Le temps fait-il partie intégrante de nous-même ?

Le temps (tempus) est une division de la durée en instants ou en moments qui se succèdent irréversiblement. Nous savons tous ce qu'est le temps, mais il devient très difficile à définir dès lors que l'on s'efforce de le penser. Si le passé est ce qui n'existe plus, le futur ce qui n'existe pas encore, qu'en est-il de l'instant s'il n'est que l'insaisissable et fuyante limite entre ces deux blocs de non-être ? Si nous ne pouvons rien saisir en dehors du temps, S sinon par abstraction, ne faut-il pas supposer qu'il fait partie intégrante de nous-mêmes ? Ainsi, Kant établira que le temps est la forme a priori de notre intuition. Sans réalité "objective", le temps est une idéalité transcendantale en laquelle et par laquelle nous avons l'intuition des phénomènes. Bergson notera que la réalité spécifique du temps nous échappe par notre volonté de nous le représenter spatialement. Saisi en revanche de l'intérieur de nous-mêmes, le temps est vécu comme durée, c'est-à-dire comme flux de conscience ayant des intensités diverses. Passé, présent et futur sont activement intégrés par la conscience qui chemine dans le temps. La mémoire est une faculté essentielle. Fonction du passé, elle nous permet de saisir le temps dans sa continuité. Bergson a distingué deux types de mémoires : une mémoire artificielle et mécanique, contrainte et formée par l'habitude, et une mémoire vraie, capable de ressusciter le passé en tant que tel. Les traces mnésiques se répartissent sur l'ensemble du cortex, mais l'acte de réminiscence est un acte spirituel. Enfin, la mémoire se double, comme l'ont montré Nietzsche et Freud, d'une faculté active d'oubli, nécessaire pour reprendre pied dans le présent et en quelque sorte renaître à la vie de l'instant. Si la mémoire structure l'unité temporelle de la personne, la faculté d'oubli est vitale pour agir, entreprendre, projeter, et ne pas dépendre d'un éternel ressassement du passé qui nous rendrait la vie impossible.