Lecture Analytique De L'Ingénu Par Voltaire

Concernant l'Ingénu de Voltaire.

Ce texte est un texte à caractère argumentatif, c'est donc l'objet majeur de ce conte philosophique. On défend un point de vue, une thèse, des idées...

On aperçoit alors 3 démarches argumentatives :

Convaincre, faire appel à la raison du destinataire.

Persuader, faire appel aux sentiments, à l'émotion du destinataire.

Délibérer, peser le pour et le contre pour prendre une décision.

Le mouvement culturel et littéraire du XVIII ème siècle

Courant de pensées européen qui s'imprègne des arts et de la culture. Les lumières c'est une métaphore : « Les lumières de la raison dissipent les ténèbres de l'obscurantisme «. La connaissance, la logique, la rationalité, l'intelligence, l'esprit critique permettent à l'homme d'abandonner la superstition.

Les philosophes sont des engagés, ce sont des intellectuels. Ils veulent développer l'esprit critique. Ils prônent le progrès et le bonheur. Ils luttent contre l'absolutisme, contre l'intolérance, etc...

=> Gens instruits appartenant à une élite sociale, ayant une la devise suivante : « Aie le courage de te servir de ton propre entendement «. Certains d'entre eux, connaissent la prison, l'exil, la censure.

Voltaire

Vrai nom : François-Marie Arouet. (1694-1778). C'est un déiste. Littéraire,  il a écrit des tragédies, des contes philosophiques, des poèmes, du théatre (Oedipe, 1718). Il a beaucoup voyagé. S'est exilé, etc.

L'ingénu

C'est donc un conte philosophique. Il expose indirectement un point de vue sur la morale, la politique, la religion. Ce livre est publié en 1767, et écrit en Suisse. 

Se passe au XVII; règne de Louis XIV (absolutisme); après révocation édit de Nantes. C'est un Huron qui arrive en France > il va faire l'apprentissage de la société française. Il va développer ses capacités de critique.

Ingénu signifie né libre. Ce fut aussi un synonyme de naïf.

Incipit, LA n°1. Du début à « je suis un huron, lui répondit le jeune homme « 

L'incipit doit introduire le lecteur. Comment ce début de conte met en place la fiction et la dimension satirique ?

Signe d'humour à venir : la date très précise. Champ lexical de la mer. Soit une toponymie qui permet de situer l'histoire en Bretagne. => Un cadre spatio-temporel ancré dans la réalité.

Noms bretons, liens familiaux, statut social et appartenance à une communauté, esquisse d'un portrait moral. => des personnages s'inscrivant de façon apparemment vraisemblable dans l'univers.

Événement perturbateur ; arrivé inopiné du jeune homme. Vient un portrait physique mélioratif avec la beauté et l'étrangeté.

SOIT l'incipit fournit au lecteur les repères attendus : les éléments de l'histoire, lieu, espace, personnages. C'est un récit court, il faut vite emporter rapidement l'adhésion.

Dimension satirique (utiliser le rire comme arme) :

Le préambule est donc fabuleux avec des histoires de saints jugées invraisemblables et ridicules par les Lumières. « saint de profession « : Moquerie car la sainteté n'est pas un métier. L'église reconnaît tout un tas de saint plus ridicule les uns que les autres. La « montagne « qui se déplace se moque du merveilleux chrétien (la foi déplace les montagnes). => Cette petite histoire préalable est à la fois un mythe fondateur sommaire et ridicule, parodie de légende sainte, conte merveilleux et incohérent. Une plaisanterie destinée à avertir le lecteur du jeu qui va suivre. Par opposition, elle permet d'affirmer la vraisemblance du récit.

Seconde critique du religieux : le réalisme caricatural et comique.

Kerbabon : Allusions grivoises : « aimé de ses voisins après l'avoir été... «. Ridiculisation du clergé en dénonçant son comportement. Tout le clergé fait ripaille. Il lit Rabelais et non St augustin. Ces deux auteurs s'opposent de façon criante. Mlle de K. est contradictoire. Elle aime le plaisir et est dévote. Le Huron apparaît tel un être frais et franc. Age, physique, dynamisme s'opposent aux personnages précédents. Thème du conte : Le choc entre une nature dit sauvage et une société + Le passage des brumes de l'obscurantisme aux lumières de la raison.

Les invraisemblances font parties du jeu du C.P., s'appuyant sur l'humour et l'ironie. Invraisemblance du dialogue du prieur et de sa sœur. Dialogue peu naturel, précision étrange du nom des parents, de la date... Dans une phrase de lamentation : peu crédible ! Usage de la logique formelle, moyen comique. Toujours avec Rabelais. Utilisation de l'humour. Effet comique du décalage entre la précision extrême de la date, comme pour un grand événement et la raison futile de l'action « pour prendre le frais «

Conclusion : Cet incipit répond aux exigences du début en présentant des personnages, une situation initiale et un événement déclencheur. Cependant l'ancrage spatio-temporel réaliste n'appartient guère au genre. Le C.P.  À ses propres règles et objectifs : si Voltaire situe son histoire peu après la révocation de l'édit de Nantes, c'est qu'il veut dénoncer l'intolérance de l'Église. La satire religieuse est le thème majeur de l'Ingénu. Le caractère philosophique du conte est clairement affirmé dès l'incipit.

