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Le travail occupe t-il toujours une place centrale dans la société française ?

Publié le 05/12/2010

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travail

 

 Introduction 

 Étymologiquement, le verbe travailler vient du latin populaire tripaliare qui signifie « torturer avec le tripalium «. Le tripalium est un instrument à trois pieux utilisé pour ferrer les chevaux, mais également un instrument de torture utilisé par les romains pour punir les esclaves rebelles. Cette étymologie montre que le travail est plutôt associé à la pénibilité, à la souffrance. 

 Le terme « travail « apparaît tardivement dans le vocabulaire. Dans les sociétés primitives le travail n’existe pas comme activité spécifique, séparée des autres. De même dans l’antiquité et au Moyen-âge, il n’existe pas de terme pour désigner ce qu’il y a de commun dans les activités du paysan, du commerçant, de l’artisan, etc. Il faut attendre l’essor des rapports marchands et l’avènement du capitalisme pour qu’émerge la notion de « travail « en général, c'est-à-dire l’ensemble des activités intellectuelles et manuelles accomplies par l’homme pour produire des biens et des services économiques en contrepartie desquels il est rémunéré. 

 Le travail concerne en fait trois activités différentes. D’abord l’activité domestique, mais qui n’est pas à proprement parler un travail dans la mesure où il ne s’agit pas d’un travail rémunéré ; nous l’exclurons donc cette forme de travail de notre analyse. Ensuite le travail salarié, qui est un travail effectué dans des rapports de dépendance et de subordination et échangé en principe contre une rémunération forfaitaire ; 85 % des actifs sont aujourd’hui salariés. Enfin le travail non salarié, effectué par un travailleur indépendant rémunéré directement par la vente du produit ou du service qu’il produit. 

 Depuis l’avènement de la révolution industrielle et l’essor du capitalisme, le travail a traditionnellement une place importante, car c'est autour de lui que tout s'organise. Le travail en tant qu'emploi permet de gagner de l'argent pour consommer et donc pour vivre. Il permet également aux individus d'atteindre des objectifs, d'apprendre la vie en collectivité, d'être reconnu, de se sentir utile. Cependant, dans les sociétés développées, la tendance à long terme est à la diminution du temps de travail, à la mécanisation des tâches les plus pénible mais également à la précarisation du travail salarié et à la persistance d’un chômage de masse. 

 S’interroger sur la place du travail aujourd’hui dans la société française, c’est se demander si les évolutions qui le caractérise ne viennent pas remettre en cause ses fonctions d’intégration et sa capacité à assurer la pérennité du lien social. 

      Le travail, vecteur principal d’intégration de la société      moderne, demeure vecteur de dignité et d’échanges pour l’individu      et gage de solidarité collective entre les générations dans      la société contemporaine    *A/ Même si la crise a diversifié les statuts, l’emploi demeure le critère* central de la position sociale 

 On peut tout d’abord observer cette importance du travail dans la construction du statut social à travers l’élaboration par l’INSEE des PCS (Professions et Catégories Socioprofessionnelles) pour étudier la société. En effet, au sein de cette nomenclature, qui établit au final une certaine hiérarchie sociale, le type d’emploi tient une place centrale puisque les principaux critères de classification sont le statut de l’emploi (salarié ou non), le niveau de qualification et le type de travail (manuel ou non). 

 Par ailleurs, les modes de vie sont fortement influencés par l’emploi occupé, ne serait-ce que par l’intermédiaire de la variable du revenu. De nombreuses études sur les choix de consommation, les goûts et les comportements sont différenciés selon les catégories sociales auxquelles les individus appartiennent. 

 Enfin, les conditions de travail, les qualifications et la reconnaissance de la part de la société ne sont pas les même suivant le type d’emploi occupé, et ces éléments déterminent également en partie le statut social. La reconnaissance de la société et le statut social qui en découle sera généralement croissante en fonction du niveau de qualification notamment. 

 B/ Le travail est un vecteur *d’épanouissement personnel pour les individus*  

 Entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, Christian Baudelot et Michel Gollac ont réalisé un important travail d’enquête sur le rapport des français au travail. Dans leur ouvrage « Travailleur pour être heureux « publié en 2003, ils montrent que contrairement à ce que l’on pourrait penser, une part importante de personnes considère que le travail est une composante importante du bonheur. 

