Lecture analytique du Monologue de Figaro, le Mariage de Figaro
Publié le 20/05/2013
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Lecture analytique n°3: Un célèbre monologue, Acte V, scène 3 Problématique: Que dénonce Figaro dans son monologue? Introduction: Beaumarchais est considéré comme l'un des plus grands dramaturges français. En 1784, il a su, avec Le Mariage de Figaro, renouveler l'écriture dramatique mais aussi poser de nouveaux rapports entre les personnages traditionnels de la comédie que sont les maîtres et les valets. Dans cette pièce, le valet Figaro et son maître le Comte Almaviva sont rivaux, puisque le Comte veut exercer son «droit du seigneur« sur Suzanne, la fiancée de Figaro, en obtenant d'elle un rendez-vous galant avant son mariage. Mais Figaro, Suzanne et la Comtesse se coalisent pour faire échouer les projets du Comte et sauver le mariage des deux serviteurs. L'extrait étudié est le monologue de Figaro, qui le plus long monologue du théâtre français. La faconde de Figaro, qui rappelle celle de son créateur Beaumarchais, se révèle particulièrement dans le très célèbre monologue de l'acte V, au cours duquel le héros se montre tour à tour révolté, brillant, émouvant et profond. En résumé, Figaro apparaît comme un personnage mouvant et complexe, comme l'un des principaux moteurs dramatiques de la pièce. On pourra se demander que dénonce Figaro dans son monologue. I-La dénonciation du manque de liberté d'expression A cette étape de l'intrigue, Figaro est également dupe du petit manège de Suzanne et de la Comtesse. Il pense que le Comte est sur le point de lui dérober Suzanne, ce que confirme la fin de l'extrait: «il veut intercepter la mienne«. Figaro est donc dans un état de colère et de dépit, ce qu'exprime la nécessité du personnage de s'expliquer. L'on peut considérer, en outre, le monologue de Figaro comme l'expression d'un sentiment d'injustice, motivé par les présomptions du personnage, qui ignore une partie du stratagème de Suzanne et de la Comtesse. Le temps qui domine le monologue de Figaro est le présent de l'indicatif. Ce choix est très suggestif car il permet d'actualiser les actions narrées ou les évènements décrits. Le présent montre en outre que Figaro semble revivre les actions et dialogue avec son propre passée en rendant les situations vivantes. Le présent de l'indicatif permet en effet de créer une proximité entre le moment du monologue et les actions relatées. Enfin, le présent est le temps du dialogue, et son emploi dans le monologue crée l'impression que Figaro s'adresse à un interlocuteur fictif. Au début de l'extrait, Figaro s'en prend «aux puissants de quatre jours«, c'est-à-dire ceux qui détiennent un pouvoir éphémère et temporel. Ce pouvoir se manifeste notamment par la censure, à laquelle Figaro fait explicitement allusion. L'une des formules les plus célèbres de la pièce apparaît d'ailleurs dans cet extrait: «sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur; et qu'il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits«. Cette remarque s'adresse directement à ceux qui ont le pouvoir entre les mains et qui refusent la liberté d'expression. C'est pourquoi les invectives de Figaro s'adressent, de manière générale, à l'autorité politique qui interdit ou autorise la publication de certains écrits. Selon toute évidence, on peut deviner derrière ces remarques de Figaro l'expérience de Beaumarchais qui a dû retoucher plusieurs fois sa pièce avant qu'elle ne soit représentée. A un autre niveau de lecture du monologue, on peut considérer que Figaro s'en prend à la corruption du monde et à une société atteinte par la malhonnêteté généralisée. II-La revendication d'une société plus juste Figaro a exercé de nombreuses professions, et il a accumulé un certain nombre d'expériences professionnelles assez romanesques: journaliste, employé dans une maison de jeu («banquier de pharaon«), entremetteur. Tout l'intérêt ici du récit, c'est la mise en scène des difficultés que rencontre un roturier qui veut se frayer un chemin. Le passé du personnage est celui d'une lutte pour parvenir à se faire un nom et une place. Mais le plus intéressant est que Figaro intègre sa propre existence aux conditions économiques et politiques de son temps. Il évoque ainsi «un système de liberté sur la vente des productions, qui s'étend même à celle de la presse«, qui lui permet d'exercer ses talents de plume. Ces éléments ont forgé une certaine ironie chez le personnage qui a appris à détourner la censure. L'accumulation des domaines dont un journaliste ne doit pas parler procède en effet de l'ironie, ce que confirme l'antiphrase «douce liberté«. Par le passé, Figaro s'est aguerri aux interdits et sait comment contourner l'autorité de laquelle il dépend. Mais malgré le caractère ironique et cocasse de ces mésaventures professionnelles, le ton du monologue laisse transparaître une amertume vis-à-vis du présent. Implicitement, Figaro considère qu'il a suffisament fait pour obtenir reconnaissance et quiétude. Or, l'intrigue du Mariage de Figaro le plonge à nouveau dans un imbroglio d'intrigues dont lui-même constate la complexité. A cet égard, la description du passé du personnage fonctionne comme un miroir tendu vers le présent de l'action. Figaro rappelle les héros des romans picaresques qui traversent de nombreuses épreuves et connaissent bien des mésaventures. C'est la succession des évènements narrés qui confère à l'existence de Figaro une dynamique romanesque. L'intrigue espagnole de la pièce confirme d'ailleurs cette piste: la vie de Figaro est remplie de rebondissements, de coups de théâtre et de renversements. Mais à la différence des héros picaresques, Figaro est un homme lettré qui a essayé par différentes manières de s'intégrer dans la société, sans y parvenir réellement. Ce récit de son passé par un valet crée une rupture avec la représentation traditionnelle du valet de comédie. Conclusion: Le monologue de Figaro, l'un des plus longs du répertoire français, constitue un grand moment de bravoure pour l'acteur. Dans ce passage de la pièce, le héros est au centre des regards et doit maintenir l'attention du spectateur. Le contenu du monologue est savamment construit et équilibré. Beaumarchais raconte les mésaventures de son personnage, tout en instillant dans son discours des propos politiques voire polémiques. On peut également considérer que le monologue de Figaro est une sorte de «pause« dans cette folle journée. Le héros fait le bilan de sa vie, s'adresse au public et à lui même et tente, en évoquant ses souvenirs, de comprendre son présent.
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