L'ingénu baptisé. LA n°2. Chapitre IV en entier.

Situation Tous disent que le huron doit se faire baptiser. Il a une éducation religieuse. L'Ingénu a appris la Bible. Il s'apprête à recevoir le baptême mais le rituel religieux ne correspond plus à ce que raconte la Bible.

Comment Voltaire orchestre-t-il sa critique de la religion catholique dans l'épisode du baptême ?

I – la controverse sur le baptême : la critique de l'Eglise II – Parodie de baptême la dérision des dogmes.

La controverse sur le baptême, critique de l'église

Voltaire met en évidence ses limites et ses contradictions en utilisant l'esprit naïf mais logique du personnage.  L'ingénu soutient que son baptême n'est pas correct, il n'est pas comme décrit sur la Bible. Début d'un débat, d'une dispute. Terme polémiques, affirmation d'une opinion, discrédit de l'adversaire, provocation de l'adversaire. Son argument est le suivant : « c'est écrit dans la Bible «. Le clergé lui oppose simplement la coutume, c'est un court argument théologique. Ils n'arrivent pas à argumenter et c'est flagrant. Voltaire dénonce le catholicisme en prônant les divertissements alors qu'ils sont interdits dans la religion catholique. Hercule n'est pas un religieux = ignorance. => Voltaire dénonce les hommes d'église, le catholicisme intolérant et se lecture tendancieuses de la bible dont les préceptes sont oubliées au profit d'usages discutables érigés en principes intangibles mais sans fondements raisonnables.

La parodie de baptême : la dérision des dogmes

L'ironie discrédite les dogmes, les rites religieux. Le début du passage ressemble à une scène de farce (demoiselles émoustillées, juron). La conversion du Huron est parodique. La grâce divine est remplacé par la grâce attendrissante de Mlle de St Yves. Scène de séduction caricaturale utilisant le vocabulaire des romans sentimentaux. Voltaire joue à la fois avec l'hyperbole amoureuse et le blasphème dans la gradation symbolique. Le récit du baptême est alors qu'un résumé, comme s'il n'y avait rien à dire. L'acte central du chapitre est à peine évoqué. Voltaire s'amuse de la fausse pudeur des dévotes après la plaisanterie du jésuite. => Tout le monde est finalement moqué et le baptême ridiculisé.

Conclusion Voltaire poursuit son procès du catholicisme, de ses représentants et de ses dogmes en montrant une religion dévoyée qui, par ses abus ou sa bêtise, encourage la superstition. Il orchestre sa critique violente en jouant avec la légèreté du conte, l'arme de l'ironie et la dérision de la farce. Ce chapitre est représentatif de l'œuvre par le thème qu'il développe. L'anticipation ménage le suspens.

Chapitre IX Arrivée de l'Ingénu à Versailles. Sa réception à la cour. LA n°3 du début à « Ils ravageraient actuellement la Basse-Bretagne tout à leur aise «

Ce chapitre est consacré à la critique politique (le gros bordel hiérarchique de Versailles, quoi). Le huron vient chercher une dispense pour épouser sa marraine, Mlle de St Yves ainsi qu'une récompense pour ses exploits guerriers. L'huron va découvrir un monde aux usages singuliers.

Comment se construit la critique du pouvoir dans ce passage ? Satire de l'administration royale et dénonciation de l'asbolutisme.

L'ancrage réaliste n'est qu'une façade le décor et les personnages restent schématiques comme dans un conte traditionnel. Le lieu est réduit à un lie quelconque qui n'est que le siège du pouvoir. Voltaire rend possible la généralisation de la critique à toutes les époques. Ancrage réaliste avec lieu et noms de personnalités ayant réellement existé. Personnages schématiques de conte traditionnel, pas de portrait, personnages réduits à leurs fonctions, pas de description des splendeurs de Versailles.

Le Huron ignore le cérémonial de Versailles et du Roi-Soleil. Et ce n'est pas le cas du lecteur qui ne peut manquer de sourire de la simplicité du héros. L'humour = décalage entre l'illusion de l'Ingénu qui compte parler au roi en personne et la réalité de la hiérarchie sociale. Le jugement du héros révèle la critique du philosophe tout en permettant à Voltaire de ne pas la prendre en charge directement. Le lecteur est invité à réfléchir ce qui relève de la dénonciation politique.

Satire Politique. L'action même : le labyrinthe bureaucratique. Incompétence et indifférence de l'administration royale. Parcours répétitifs et infructueux : rencontrer le roi ou un de ses représentant semble impossible. Procédé du comique de répétition. Les ministres et secrétaire s'occupent de leurs affaires personnelles. On a un héros débordant d'activité qui est en opposition avec l'inaction du pouvoir.

