacent les informations objectives : le lexique valorisant abonde dans cet extrait pour désigner Mlle de Chartres ou sa famille : outre la « beauté «, on signale des qualités morales et intellectuelles : « la vertu et le mérite étaient extraordinaires « (l. 6), « son esprit « (l. 9), « vertu « (l. 10), ce qui est résumé aux lignes 29-30 : ses traits sont « pleins de grâce et de charmes « (l’assonance en [a] amplifie cet éloge). Qualités physiques, noblesse et vertu rendent donc ce personnage exceptionnel. L’importance du portrait moral Le narrateur s’attache davantage à construire le portrait moral du personnage, ce qui fait rentrer cette oeuvre dans la catégorie des romans psychologiques. Pour aider à saisir le personnage, le narrateur effectue une analepse, lignes 5 à 20. Le passé de Mlle de Chartres permet de comprendre sa personnalité. Élevée dans un milieu féminin (l. 5 « Son père était mort jeune «), elle se voit également éloignée de la cour et des aventures galantes, puisque sa mère « avait passé plusieurs années sans revenir à la cour « (l. 7) et que « pendant cette absence, elle avait donné ses soins à l’éducation de sa fille « (l. 8). Si cette mention du narrateur permet d’expliquer l’admiration et la surprise des personnes de la cour devant Mlle de Chartres, elle permet également de saisir sa personnalité. Au moment où Mlle de Chartres entre à la cour, elle est ignorante des affaires galantes et ne peut y succomber. La figure de Mme de Chartres domine cet extrait et participe également à la construction du personnage de la Princesse. Personnage exceptionnel par ses qualités énumérées ligne 6, elle porte toute son attention à l’éducation de sa fille, comme le montrent les expressions verbales « elle avait donné ses soins « (l. 8), « elle ne travailla pas seulement à « (l. 8-9). Le verbe « cultiver « (l. 9) connote l’idée de travail long et minutieux. L’éducation portée à Mlle de Chartres est essentiellement morale ; elle est originale, comme le souligne le narrateur dans deux phrases opposées, lignes 10 à 12 : « La plupart des mères s’imaginent […]. Mme de Chartres avait une opinion opposée «. La première phrase, longue, mentionne l’attitude commune des mères qui dissimulent les dangers de la séduction, tandis que la deuxième, qui s’oppose à la précédente (avec une asyndète), composée de segments brefs distingués par des points virgules, montre les paroles sans artifices de Mme de Chartres. Celles-ci occupent l’essentiel du passage, des lignes 12 à 21. Ces paroles rapportées au style narrativisé opposent deux attitudes : celle des hommes (que le pluriel généralise), considérés comme des séducteurs (« peu de sincérité «, « tromperies «, « infidélité «, l. 14-15), et l’attitude des femmes qui se laissent abuser alors qu’elles sont mariées se distinguent du comportement vertueux de l’« honnête femme « (l. 17). Le singulier ici employé montre clairement combien cette façon d’être est peu commune. Aux « malheurs « s’opposent les subordonnées exclamatives « quelle tranquillité « (l. 16-17) et « combien la vertu […] «. Le discours de Mme de Chartres se révèle habile, comme le manifeste l’emploi du mot « persuader « (l. 13) : elle insiste sur les bienfaits que sa fille peut recueillir par une conduite vertueuse, sans déguiser les difficultés. La morale inculquée par Mme de Chartres est austère : si celle-ci invite à se méfier des séducteurs, elle conseille aussi à sa fille de se méfier d’elle-même et de la passion, dans une morale teintée de jansénisme. Les thèmes du roman sont ici annoncés : le mariage de Mlle de Chartres, son abnégation, son amour sacrifié se trouvent expliqués. Synthèse Mlle de Chartres est un personnage exemplaire pour plusieurs raisons : sa noblesse et sa beauté manifestées à plusieurs reprises la signalent comme l’héroïne du roman. Mais sa conduite, guidée par les paroles de sa mère, est vertueuse. Son refus de la passion, singulier dans ce monde da galanterie, en fait un personnage hors du commun.
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« personneétaient pleins de grâce et de charmes."   Un portrait esquissé Le passage constitue la première apparition de l'héroïne éponyme du roman.

Il revêt donc une importance capitale pour le lecteur qui attend un certain nombre d'informations sur le personnage principal ; le portrait physique, notamment, est un passage obligé.

Pourtant, les attentes du lecteur sont partiellement comblées, puisque le portrait physique concentre seulement quelques lignes, à la fin de l'extrait.

Le narrateur semble s'amuser avec son lecteur, puisqu'il retarde ces informations tant attendues. L'extrait débute ainsi par un passage narratif, au passé simple, qui annonce l'arrivée d'un personnage exceptionnel, encore anonyme, désigné par les termes élogieux de « beauté » (l.

1), « beauté parfaite » (l.

2).

Son nom n'est pas immédiatement donné : sa mère, Mme de Chartres, est citée la première. Ce n'est qu'à la ligne 27 qu'elle est désignée pour elle-même, dans une expression qui relie sa caractéristique fondamentale, donnée dès le début, et son nom : « la grande beauté de Mlle de Chartres ». Le personnage apparaît donc progressivement, son identité n'est révélée qu'à la fin, comme si les lecteurs étaient amenés à partager le point de vue des. »

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