 A la question « Qu’est ce qui est pour vous le plus important pour être heureux ? «, 27 % des personnes interrogées invoquent dans leur réponse le travail. Cependant, cette proportion varie fortement selon la position sociale. Ce sont les catégories sociales dont les conditions de travail sont les plus pénibles, les rémunérations les plus faibles et les risques de chômage les plus forts qui font du travail l’une des conditions essentielles du bonheur. Ainsi le mot « travail « ou l’un de ses synonymes est cité par 43 % des ouvriers, contre 27 % des chefs d’entreprise, cadres et professions libérales. 

 *C/ *Le travail *pérennise le lien s*ocial dans la société salariale 

 Pour Dominique Schnapper, le travail assure la dignité des individus et fonde aujourd’hui l’essentiel des échanges sociaux. Le travail est encore aujourd’hui une norme, c’est lui qui organise la vie collective. Le travail est central pour ceux qui travaillent comme pour ceux qui n’ont plus d’emploi. 

 Par ailleurs, depuis le début des années 1970 le travail est un vecteur d’intégration essentiel pour les femmes avec leur entrée massive sur le marché du travail. Il est également un vecteur d’intégration essentiel pour les jeunes qui entrent dans la vie active. 

      La crise du travail des sociétés contemporaines met en question      la place centrale du travail dans la société française    *A/ L’effritement de la société sal*ariale fragilise le lien social 

 A partir des années 1970, la récession économique, la crise du syndicalisme et la recherche d’une plus grande flexibilité dans la gestion de la min d’œuvre par les entreprises affectent le processus d’intégration par le travail. Le développement du chômage de masse, la montée des emplois précaires et l’individualisation du contrat de travail conduisent des auteurs comme Dominique Schnapper, Robert Castel ou Serge Paugam à montrer qu’on assiste à l’apparition d’une nouvelle forme d’exclusion sociale. 

 Dominique Schnapper, dans son ouvrage « L’épreuve du chômage « en 1981 montre à partir d’enquêtes et d’entretiens auprès de chômeurs que la perte d’un emploi affecte négativement le processus d’intégration de l’individu à la société. La perte d’emploi peut notamment se traduire par une perte de statut social et un repli sur soi, surtout dans le cas des travailleurs manuels à faible niveau de qualification. Avec la montée du chômage le travail ne peut plus remplir son rôle d’intégration des individus à la société. 

 Par ailleurs Robert Castel met en évidence un effritement de la société salariale, avec un développement de contrats de travail atypiques, à durée limitée ou à temps partiel, le développement du travail en intérim, etc. On assiste à une précarisation des relations de travail préjudiciable à la cohésion sociale. Cet « effritement « de la société salariale peut entrainer un processus de « désaffiliation « aboutissant à des situations de grande pauvreté et d’isolement relationnel. Là encore le travail ne peut plus jouer son rôle d’intégration. 

 B/ *L*’élévatio*n de la productivité du travail et* le développement des NTIC mettent en cause le travail comme élément central pour les organisations productives 

 Dans son ouvrage « La fin du travail «, l’économiste Jérémy Rifkin affirme que les mutations technologiques induites par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) bouleversent l’organisation du travail. Ces nouvelles technologies peuvent se substituer aux emplois peu qualifiés, et permettent également de plus en plus de supprimer les activités de calcul, de conception ou de diagnostic. La thèse de cet économiste est donc que va se développer en quelque sorte un monde sans travail, avec une masse importante de sans emplois. 

 On peut cependant opposer à cette thèse l’analyse d’Alfred Sauvy et sa théorie du déversement. En effet les innovations technologiques concourent à faire disparaître des emplois, mais en créent en amont dans la production des équipements liés aux innovations technologiques, ainsi que pour la distribution et la maintenance de ces équipements. D’autre part les gains de productivité dégagés par l’utilisation des nouvelles technologies permettent d’augmenter le pouvoir d’achat et de rendre solvable de nouveaux besoins. 

 Cela dit on constate historiquement une baisse de la quantité d’heures moyennes travaillées par travailleur sur longue période, due notamment à la baisse régulière de la durée légale de travail jusqu’à 35 heures par semaine. Cette réduction du temps de travail limite quantitativement la place du travail dans la société française. 

 Conclusion 

 Le travail reste donc aujourd’hui un vecteur fondamental d’intégration, comme le montre les processus d’exclusion provoqués par l’absence d’emploi. Il tend cependant à perdre progressivement la place centrale qu’il occupait traditionnellement dans la société française.

 

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