Le roi ne semble pas savoir de qui s'entourer Son aveuglement le conduit à l'ingratitude ou l'injustice et à une politique dangereuse pour le pays : la menace anglaise n'a pas l'air de le préoccuper. Le titre du chapitre est ironique puisque le héros n'est pas reçu à la cour. Il n'entre même pas dans un lieu officiel. L'entretien se tient dans une antichambre. Voltaire a la prudence de ne pas attaquer frontalement la figure du monarque. Il malmène le lieu emblématique du pouvoir. Ainsi que l'ordre hiérarchique.

Conclusion Critique de l'absolutisme, d'une forme de monarchie et de gouvernement qui abuse de son pouvoir et qui ne fait pas son devoir. Critique du passé (Louis XIV) pour dissimuler une condamanation plus générale ; Voltaire vise son siècle et son roi coupé des réalités et de son peuple.

Chapitre XIV – Progrès de l'esprit de l'Ingénu. LA n°4. Du début à « laissait libre cours à sa juste colère «

Comment se manifeste les progrès de l'Ingénu ?

L'Ingénu était confronté à des savoirs nouveaux. Ici, Voltaire fait de lui un esprit capable de penser par lui même le monde et l'homme.

La nature est éclairé par la culture. L'atout du « bon sauvage « n'est pas l'ignorance blanche sur laquelle la raison peut inscrire les idées justes, sensées, qu'elle a élaborées (?). On a la présence de termes mélioratifs pour décrire l'esprit du Huron « développement rapide de son esprit «. L'ingénu possède des qualités naturelles qui n'ont pas été dévoyées par les superstitions et les préjugés : « instruit par la nature « (plutôt formé). L'Ingénu n'est pas encore un savant mais son intelligence naturelle lui permet d'apprendre vite. Le portrait mélioratif du Huron, Voltaire avance son idée de l'éducation et critique celle de son temps qui abîme les esprits, les déforme (« courbé par l'erreur «). L'Ingénu voit les choses comme elles sont. => Voltaire prend alors ici position dans le débat du bon sauvage, il n'envisage pas le bonheur de l'homme réduit à un état primitif. Il s'oppose à Rousseau. Voltaire défend la civilisation, la culture, le savoir.

Un esprit en action. Les signes d'une réflexion libre et fondée sur la raison. La capacité de réflexion du Huron se déploie grâce à l'intervention d'un vieux janséniste, M. Gordon ! Qui apparaît comme un maitre chargé de guider son élève avide de savoir. L'apprentissage est un véritable dialogue. Le maitre comme le disciple sont en position de sujet grammatical du verbe dire = la parole circulante n'est pas à sens unique. « disait-il à son ami Gordon «. C'est une liberté d'expression qui permet l'exercice de l'esprit critique. La confiance entre le maitre et le disciple est soulignée par des termes affectifs « ami; cher enfant... «. => Les progrès de l'esprit de l'Ingénu se manifestent dans sa capacité à raisonner presque d'égal à égal avec son maitre. La fin de paragraphe souligne que l'Ingénu est toujours en apprentissage.

La naïveté n'est plus la caractéristique du regard de l'Ingénu. Le Huron en prison fait preuve d'une liberté dépenser d'un regard critique tout à fait raisonné. L'ingénu n'en est plus à faire des questions naïves. Il use d'une rhétorique qui lui permet de développer ce qu'il pense de façon argumentée. On aperçoit alors un certain maniement de l'argumentation. Thèse sous forme d'une maxime « toute secte me paraît le ralliement de l'erreur « + hypothèse reprenant une idée adverse pour la récuser + Question rhétorique + raisonnement par analogie « si cette vérité était nécessaire comme le soleil l'est à la terre... « + argument par rétorsion « on dit que ce sont des barbares... « + raisonnement inductif qui accumule les faits pour parvenir à la conclusion soulignée par le connecteur logique de conséquence « Il n'y a donc point de lois dans ce pays ! «. =>L'Ingénu peut partager ses idées parce qu'il sait raisonner pour convaincre. Il réussit d'ailleurs à convaincre Gordon que le jansénisme est une impasse puisque sa métaphysique n'aide pas à vivre.

L'Ingénu, critique Voltairien ? C'est vers la philosophie et la pensée politique des Lumières que l'Ingénu a progressé. Il critique l'obscurantisme et l'absolutisme. Critique religieuse termes nombreux émettant un jugement dépréciatif sur la religion « abominables; monstres; secte; amas d'arguments qu'on ressasse «. La pensée de Voltaire s'exprime ici sans détour, sans le masque de l'ironie ou de l'humour. Critique du pouvoir et de la justice. Pas de suprématie de la loi, pouvoir du caprice, de la fantaisie. Pas de justice. Champ lexical montrant l'horreur de la prison. Comparaison avec l'Angleterre. => Apologie des Lumières contre l'obscurantisme et le fanatisme. Oppositions lexicales : La Raison, Les Lumières = « soleil «, « brillante «, « vérité « / Obscurantisme = « cachée «,  « obscures «, « faussetés «. L'ingénu est le porte parole de Voltaire.